Interview

Kreepalloo Sunghoon : «Inutile d’acheter plus de légumes que vous n’en consommez»

Kreepalloo Sunghoon

Une baisse de la production de certains légumes. C’est ce à quoi seront exposés les Mauriciens dans les prochains jours, surtout si le pays subit les effets néfastes du passage de Cilida. C’est ce qu’indique Kreepalloo Sunghoon, président de la Small Planters Association.

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Quel impact la présence de Cilida dans les parages aura-t-elle sur les cultures ?
Maurice n’a, jusqu’ici, pas connu de pluies torrentielles. Celles qui se sont abattues sur l’île ces derniers jours ont été absorbées. Les légumes grimpants produiront ainsi davantage de lianes et de feuilles dans les jours qui suivront. Il faudra attendre huit à neuf jours avant que ces lianes ne produisent des fleurs et des fruits. Il s’agit essentiellement de la calebasse, du patole, de la margose, du pipangaille, etc. Il faut donc s’attendre à une réduction dans la production de ces légumes. Les carottes, les raves et les betteraves risquent aussi d’être affectées, si le cyclone est suivi d’une vague de chaleur. Les plantations de choux, de concombres et de courgettes risquent, elles, d’être affectées par les rafales.   

Force est de constater que les prix de certains légumes ont déjà accusé une hausse… 
Effectivement ! Une visite au marché, samedi matin, m’a permis de constater que le chou est passé de Rs 20 à Rs 40, la margose de Rs 25 à Rs 35 et les herbes fines de Rs 15 à Rs 25. Sans compter les pommes d’amour, qui se vendaient à Rs 20 le demi kilo et qui coûtent Rs 40 cette semaine. C’est une hausse enregistrée au niveau de la vente en gros. Le prix est passé de Rs 600 la caisse à Rs 1 100, voire Rs 1 200 la caisse. Cela a forcément une répercussion sur le prix de vente aux consommateurs. 

Comment expliquez-vous cette hausse ?
C’est essentiellement dû à une hausse de la demande. Pendant la période des pluies, les Mauriciens acheter plus que d’habitude. Ils craignent une pénurie. Cela engendre une pénurie artificielle. Nou pou gard li trwa zour dan frizider, apre nou pou zet li. C’est donc inutile d’acheter plus que ce que nous consommons. 

Courons-nous le risque d’un manque de certains légumes dans les jours qui viennent ?
À ce stade, nous avons un stock suffisant de légumes pour tenir jusqu’à la fin de l’année. Si le cyclone passe sans fracas, il n’y aura aucun manque de légumes sur le marché et ceux-ci se vendront à des prix plutôt abordables. On peut même espérer un retour à la normale, en matière de prix, si Cilida n’a fait pas trop de dégâts.

Comment se porte les petits planteurs ?
De manière générale, nous avons le sentiment d’avoir été abandonnés et qu’il n’y a pas de driver à la tête de ce secteur. Surtout qu’en cette période de fin d’année, le ministère aurait dû avoir une stratégie pour décider de la quantité de légumes nécessaire pour répondre à la demande. Du coup, une planification en amont aurait dû être faite et les planteurs notifiés de ce qu’ils doivent planter ou pas. Actuellement, au niveau des petits planteurs, cela se fait davantage par observation et par tradition. Ces informations auraient pu être disséminées aux petits planteurs. Na pa kapav kontinie viv koumsa. D’ailleurs, nombreux sont les planteurs qui partent à la retraite. Leurs terres se retrouvent ainsi, le plus souvent, abandonnées ou dans quelques cas, léguées à des amis. Le know-how, de même que l’intérêt pour la culture se perdent. 

Comment faire que les jeunes s’y intéresser ? 
Malheureusement, par manque d’encadrement et d’informations, le jeune ne souhaite pas reprendre le flambeau ou alors, il a des options plus rémunératrices. Je connais personnellement plusieurs jeunes qui s’il y avait une vison économique, se seraient lancés. Quant aux protected structures, cela requiert de l’espace, mais aussi beaucoup d’investissement. Pour l’hydroponique, par exemple, un investissement de Rs 2 millions est nécessaire pour développer un arpent de terrain. C’est coûteux.  

Il y a aussi le problème de disponibilité des terres ?
À l’heure où je vous parle, il y a 27 000 arpents de terres abandonnés, notamment celles qui étaient sous culture de cannes. Nous avons proposé au gouvernement de mettre sur pied une Land Bank, qui regrouperait les terres qui sont abandonnées ou qui ne seraient plus rémunératrices pour le planteur. Celles-ci auraient pu ainsi être louées aux entrepreneurs-planteurs, aux éleveurs, etc. Primo, nous aurions rendu ces terres productives. Secundo, nous aurions créé des emplois et tertio, nous nous serions assuré, dans une certaine mesure, de notre sécurité alimentaire.

Justement, où en sommes-nous par rapport à la production et la demande de légumes ?
Notre consommation locale, en matière de légumes, tourne autour de 140 000 à 150 000 tonnes par an. Quelque cinq années de cela, nous produisions environ 120 000 tonnes de notre consommation. Pour ce qui est du reste, nous avions recours à l’importation. Mais en 2017, ce chiffre est descendu à 92 000 tonnes. Ce qui accentue notre dépendance sur l’importation, sans compter les risques liés au carbon footprint. 

Pensez-vous que les autorités compétentes font suffisamment pour aider les petits planteurs ?
Malheureusement, non. Les autorités accordent plus d’attention aux grosses entreprises, qui disposent déjà de terres de qualité, qui ont la connaissance, les moyens et un réseau de distribution, au détriment des petits planteurs, qui sont appelés à disparaître. Lorsque ce jour viendra, ce sera exactement comme ce qui est décrit comme Zistwar poul ek dizef. Dans le passé, nous élevions des poules et donc, n’avions pas à acheter d’œufs. Mais aujourd’hui, on est contraint d’en acheter et aux prix fixés par les grandes entreprises. 

 

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