Trente-et-un ans les séparent, mais Julie Vacher et Thierry Chateau partagent un même souffle. À Tamarin, entre chansons, écriture et les rires de leur fille, leur amour transforme le quotidien en une scène de complicité.
Leur coup de foudre balaie 31 ans d’écart
À Tamarin, dans l’ouest de l’île, une petite maison blanche porte un nom : La Casita Maison des Arts. On y entend les chansons de Julie Vacher, 31 ans, chanteuse professionnelle, et les rires de Marguerite, sa fille de deux ans. Thierry Chateau, 62 ans, journaliste et écrivain, partage ce quotidien. Ensemble, ils forment un couple que 31 ans séparent.
« Mon apel li Mo Baba Disik », glisse Julie en riant, reprenant une réplique d’une pièce de théâtre, Sugar Daddy, d’Alexandre Martin, dans laquelle elle a joué. La formule, mi-tendre mi-ironique, dit assez la manière dont les deux affrontent les regards extérieurs, souvent surpris par leur différence d’âge. « Mais Thierry n’est pas un ‘sugar daddy’. Il est mon âme sœur. C’est une différence fondamentale. »
Leurs trajectoires se croisent bien avant leur histoire. Dans les années 1990, Jean Vacher, père de Julie, dirigeait l’Apostolat de la mer à Port-Louis. Thierry, alors journaliste déjà installé, marié et père de deux enfants, collaborait régulièrement avec lui. « La première fois que j’ai vu Julie, elle avait trois ans et était dans les bras de son papa », raconte-t-il. L’anecdote l’amuse encore.
À l’époque, Julie, petite fille observatrice, le surnommait déjà « Roméo ». « Pour moi, il avait cette aura, cette présence… Comme dans les contes », dit-elle aujourd’hui.
La vie a mené Thierry Chateau sur des chemins complexes. Divorcé, père d’Aurélie, 34 ans et d’Amaury, 28 ans, il ne s’attendait pas à retrouver un amour aussi fort. « On croit parfois qu’après une séparation, on a tout vécu. Mais la vie réserve toujours des surprises. Et parfois, ce sont les plus belles. »
Julie, entre-temps, a débuté sa carrière sur la scène locale, rêvant de parcourir le monde. « Je me sentais libre, mais au fond, j’attendais encore quelque chose… ou peut-être quelqu’un. »
En 2019, leurs chemins se rejoignent… sur scène. Thierry prépare Février Noir, spectacle retraçant les émeutes de 1999, et cherche une voix féminine. Des amis musiciens proposent Julie. « Quand elle est arrivée, j’ai tout de suite su que quelque chose allait changer. Sa voix, son énergie, sa présence… Tout s’imposait », se souvient-il. Ce jour-là, ils se déclarent leur amour en même temps : Julie écrit « Je t’aime » dans un carnet, Thierry le prononce à voix haute. « C’était comme si le temps s’était arrêté. On avait 30 ans d’écart, mais à cet instant, on était deux âmes qui se retrouvaient. Ça a été un coup de foudre », dit-elle.
Mais la vie leur impose un premier obstacle. Julie part pour un contrat de quatre mois sur un bateau de croisière. « Je ne voulais pas partir, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps », raconte-t-elle. Thierry choisit de transformer cette distance en force. « Ces quatre mois nous ont rapprochés. On s’écrivait, on s’appelait, on s’attendait. » À son retour, Julie emménage avec Thierry dans un appartement à Roche-Brunes. « On ne s’est plus quittés. La vie à deux, ça a été une évidence. »
Le 25 juillet 2022, ils se marient lors d’une cérémonie intime, sans faste. « Je dis toujours que Thierry Chateau n’a pas de château, mais il a mon cœur », dit Julie. Thierry, les yeux brillants, ajoute : « On n’a pas besoin d’artifices quand on a trouvé la personne qu’on cherchait toute sa vie. »
Leur fille Marguerite arrive peu après, bouleversant le rythme de Thierry. « C’est une expérience incroyable de redevenir papa à 60 ans passés. Et je le vis avec une énergie nouvelle. Julie me donne la force de tout recommencer. » Pour Julie, Marguerite est leur trésor. « Elle nous a soudés encore plus. Quand je la vois sourire à Thierry, je me dis que j’ai fait le bon choix. »
Les jugements et murmures n’ont pas disparu. Beaucoup croient que Thierry est le père de Julie. « On nous regarde parfois avec insistance, confie-t-elle. Mais ça ne m’atteint pas. Je l’aime, c’est mon mari. » Thierry reconnaît que leurs proches ont été surpris, mais qu’ils ont fini par comprendre. Julie insiste : « Notre différence d’âge n’a aucune influence sur notre vie et notre amour. Avec Thierry, je me sens protégée, respectée et libre. »
Le quotidien, pourtant, reste ancré dans le concret. « On partage les tâches ménagères, on s’entraide. Thierry fait la vaisselle, moi je fais les plats en chantant, et Marguerite court entre nous deux. C’est la famille », explique Julie. Thierry ajoute : « On est en phase. On sort, on rit, on vit. Je ne me sens pas vieux. Avec elle, je me sens jeune. »
Julie, plus lyrique, revient sur l’anecdote d’enfance : « Petite, je l’appelais Roméo. Et regardez, aujourd’hui il est devenu mon mari. Quand l’univers a un projet, il faut juste y croire. » Thierry, plus pragmatique, conclut : « On n’a pas choisi de s’aimer. C’est arrivé. Et quand l’amour est vrai, il balaie tout. Les frontières, l’âge, les barrières… Tout disparaît. »
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