Kishore Beegoo a annoncé ce jeudi sa démission du Conseil d’administration d’Air Mauritius. Dans l’émission « Au Cœur de l’Info », il défend son action, critique certaines décisions politiques et met en garde contre des partenariats jugés dangereux pour l’avenir de la compagnie.
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Dans l’émission « Au Cœur de l’Info », animée par Nawaz Noorbux, le jeudi 23 octobre, sur Radio Plus, Kishore Beegoo s’est exprimé après sa démission du Conseil d’administration d’Air Mauritius. Entre divergences politiques, accusations publiques et désaccords sur l’avenir de la compagnie nationale, l’ancien président s’est défendu avec fermeté, tout en regrettant la situation dans laquelle se trouvent, selon lui, le Premier ministre et les Travaillistes.
« Je suis triste pour la position du Premier ministre et des travaillistes », a déclaré Kishore Beegoo, expliquant sa démission comme le résultat d’une « accumulation de frustrations » plutôt que d’un événement isolé. L’ancien président du Conseil d’administration d’Air Mauritius affirme qu’il n’a subi aucune pression directe du chef du gouvernement : « Depuis que je suis Chairman, je n’ai jamais dit que j’avais le soutien du Premier ministre. » Il raconte avoir pris sa décision « immédiatement après une réunion au Bureau du Premier ministre », avant d’en informer ses enfants.
Pour lui, la dégradation du climat politique et les attaques répétées du Premier ministre adjoint Paul Bérenger ont contribué à le pousser vers la sortie. « Il me semble que certains Travaillistes auraient perdu leur dignité. Je ne suis pas d’accord avec la façon de faire de Paul Bérenger. Il y a des limites qu’il ne faut pas franchir », a-t-il affirmé, estimant que le Premier ministre adjoint « met le Premier ministre dans une position délicate ».
Sur la polémique concernant l’atterrissage d’un jet privé en provenance de Madagascar, Kishore Beegoo a tenu à se défendre : « Je lance un défi au Premier ministre adjoint : s’il dispose de 0,1 % de preuve de mon implication dans ce dossier, qu’il les produise. » Il précise qu’il participait simplement à un tournoi de golf organisé par Golf CEO Masters, dont Jet Prime était sponsor. « Je ne suis lié ni de près ni de loin à cette affaire », assure-t-il.
Le partenariat avec Qatar jugé dangereux
Autre point de friction : la question des partenariats stratégiques, notamment avec Qatar Airways. L’ancien président se montre catégorique : « S’il faut vendre, il faut le faire quand la compagnie est en bonne santé, pas quand elle est dans le rouge. » Selon lui, l’entrée du Qatar serait dangereuse : « Qatar a la réputation d’entrer et de détruire les compagnies nationales pour contrôler les prix. » Il préfère saluer l’aide d’Emirates, qui « a prêté un moteur Rolls Royce » à Air Mauritius, un geste qu’il qualifie de « partenariat concret et responsable ».
Kishore Beegoo défend également son action à la tête d’Air Mauritius : « En six mois, nous avons réduit les retards de vols et réalisé un travail colossal sur les failles techniques et la gouvernance. » Il assure que la compagnie est un outil économique stratégique, essentiel à la souveraineté et au développement de Maurice.
Pour lui, Air Mauritius ne se limite pas à une entreprise commerciale : elle incarne la connectivité, le tourisme, l’investissement et la résilience du pays. « Air Mauritius a toujours été au cœur du développement national. Notre mission, c’est de faire progresser Maurice et Air Mauritius ensemble », confie-t-il avec conviction.
L’ancien président rappelle que la compagnie dessert non seulement les grandes capitales mondiales, mais aussi des marchés régionaux essentiels contribuant à positionner Maurice comme hub aérien de l’océan Indien. « Le transport aérien, ce n’est pas seulement des passagers. C’est aussi un outil diplomatique et économique. Chaque vol vers une nouvelle destination, c’est une porte ouverte pour le commerce, les affaires, et le tourisme », explique-t-il.
Même si Air Mauritius a traversé de nombreuses crises, elle demeure viable, selon Kishore Beegoo, à condition d’être gérée avec rigueur et vision. « Si les chiffres de septembre sont rendus publics, ils montreront le redressement amorcé », affirme-t-il, assurant que les efforts engagés commençaient à porter leurs fruits.
« J’avais peur d’avoir une crise cardiaque…»
Interrogé sur les critiques concernant sa gestion jugée autoritaire, il ne s’en cache pas : « Dans la vie, il faut être strict. Mais à aucun moment, nous n’avons agi en dehors du cadre légal. » Il ajoute que dans une compagnie aussi complexe, il faut parfois « imposer des décisions impopulaires pour garantir la survie de l’entreprise ».
Conscient de la pression constante qu’impose ses fonctions, Kishore Beegoo souligne : « J’avais peur d’avoir une crise cardiaque à Air Mauritius. Nous avons géré plusieurs dossiers à la fois, même ceux du management quotidien. » Pour lui, cette intensité est le reflet d’un engagement total, mais aussi d’un système à bout de souffle, où les considérations politiques et économiques s’entrecroisent dangereusement.
L’ancien président évoque aussi la comparaison avec Air Seychelles, qui avait conclu des accords stratégiques avant de se retrouver « avec seulement deux avions en opération ». Selon lui, Maurice doit tirer les leçons de ces échecs : « C’est la méthode des investisseurs : mettre la compagnie nationale à plat pour ensuite prendre le contrôle du marché. »
Sur la question des ressources humaines, Kishore Beegoo rejette les critiques sur un éventuel sureffectif : « Les salaires des employés sont des « peanuts ». Le problème vient du mauvais management passé. » Il assure que les efforts entrepris incluant la suppression de 3 893 billets-cadeaux et meilleure gestion des droits de bagages qui ont permis des économies substantielles.
Quant aux accusations de conflit d’intérêts avec Cargotech, il se montre tranchant : « Cargotech n’a reçu aucun privilège. Air Mauritius n’est qu’un point dans la chaîne des services que nous offrons. »
S’il dit partir « sans amertume », Kishore Beegoo conclut sur une note amère : « Ceux qui viendront après moi prendront la gloire du travail accompli. Mais je sais ce que j’ai fait. J’ai fait ce qu’il fallait. » Son message reste clair : il quitte son poste, mais pas ses convictions. Entre fierté et désillusion, il affirme surtout son inquiétude pour l’avenir d’Air Mauritius.
Khushal Lobine : « MK doit offrir de la qualité, pas des palabres »
La guéguerre entre le Chairman d’Air Mauritius et le Premier ministre adjoint n’est pas de bon augure. Ce dont le Paille-en-queue a besoin c’est de la sérénité et d’un service impeccable.
L’avocat et backbencher Khushal Lobine est catégorique. « C’est quoi ce mano à mano entre le Chairman démissionnaire, Kishore Beegoo, et le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger ? Une guerre d’enfants dans une cour de récré. Il faut mettre ce conflit derrière nous et penser à l’avenir de MK. La qualité et le service priment. Je suis aussi d’avis que MK peut offrir de la bonne gouvernance. »
Pour ce qui est d’un partenaire stratégique pour MK, « il faut bien réfléchir et s’assurer que c’est une bonne chose. »
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