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Kris Valaydon, démographe : «La population n’est pas vieillissante, elle est déjà vieille»

Kris Valaydon tire la sonnette d’alarme sur une « bombe démographique » qui menace l’équilibre financier de Maurice.

Face à un système de pensions sous tension, le démographe Kris Valaydon tire la sonnette d’alarme : Maurice ne fait pas face à une population vieillissante, mais à une population déjà vieille. L’ancien cadre de l’United Nations Population Fund alerte sur l’explosion des dépenses publiques liées à la vieillesse, la dénatalité persistante et la baisse de la population active. Il plaide pour une réforme urgente avant qu’il ne soit trop tard.

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Le constat de Kris Valaydon est sans appel : l’absence éventuelle de réforme du système des pensions aura des conséquences. « Ce n’est pas une population vieillissante, mais une population qui est déjà vieille », affirme d’emblée le démographe et ancien cadre du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA).

Il explique qu’aujourd’hui, Maurice compte environ 287 000 personnes bénéficiaires de la pension de vieillesse. Ce qui, dit-il, représente un cinquième de la population actuelle. « Auparavant, cette proportion était d’environ 10 % », précise-t-il. Ce qui signifie qu’un Mauricien sur cinq touche désormais une pension, contre un sur dix il y a encore quelques années. Sans compter le fait, ajoute Kris Valaydon, que plus de 20 % des Mauriciens ont plus de 60 ans aujourd’hui.

Maurice est entré de plain-pied dans la transition démographique. Le taux de fécondité est en chute libre : de six enfants par femme dans les années 1960, il est passé à moins de deux aujourd’hui. Parallèlement, la population active est en recul. Résultat : le modèle de financement actuel des pensions s’essouffle.
« Le problème qu’on a actuellement est à trois dimensions : économique, politique et technique. La démographie, c’est-à-dire le nombre de gens que compte le pays et la distribution d’âge de la population, est au cœur de tout cela », dit Kris Valaydon.

Population active en recul

Ces dernières années, la population active a diminué, confirmant une tendance observée depuis plus d’une décennie. Pour les démographes, cette dynamique n’a pourtant rien de surprenant. Selon Kris Valaydon, elle représente ce qu’ils appellent une « bombe démographique », aux effets prévisibles, mais malheureusement mal anticipés.

« Depuis très longtemps, nous disposons de rapports qui tirent la sonnette d’alarme. Régulièrement, l’attention des autorités a été attirée sur cette question cruciale, mais rien n’a été fait », déplore-t-il. Il rappelle que la dernière réforme significative remonte à 2008. À cette époque, l’âge de la retraite avait été repoussé de 60 à 65 ans sur une période de dix ans.

Une avancée partielle, estime-t-il, car la question de l’ajustement de la pension de vieillesse n’a pas été traitée. « En 2004 déjà, Pravind Jugnauth, alors ministre des Finances, avait dit dans son Budget que ce n’était pas soutenable, qu’il fallait cibler et que le système actuel n’allait pas pouvoir tenir. Et à cette époque, nous n’étions pas encore à 287 000 retraités. Il n’y en avait alors que 100 000. Lui-même disait déjà qu’il fallait réformer », précise Kris Valaydon.

Selon lui, la situation s’est considérablement aggravée après les élections de 2014. « Les dépenses liées aux pensions, qui représentaient entre 9 % et 10 % des recettes publiques entre 2010 et 2014, ont bondi à 15 %, puis à environ 24 % après les élections de 2019. Aujourd’hui, elles comptent pour près de 30 % des revenus de l’État », détaille-t-il.

« C’est insoutenable », martèle le démographe. « On ne peut pas dire que c’est une découverte récente. Le programme de l’Alliance du Changement aux dernières élections consacre deux pages au vieillissement de la population et à la baisse de la fécondité, ainsi qu’aux conséquences que cela a sur notre économie. »

Sujet évité par crainte d’impopularité

Alors que le gouvernement a annoncé un étalement de la réforme des retraites sur cinq ans, Kris Valaydon met en garde contre une perception erronée d’une bascule brutale. « Si on écoute le discours budgétaire, on voit que c’est un échelonnement sur cinq ans, alors que l’impression que certains donnent est que la transition passe d’un jour à l’autre. »

Le sujet, longtemps évité par crainte d’impopularité, suscite désormais une certaine forme de populisme, déplore-t-il. « La question qu’il faut poser est : où avoir l’argent pour continuer à payer ? Est-ce qu’il faut augmenter la dette pour payer, alors que la dette publique est déjà de 90 % du Produit intérieur brut ? Si le pays contracte encore plus de dettes, il risquera de faire banqueroute et les mesures qui devront être prises seront plus extrêmes. Où sera alors la dignité ? » demande le démographe.

Malgré tout, il se veut modérément optimiste. Il perçoit dans l’opinion publique une prise de conscience croissante des limites du système actuel. « Je suis assez optimiste, car même ceux qui sont un peu contre se rendent compte que ce système n’est plus soutenable. Mieux vaut faire comme le gouvernement fait plutôt que de devenir demain un pays qui doit aller mendier auprès des institutions internationales et perdre toute dignité. »

S’il déplore l’inaction du passé, il insiste toutefois sur la nécessité d’un changement dès aujourd’hui. « Si on avait pris les mesures qu’il fallait après 2008, on aurait évité la situation actuelle. Aucun patriote n’accepterait que le pays fasse banqueroute. Le Mauricien sait que le pays a des problèmes. Il sait combien de gaspillage il y a eu et que le système actuel n’est pas soutenable. »

Pour faire face aux défis posés par la dénatalité et le vieillissement, Kris Valaydon plaide aussi pour une politique migratoire réfléchie. « Le danger est de ne pas prendre en compte le souci démographique. On doit aussi faire une bonne politique d’immigration pour remplir plusieurs dizaines de milliers de postes vacants dans le privé », conclut-il. 

  • Nou Lacaz

 

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