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Ken Arian : «Je reste le CEO d’Airport Holdings Ltd»

  • Sa démission du Board de MK : « Une tempête dans un verre d’eau »

Ken Arian explique sa démission du Conseil d’administration d’Air Mauritius intervenue lundi dernier. Aux rumeurs qui affirment qu’il quittera bientôt Airport Holdings Ltd (AHL), il répond être « très à l’aise » dans son fauteuil de Chief Executive Officer (CEO). Il revient aussi sur la nomination de Charles Cartier comme nouveau No 1 d’Air Mauritius, ses relations avec le Premier ministre et les ministres Steven Obeegadoo et Renganaden Padayachy et parle, entre autres, des projets d’avenir d’AHL.  

Vous avez démissionné du conseil d’administration d’Air Mauritius lundi dernier. Qu’est-ce qui a motivé ce départ plutôt surprenant ?
Je suis surpris de constater que ma démission en tant que CEO du Conseil d'administration d'une des 20 compagnies subsidiaires du groupe que je dirige ait suscité une polémique. Il s'agit pourtant simplement d'une décision de ma part de réallouer mon temps à d'autres activités au sein d'Airport Holdings Ltd (AHL).

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À l'heure actuelle, Air Mauritius a réussi à se rétablir depuis sa mise sous administration volontaire et a repris son envol. Cela étant pris en considération, je suis convaincu que je peux consacrer davantage de mon temps à d'autres filiales d'AHL.

Affirmer que j'ai « claqué la porte » ou émettre diverses interprétations ne correspond pas à la réalité. La gestion d'un groupe comme AHL requiert une attention particulière sur le plan temporel. Je dois pouvoir me concentrer sur d'autres projets afin d'apporter de la valeur ajoutée au groupe et de mettre en œuvre la vision du Premier ministre, qui est également le ministre de tutelle, ainsi que celle des actionnaires d'AHL, notamment le gouvernement et la MIC (Mauritius Investment Corporation, une filiale de la Banque de Maurice).

Je suis aussi surpris que l'information concernant ma démission, sur laquelle je n'ai pas communiqué, ait été divulguée dans la presse. À mes yeux, il s'agit d'une affaire interne à Air Mauritius. Le Premier ministre et mes actionnaires étaient au courant, et il n'y avait aucune polémique entourant mon départ.

Les événements de la semaine écoulée ont été une tempête dans un verre d'eau et je reste le CEO d'Airport Holdings Limited. 

Vous n’êtes pas qu’un simple membre du Board d’Air Mauritius mais le CEO d’AHL, actionnaire de MK qui est la principale subsidiaire d’AHL…
C’est vrai qu’Air Mauritius est une subsidiaire importante d’AHL. Beaucoup de travail a été fait sur Air Mauritius. Aujourd’hui, elle a décollé. Elle n’est plus celle qu’on a récupérée en octobre 2021. Il y a un Conseil d'administration solide et costaud avec plusieurs directeurs ayant des compétences diverses. 

Air Mauritius a la chance d’avoir, sur son Conseil d’administration, Peter Davies, un ancien CEO  et expert en aviation. Le 'board' est composé de 14 membres. On vient de recruter un CEO et il y a un Chief Commercial Officer, Laurent Recoura, qui fait un excellent travail. 

Il ne faut pas interpréter mon départ comme un désintéressement pour Air Mauritius. Je dois allouer mon temps à d’autres priorités, importantes pour le Premier ministre et pour mes actionnaires. AHL est la ‘holding company’ d’Air Mauritius et selon le principe 2 du Code de bonne gouvernance, elle doit avoir un droit de regard sur ses subsidiaires. AHL continuera donc à exercer ce droit.

Dans un message à Radio Plus, mardi, vous avez pourtant écrit comme raison de votre démission « cannot and will not condone bad governance ». À quoi faisiez-vous allusion ?
Dans un groupe aussi vaste que AHL, comprenant diverses activités, plusieurs personnes, avec des personnalités et caractères différents, il est inévitable qu'il puisse y avoir des divergences d'opinions et d'approches.  Ayant travaillé dans au moins deux grands conglomérats du pays et plusieurs autres entreprises privées, je peux témoigner qu'il y a toujours des discussions et des divergences, mais ce qui importe le plus pour AHL est que le Premier ministre établisse la vision et les objectifs auxquels nous devons tous adhérer.

Y a-t-il un mécontentement de votre part concernant le « golden handshake » accordé par Air Mauritius à Krešimir Kučko lors de son départ en tant que PDG d’Air Mauritius, la nomination de Charles Cartier en tant que nouveau PDG, ou encore l’arrivée d’Atma Bumma en tant que responsable de la communication de la compagnie d’aviation ?
Je laisse la gestion et les décisions du management d'Air Mauritius entre les mains de l’équipe dirigeante. Je reste fermement attaché à cette position. Charles Cartier, je le connais depuis des d’années et je lui souhaite bonne chance et bon courage dans son nouveau challenge. Il est essentiel de souligner que les membres du conseil d'administration et le CEO sont nommés sur recommandation de l'actionnaire, qui est AHL.

Vous étiez donc au courant de la nomination de Charles Cartier ?
Bien sûr !

Ça a été fait avec l’aval d’AHL ?
Il y a eu un conseil d'administration d’AHL avant celui d’Air Mauritius.

Cette nomination y a-t-elle été approuvée ?
Bien sûr que ça a été approuvé.

Quel est votre avenir au sein d’AHL ? Après cette démission du Board d’Air Mauritius, resterez-vous comme CEO d’AHL ?
Le Conseil d’administration d’AHL a renouvelé mon mandat. Le Board et le management travaillent de concert. Je n’ai aucune raison de douter. Je suis en train de travailler normalement comme tous les jours et je ne vois pas pourquoi cela devrait changer. Je me concentre sur mon mandat et si vous regardez les chiffres, vous verrez que depuis que je suis arrivé, je me suis attaché à réaliser la vision et les objectifs qui m’ont été donnés sans faire de publicité autour.

Vous êtes donc à l’aise dans votre fauteuil de CEO d’AHL ?
Je suis très à l’aise. Je travaille en bonne intelligence avec toute ma direction. Il y a des CEO, des Managing Directors et des Chief Financial Officers dans toutes les entreprises du groupe et nous travaillons sereinement. C’est pourquoi nous pouvons démontrer que les résultats sont ceux qu’ils sont. Je suis très heureux qu'avec la vision du Premier ministre qui était de créer cette entité pour relancer le secteur aéroportuaire, l'aviation et le tourisme, nous avons pu contribuer à attirer près de 1,3 million de touristes en 2023. 

En 2021, peu de personnes croyaient qu'Air Mauritius pourrait redécoller. C'est près de 4 500 familles qui dépendent d’AHL. Avec le soutien du gouvernement et du Premier ministre, ce groupe a pu réaliser, en étroite collaboration avec tous les stakeholders, dont les hôteliers, les tour-opérateurs, les compagnies aériennes autres qu'Air Mauritius, d'excellents résultats. Vingt-deux compagnies aériennes desservent Maurice. Nous avons un bon partenariat entre Air Mauritius et Emirates ainsi qu'un joint-venture entre MK et Air France qui fonctionne très bien. Il s'agit de travailler sereinement.

Quel est l’état de vos relations avec le Premier ministre qu’on dit pas très bonnes en ce moment ?
Elles sont comme elles ont toujours été. Je le rencontre régulièrement. D'ailleurs, la dernière fois que nous nous sommes vus était au courant de  cette semaine écoulée. Mes relations avec lui sont donc normales.

… Avec Steven Obeegadoo, No 2 du GM et ministre du Tourisme ? Et avec Renganaden Padayachy, ministre des Finances ?
Le gouvernement et les ministres ont leurs rôles et responsabilités. En tant que CEO, j'ai également mes propres responsabilités, qui sont très distinctes et qui n'interagissent pas avec les leurs. Mon ministre de tutelle est le Premier ministre. Je continuerai toujours à travailler en respectant les compétences et les fonctions de chacun.

Certains vous critiquent pour votre intrusion dans les opérations quotidiennes d’Air Mauritius…
Je n’ai rien entendu de la sorte. Le Group CEO a son rôle et ne s'ingère pas dans l’opérationnel. Ce n’est pas mon rôle de me substituer au management des compagnies. Mon rôle est de coordonner et d’implémenter la vision, la stratégie et les objectifs qui me sont donnés par le Premier ministre et mes actionnaires à travers mon Conseil d'administration.

Quelles sont les priorités qu’AHL a établies pour Air Mauritius ?
Il est crucial de remettre à jour le réseau des destinations desservies qui n’est pas encore celui de la période pré-COVID-19, de consolider et de finaliser la flotte qui dessert son réseau, et d’apporter des objectifs financiers en termes de résultats et de marché. Je parle du chiffre d’affaires et de la profitabilité, mais aussi de l’amélioration de l’expérience des passagers.

J’espère que le nouveau CEO, qui a une expérience dans les services, saura apporter sa touche et son énergie pour continuer à améliorer le service client à bord d’Air Mauritius. Il faut éviter de laisser l’émotion prendre le dessus. Air Mauritius doit pouvoir opérer dans la sérénité. Il est primordial de reconnaître l’importance de la compagnie et de permettre à la direction de faire son travail afin de faire d’Air Mauritius une fierté pour le pays.

J’ai été approché par les Maldives et La Réunion pour voir comment on peut s’entraider et apprendre du cas Air Mauritius et AHL, qui dans le monde des affaires au niveau de la région est une référence. Ils veulent savoir comment on peut collaborer. À Maurice, parfois, les petites choses prennent le dessus. Cependant, il est compréhensible que les Mauriciens soient émotionnels vis-à-vis de leur compagnie aérienne nationale.

MK traverse une zone de turbulences depuis des semaines avec des retards et annulations de vols et provoque frustration et colère. On ne peut faire abstraction de ça...
Air Mauritius est une petite compagnie avec une petite flotte. Comme dans toutes les compagnies aériennes, les problèmes techniques peuvent survenir et entraîner des perturbations. Aucune compagnie aérienne n'est à l'abri de tels incidents. L'essentiel est que la direction prenne les mesures nécessaires pour faire face à ces situations.

Je préfère ne pas entrer dans les détails de la gestion et des opérations d'Air Mauritius, car cela ne relève pas de mes responsabilités. Bien que je puisse avoir une opinion sur la question, je ne suis pas impliqué dans les opérations quotidiennes de l'entreprise.

Quelle est la santé financière d’Air Mauritius ?
Air Mauritius montre des signes d'amélioration en termes de chiffre d’affaires et de profitabilité. Il est à noter que les années financières d'AHL et d'Air Mauritius sont décalées, avec celle d'Air Mauritius se terminant le 31 mars et celle d'AHL le 30 juin.

Pour les six premiers mois de l'année financière d'AHL (juillet à décembre dernier), le segment de l'aviation, comprenant Air Mauritius, a généré un chiffre d’affaires de Rs 16,2 milliards, soit Rs 3 milliards de plus par rapport à la période équivalente en 2022, et a contribué à un bénéfice de Rs 838 millions, comparé à Rs 510 millions pour la période équivalente en 2022.

Il est également important de noter que pour l'année financière se terminant en juin 2023, AHL a réalisé un chiffre d’affaires de Rs 35,4 milliards et un bénéfice avant impôts de Rs 4,2 milliards, avec des actifs de plus de Rs 100 milliards. Cela place AHL en première position du Top 100 des entreprises à Maurice en termes d'actifs.

Pour les six premiers mois de l'exercice 2023/24, AHL a enregistré un chiffre d’affaires de Rs 20,6 milliards avec des profits de Rs 2,17 milliards. Ces chiffres démontrent la bonne santé et les ambitions d’AHL en tant que seul conglomérat public sur la place. 

Pour beaucoup, AHL reste abstraite et floue…
AHL, c’est Air Mauritius, Ground Handling Services, Air Mauritius Technic, Airport of Mauritius, Airport Terminal Operations Ltd, Mauritius Duty Free Paradise (MDFP), Rodrigues Duty Free Paradise, Aéroport de Rodrigues, Cotton Bay Hotel, Medcor, qui est la propriétaire du bâtiment qui abrite, entre autres, le quartier-général d’Air Mauritius à Port-Louis, AHL Properties, Mauritius Helicopters, Jet Prime, qui est l’ex-Yu Lounge, AHL Energies, Air Mauritius Institute, Airmate, AHL Corporate Service, AHL Treasury Management, AHL International et AHL Hospitality.

Et quels sont les projets ?
Au niveau de l’aéroport, l'objectif est de numériser les services et de réduire le temps d’attente des clients, tout en élaborant un nouveau plan stratégique pour les 10 à 15 prochaines années.

La MDFP souhaite élargir ses activités au-delà des frontières mauriciennes. De son côté, l'Air Mauritius Institute s'apprête à proposer des cours (ingénierie, pilotage et personnel de bord, entre autres). L'objectif est d'établir l'institut en tant qu'académie de formation pour l'ensemble du groupe et de la région, avec l'espoir de disposer d'un campus à l'aéroport.

Nous envisageons aussi d'explorer les opportunités dans la région afin d'internationaliser nos activités. Cela inclut la possibilité de gérer ou de concéder des aéroports sur le continent, ainsi que la recherche de partenariats. J’ai engagé des discussions préliminaires avec la South African Airways, qui pourrait nous apporter son soutien dans la réalisation de notre stratégie africaine. Aussi, nous espérons pouvoir implanter Jet Prime aux Seychelles.

AHL Energies a des projets dans le domaine des énergies renouvelables. Nous envisageons également de rechercher un développeur principal pour élaborer un plan directeur visant à développer l'Airport City autour de l'aéroport. Notre objectif est de transformer cet espace en un pôle d'attraction majeur pour le sud du pays, tout en encourageant les voyageurs à choisir Maurice comme lieu de transit.
Aussi, l'hôtel Cotton Bay à Rodrigues est en cours de rénovation et d'agrandissement, avec une prévision d'ouverture fin mai ou début juin. Parallèlement, nous envisageons également d'implanter un hôtel à l'aéroport. 

Lorsque je considère les performances financières, toutes les entreprises d'AHL affichent des bénéfices, ce qui témoigne de l'efficacité de notre équipe de direction et de son engagement à concrétiser nos projets. AHL est aujourd’hui bien sur les rails et a un bel avenir devant elle. Elle pourrait avoir un rayonnement dans la région dans les années à venir.

Quid du taux d’endettement ?
Il est extrêmement bas pour un groupe comme le nôtre. AHL a une capacité d’endettement suffisante pour accomplir ses projets.

Air Mauritius a été retirée de la bourse. Cela a eu un impact sur la visibilité de ses finances car les rapports annuels ne sont plus publiés sur Internet. Quel est son niveau d’endettement ?
Air Mauritius remonte la pente, passant d'une situation d'administration volontaire à une entreprise générant plus d'un milliard de profits et dotée d'un solide plan d'avenir. Cependant, au-delà des succès d'Air Mauritius, l'objectif principal d'AHL est de disposer d'une puissance d'action suffisante pour réaliser des projets d'intérêt public au bénéfice de nos actionnaires, à savoir le gouvernement et la MIC, tout en créant de la valeur. 

Il est important de souligner que cette compagnie est considérée comme un bien public, d'où notre engagement à publier les comptes de nos entreprises dans un souci de transparence. Il n'y a pas de plan caché. Je suis d'avis que la gouvernance d'entreprise d'AHL ne diffère en rien de celle des autres conglomérats privés.

51 % des actions d’AHL sont détenues par le gouvernement et 49 % par la MIC. Ces deux actionnaires ont injecté beaucoup de milliards dans AHL…
Il y a beaucoup de mauvaise compréhension à ce niveau. Le gouvernement de Maurice a effectivement créé AHL en août 2021, puis a accordé un prêt à AHL en septembre 2021 pour exécuter le Deed of Company Arrangement (DOCA) visant à sortir Air Mauritius de l'administration volontaire.

AHL a ensuite prêté à Air Mauritius Rs 9,5 milliards sur les Rs 12 milliards provenant du gouvernement. En consolidant AHL avec toutes les entreprises de l'aéroport et en achetant les actions d'Air Mauritius détenues par d'autres entreprises et individus, AHL a pu augmenter sa valeur. La MIC est alors intervenue pour acheter 49 % des parts d'AHL pour Rs 25 milliards. Cette somme a été utilisée pour rembourser le prêt initial de Rs 12 milliards au gouvernement, tandis que les Rs 13 milliards restants représentaient la plus-value sur la vente des actions.

Ainsi, de ces Rs 25 milliards, aucun montant n'est resté chez AHL, car tout l'argent a été retourné à l'État. Il n'y a pas eu d'injection de fonds publics pour créer AHL ou sortir Air Mauritius de la crise. Si la MIC souhaite vendre ses actions achetées à Rs 25 milliards, elle pourrait aujourd'hui en retirer Rs 27 milliards, car AHL a pris de la valeur.

Il revient désormais à la MIC de décider si elle souhaite sortir entièrement ou partiellement d'AHL. Si elle décide de vendre, elle pourrait le faire à la Bourse de Maurice ou à d'autres entités publiques ou privées. 

Mais, il y a un risque que la MIC vende des actions à des entités étrangères…
La MIC est souveraine dans sa décision concernant sa stratégie, mais dans tout pacte d'actionnaires, il existe le droit de préemption. Avant de vendre à un tiers, la MIC devra toujours offrir en priorité au gouvernement la possibilité d'acheter. Ainsi, il y aura toujours une concertation avec le gouvernement, qui aura son mot à dire.

Quel est votre souhait pour AHL sur les moyen  et long termes ?
Mon objectif est que AHL devienne la référence en matière d'aviation et d'aéroportuaire dans la région. Pour y parvenir, il est essentiel de bien gérer nos projets locaux et d'ouvrir nos entités et activités au niveau régional. Je considère cette compagnie comme un joyau national et je souhaite vivement pouvoir léguer une entreprise prospère, opérant avec une gouvernance qui n’a rien à envier à d’autres multinationales, qui contribue de manière significative aux bénéfices et aux services dans l'écosystème mauricien.

 

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