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Krishen Manaroo : le souffle de vie d’un jeune joueur de «Bansuri»

Le son de la flûte lui rappelle celui de la nature.

Très jeune, Krishen Manaroo a trouvé dans les mélodies de la flûte un écho à son âme, transformant une épreuve en une passion dévorante. Découvrez comment les notes envoûtantes de la flûte en bambou ont sculpté son parcours et ses aspirations.

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La musique qui jaillit de la Bansuri (flûte en bambou) de Krishen Manaroo résonne. Raconte des histoires. Évoque des émotions. Elle transporte l’auditeur dans un voyage intemporel. À 22 ans, ce jeune prodige mauricien a su transformer une épreuve de son enfance en une passion dévorante pour la flûte, naviguant entre les mélodies traditionnelles et les sons modernes avec une aisance que lui-même qualifie d’« inexplicable ».

Fils d’une mère au foyer et d’un père « contracteur », Krishen Manaroo habite à Terre-Rouge. Il a un grand frère et une petite sœur. Il y a deux ans, il a terminé ses études secondaires au collège Soondur Munrakhun à Montagne-Longue. En attendant de poursuivre des études approfondies dans la musique, Krishen Manaroo s’est actuellement lancé dans une carrière de musicien freelance, en jouant une variété d’instruments à vent, tout en explorant de nombreux genres musicaux. À Le Dimanche/L’Hebdo, il confie qu’il a trouvé dans cet univers non seulement une passion, mais aussi un véritable chemin de vie.

Comment cette aventure musicale a-t-elle commencé ? Krishen Manaroo raconte que durant son enfance, il aimait contempler la statuette du Dieu Krishna et la façon dont celui-ci se tenait pour jouer de la Bansuri. « Je l’imitais. » À l’époque, il ne savait pas que les flûtes en bambou existaient à Maurice. « Je chauffais un métal et je perçais des trous dans un tuyau en plastique pour fabriquer une flûte », relate le jeune homme. Parvenait-il à faire jaillir des notes de musique ? Dans un rire, il affirme que c’était plus du bruit que de la musique. À ce moment-là, il n’aspirait pas vraiment à jouer de la flûte.

À l’âge de sept ans, il est victime d’un accident. « Pendant mon séjour à l’hôpital, j’écoutais une sonnerie sur le téléphone de ma mère, c’était une mélodie de flûte. J’ai trouvé du réconfort dans les notes de musique et c’est alors que j’ai développé un intérêt pour cet instrument », partage-t-il. 
Dès lors, il insiste auprès de sa mère pour avoir une flûte. Son grand frère lui trouve une flûte à bec en bois, mais ce n’était pas ce qu’il recherchait. Et si à ses débuts, il faisait beaucoup de bruit, dit-il, avec le temps et la pratique, ces bruits sont devenus des mélodies. 

Quelques années plus tard, Krishen Manaroo a environ 13 ans. Pendant les vacances scolaires, il travaille comme marchand ambulant de vêtements à Port-Louis. « Un jour, j’ai vu un monsieur qui vendait des flûtes en bois au marché central. Il vendait cette flûte à Rs 50. Mon frère et moi n’avions que Rs 50 en poche. C’était notre argent pour le trajet en bus et nous devions payer chacun Rs 12 pour retourner à la maison. Le monsieur nous a gentiment vendu cette flûte en bois que je voulais absolument pour Rs 25 », se remémore-t-il avec nostalgie. 

S’il n’a jamais revu cet homme par la suite, Krishen Manaroo se rappelle toutefois qu’il était très grand, de teint clair et qu’il portait une casquette. « Ce que je suis devenu aujourd’hui, c’est en partie grâce à lui, car il m’a vendu la flûte que je voulais et je tiens à le remercier. Il a changé ma vie. » Pour lui, son parcours, marqué par son accident, a éveillé son amour pour la flûte et ce qui a suivi est une histoire de découverte, de persévérance et de croissance spirituelle.

Aujourd’hui, Krishen Manaroo, qui dit faire du sport, surtout le football, et collectionner des figurines Marvel ainsi que des voitures miniatures dans son temps libre, joue une variété d’instruments à vent, y compris la flûte traversière, la Shehnai, le saxophone, la flûte à bec, l’harmonica, la Tin Whistle irlandaise, le Xaphoon et le Hulusi. Il a même récemment commencé à jouer d’un instrument de la société Yamaha nommé Venova, un saxophone de poche. D’où tient-il cette passion pour la musique ? « Je ne suis pas issu d’une famille de musiciens. Mon grand frère chantait et ma passion pour la musique a commencé à la maison », dit-il.  

Les musiques carnatique et hindoustanie, deux formes de musique classique indienne, sont les piliers du répertoire musical de Krishen Manaroo, qui compose également ses propres mélodies. Originaire du sud de l’Inde, la musique carnatique se caractérise par ses structures mélodiques complexes ainsi que ses compositions riches, tandis que la musique hindoustanie, qui vient du nord de l’Inde, se distingue par son improvisation et ses ragas (notes de musique) élaborés, explique-t-il. Il en écoute beaucoup pour s’en inspirer et être capable de jouer comme les grands virtuoses.

En tant que flûtiste, Krishen Manaroo fusionne ces deux styles tout en y intégrant des éléments de musique classique occidentale, irlandaise, chinoise et même arabe. Cette approche éclectique lui permet ainsi d’offrir des performances variées qui captivent un large public, en résonnant avec les goûts musicaux diversifiés de ses auditeurs. Son talent pour naviguer entre les différentes traditions musicales témoigne non seulement de sa virtuosité, mais aussi de son profond respect pour les diverses formes d’expression musicale.

Pour faire montre de ses talents de flûtiste autodidacte, Krishen Manaroo participe à de nombreux grands événements mémorables. Cependant, sa première performance complète de musique classique hindoustanie, organisée par le groupe Infinity, qui promeut la musique classique hindoustanie à Maurice, lui restera à jamais mémorable. 

Certains de ses compositeurs préférés sont Hariprasad Chaurasia, Ravi Shankar, Hans Zimmer, Yanni, Simon et Garfunkel, Rupert Gregson-Williams et A.R. Rahman. « Ils sont tous célèbres et très talentueux dans leur domaine. Leur musique me procure un sentiment de paix, me donne des idées et me transporte dans un autre monde », avoue-t-il. Il écoute souvent les sons de la nature et y découvre de nombreuses mélodies. 

À quoi reconnaît-on un bon flûtiste ? C’est lorsqu’il est capable de faire chanter la flûte et de la rapprocher le plus possible de la voix humaine, répond Krishen Manaroo. Il joue pour envoyer un message d’amour et il essaie de toucher le cœur de tout le monde à travers sa musique. 

Est-ce difficile de faire carrière en tant que flûtiste à Maurice ? « Il n’y a pas beaucoup de plateformes à Maurice pour promouvoir la musique classique hindoustanie et carnatique. De plus, il m’a fallu sept ans pour pouvoir enfin acheter mon premier ensemble de flûtes professionnelles car je n’avais pas de soutien financier et j’ai dû travailler dur pour économiser de l’argent », fait-il savoir. 

Ainsi, selon Krishen Manaroo, il est essentiel de créer davantages de plateformes pour la musique classique dans le pays, et d’offrir plus d’opportunités afin de prévenir la disparition d’une des formes de musique les plus anciennes. À l’avenir, le jeune joueur de Bansuri compte faire de sa passion sa profession. Il espère également inculquer à ceux qui s’intéressent à la Bansuri le respect de la flûte en bois. Il souhaite que les enfants d’aujourd’hui puissent non seulement écouter la musique mais également être capables de distinguer entre la bonne et la mauvaise musique.

D’ailleurs, pour lui, la musique doit être enseignée dès le plus jeune âge. « L’apprentissage de la musique comme matière devrait être introduit dès la maternelle jusqu’au secondaire. »

Et quel est son plus grand rêve ? Krishen Manaroo révèle que c’est de jouer de la flûte aux côtés de certaines de ses grandes inspirations comme Pandit Hariprasad Chaurasia, Pandit Rakesh Chaurasia, Pandit Rajendra Prasanna et Pandit Ashwin Shrinivasan, mais aussi de voyager dans le monde entier avec sa musique. 

Son choix de jouer de la flûte en bambou

En quoi jouer de la flûte a changé sa vie ? « Ça m’a connecté aux profondeurs de la musique, ce qui m’a rendu plus spirituel car la musique est Dieu et Dieu est musique. Cet art m’a aidé à voyager hors de Maurice, et a contribué à faire de moi une personne plus calme et compréhensive », répond-il, tout en nous confiant dans un rire qu’avant, il était un vrai « bitor ». 

Pour Krishen Manaroo, la flûte en bambou est un instrument qui fait partie de la nature elle-même. « Elle est faite d’un simple morceau de bambou et n’a que sept trous. J’aime le son de la flûte car il me rappelle celui de la nature. C’est comme si un oiseau coucou chantait », dit-il. Mais bien que ce soit l’un des plus anciens instruments du monde, il s’agit de l’une des plus récentes additions à la musique classique hindoustanie.

  • LDMG

 

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