Pour manger, Kamlesh n’a pas le choix que de quémander un peu de nourriture aux passants qui croisent son chemin. S’il avance qu’il ne veut plus mener ce type de vie, cependant il ne sait plus quoi faire… Sans un travail et sans une aide sociale, Kamlesh ne dort que là où ses pieds le mènent.
Comment vous débarrasser de vos vieux défauts qui vous collent à la peau et qui vous suivent partout ? C’est la question que se pose chaque matin, Kamlesh P. lorsqu’il ouvre ses yeux et regarde autour de lui. Des fois, ce quadragénaire se réveille sous un abri d’autobus, d’autres fois c’est à la gare. Il dort aussi près des églises, de l’hôpital, sous un pont, sous la varangue de vieilles boutiques. « Monn fini fer lamwatie Moris », lâche-t-il tout en précisant qu’il a passé ces dernières années comme sans domicile fixe à mendier.
Pourtant Kamlesh se rappelle avoir eu une enfance plutôt heureuse, avec sa famille composée de ses deux sœurs qu’il affectionne particulièrement. Aujourd’hui, ces dernières sont toutes les deux mariées et Kamlesh ne veut pas les enquiquiner. « Regardez mon état. Parfois, je vais jusqu’à chez elles, mais je leur regarde de loin, car je ne veux pas leur faire honte ou faire peur à leurs enfants. Elles ont droit à une vie heureuse, sans avoir des problèmes avec leurs proches à cause de moi. C’est pour cela que je préfère me tenir à l’écart la plupart du temps », explique-t-il.
Il explique que ses malheurs ont commencé il y a quelques années lorsqu’il a commencé à avoir des disputes avec son père. « Li ti pe bat mo mama. Kan monn anpes li, linn apel lapolis linn dir mo pe fer dezord. » Kamlesh avoue qu’il se montrait très agressif lorsqu’il voyait son père malmener sa maman. À plusieurs reprises, la police a dû intervenir pour le rappeler à l’ordre. « Zot inn mem ferm mwa. Apre zot inn met mwa mantal. Zot dir mo latet pa bon. »
Hôpital psychiatrique
C’est ainsi que Kamlesh a passé quelque temps à l’hôpital psychiatrique à Beau-Bassin, mais il ne veut plus y retourner. « Kan monn sorti monn al ver mo fami. Monn demann mo papa eskiz, me linn dir mwa ki li pale ni tann mwa ni trouv mwa. Linn mem dir li pe tir mwa kouma eritie, mem si mo so sel garson. Depi sa mo dormi deor, me mo pa anvi retourn dan mantal. » Il ajoute que même s’il avait à manger à l’hôpital psychiatrique, cependant il s’y sentait très seul et surtout enfermé. « La ousi mo tousel mem. Me mo kapav lev latet mo get lesiel, mo get loto, mo get bann pie. Laba mo kouma dir dan enn prizon ek tou dimounn ki ena problem mental. Mo senti mwa byen mal. »
Depuis que Kamlesh est sorti de l’hôpital, il marche tous les soirs à la recherche d’un endroit pour dormir. « Premie fwa pa ti fasil. Mo pa ti dormi preske ditou. Apre telma la fatig pran ou, ou fini par less ou lekor ale », fait-il ressortir. Pour manger, il se tient depuis quelque temps non loin du rondpoint menant vers le centre commercial, à Trianon. Il profite pour demander aux automobilistes de lui acheter quelque chose pour se mettre sous la dent. Il concède avoir de la chance, car chaque jour il tombe sur une bonne âme qui l’aide à remplir son estomac.
Lorsque nous l’avons rencontré, il était environ 14 heures et il finissait justement un repas qu’il mangeait goulûment sur un escalier à l’abri des regards. « Pendant une heure je suis restée debout à demander à manger. Finalement, j’ai pu avoir un bon repas. » Il explique que parfois il se fait insulter, mais il ne répond pas. « Kan enn dimoun insilte mwa, mo rapel seki monn pase, ek mo dir si mo al dir kitsoz sa pou mal fini pou mwa. Mo deza ena enn ta problem. » Ainsi même si les personnes lui lancent des pics, Kamlesh s’éloigne d’eux sans dire un mot.
Le quadragénaire nous explique que plusieurs personnes lui ont parlé de l’existence des abris de nuit, mais il dit avoir honte de s’y rendre. « Je ne sais ni comment faire ni s’ils seront d’accord de m’y accueillir. Puis, je suis si sale que j’ai honte d’aller vers eux. » Cependant, il promet d’y réfléchir sérieusement et d’aller se renseigner sur place. « Mo dir ou fran parfwa mo mem mo pa konpran mwa. Mo pa kone si lezot pou konpran mwa. Apre mo sirtou pa anvi gayn problem ek person. Mo mem per kan mo retrouv mwa parmi dimoun. Akoz sa, mo prefer souvan ress tousel, ek mem pa al rod kamarad. »
Cependant, le plus grand désir de Kamlesh en ce moment c’est de pouvoir prendre un bon bain et de porter des vêtements propres. Ainsi, il lance un appel à toute personne qui voudrait bien l’aider en lui apportant des vêtements. Tous les jours, à partir de 13 heures, il se tient près du rond-point de Trianon. Mais malheureusement, il n’a pas ni un téléphone ni un numéro de contact.
Kamlesh concède que les rêves sont loin de lui. Toutefois, il s’interroge s’il a une deuxième chance. Tout ce qu’il souhaite, dit-il, c’est de pouvoir effacer les erreurs du passé. « Me sa mo kone mo pa pou kapav fer li. Avek lavi ki mo ena azordi, mo inkapab trouv kitsoz zoli ou anvi enn zafer presi. »
Son unique but c’est de survivre au jour le jour.
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