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Jugement du Privy Council favorable à Pravind Jugnauth : la crédibilité de l’opposition parlementaire fait débat 

Ram Seegobin, dirigeant du parti de gauche Lalit.Yvan Martial, observateur et ancien éditorialiste.Faizal Jeerooburkhan de Think Mauritius.

La machine gouvernementale, dirigée par un Premier ministre stimulé par le rejet de l’appel de Suren Dayal par le Privy Council, est déjà en action pour discréditer l’opposition parlementaire. Des membres de l’opposition ont subi des pertes dans leurs allégations d’élections truquées. 

La crédibilité de l’opposition est-elle remise en question ? Pour la première fois dans l’histoire politique du pays, elle a franchi une étape sans précédent en portant de graves accusations contre le gouvernement et les institutions, en affirmant que les élections générales de 2019 étaient entachées d’irrégularités. 

Cependant, le jugement rendu par le Privy Council le lundi 16 octobre est venu considérablement affaiblir les arguments avancés par l’opposition pour contester le déroulement des dernières législatives. La stratégie du gouvernement, en vue des prochaines élections générales, consistera désormais à discréditer l’opposition aux yeux de l’opinion publique, tout en présentant le Mouvement socialiste militant (MSM) ainsi que son chef comme de fervents défenseurs des principes fondamentaux de la démocratie. 

Mais une question reste en suspens. Elle porte sur l’ampleur des dommages que l’opposition pourrait subir à la suite du revers au Privy Council, ainsi que sa capacité à se remettre de cette situation.

Pour Ram Seegobin, dirigeant du parti de gauche Lalit, le jugement du Privy Council a simplement confirmé la décision de la Cour suprême. « En réalité, il vient démontrer que les candidats de l’opposition n’ont pas pu fournir de preuves substantielles pour étayer l’allégation d’une fraude massive qui aurait été capable d’influencer les résultats des élections », déclare-t-il. 

« Du côté de Lalit, nous avons soutenu que le processus électoral à Maurice comporte de nombreuses mesures de sécurité visant à prévenir toute fraude massive. Mais une grande partie de son efficacité repose sur la vigilance des candidats et des partis politiques », concède Ram Seegobin. 

Il fait aussi ressortir que lorsque les candidats de l’opposition parlementaire ont contesté les résultats des législatives de 2019 dans les circonscriptions, ils ont semblé confondre leur rhétorique politique avec ce qui peut être établi en justice. « Leur approche a été similaire à celle adoptée par Donald Trump en Amérique, en avançant des allégations de vol des élections. Il est vrai qu’il y a eu des bulletins manquants ou d’autres qui ont été égarés dans certaines circonscriptions, mais cela ne constitue pas une fraude massive », souligne-t-il. 

Comment l’opposition parlementaire pourra-t-elle se remettre de ce coup de massue politique ? Ram Seegobin estime que les membres et les partis de l’opposition parlementaire doivent à présent réfléchir et chercher à comprendre comment former des agents pour exercer la vigilance autorisée par la loi. 

« Chaque candidat a le droit de placer des agents dans chaque école et chaque classe, mais il est essentiel d’être plus vigilant. La plupart des grands partis politiques ont moins de militants dévoués et engagés, car ils recrutent souvent des agents rémunérés qui ne sont pas nécessairement conscients de leurs responsabilités », dit-il. 

La clé réside donc dans la formation de ces agents, de manière à ce qu’ils comprennent pleinement leur rôle ainsi que leurs responsabilités dans les écoles et les classes. « L’opposition doit s’efforcer de renforcer la vigilance de ses militants et de les préparer adéquatement pour ce rôle essentiel. » L’observateur et ancien éditorialiste, Yvan Martial, se dit conscient que le jugement du Privy Council représente une victoire éclatante pour le MSM. Il estime néanmoins que cela ne peut pas dissiper complètement les préoccupations persistantes liées à des affaires scandaleuses. 

« La victoire du MSM ne sera pas suffisante pour faire oublier les scandales persistants, car il y a encore de nombreuses questions auxquelles la population attend des réponses. Le bulletin de vote de la circonscription n° 1 retrouvé dans la circonscription 19 continue de soulever des doutes. L’empilement de bulletins dans une urne suggère qu’il peut y avoir d’autres problèmes dans notre système électoral », explique Yvan Martial. Cependant, poursuit-il, la responsabilité de dénoncer immédiatement les irrégularités aurait dû incomber aux agents de l’opposition et celle-ci aurait dû s’assurer d’avoir suffisamment d’agents pour surveiller le processus. Yvan Martial est d’avis qu’il revient à présent à l’opposition de prouver qu’elle dispose encore de ressources et de moyens pour faire face au MSM. 

Il tient toutefois à rappeler à l’opposition qu’il est essentiel de noter que faire des déclarations irresponsables en venant affirmer que les élections sont fausses n’est pas la solution. « Le système électoral n’est pas parfait, mais il diffère de la situation dans d’autres pays, comme Madagascar, où des problèmes graves sont plus fréquents », dit-il. 

Faizal Jeerooburkhan de Think Mauritius est, lui aussi, catégorique sur le fait que l’opposition y a laissé des plumes. « Même si en tant que citoyens, nous pouvons avoir des doutes en constatant des irrégularités, le rejet de ces allégations par le Privy Council souligne la complexité de la preuve sur le plan juridique. Personnellement, je suis conscient qu’il y a eu des irrégularités, mais c’est souvent difficile à prouver, d’autant que les lois comportent des failles que des avocats expérimentés peuvent exploiter », dit-il. 

Il soutient finalement que l’opposition dans son ensemble ne doit pas perdre de vue les problèmes persistants du pays. « La victoire du gouvernement ne doit pas faire oublier les questions de népotisme, de corruption et d’autres problèmes. L’opposition a l’occasion de capitaliser sur ces questions et de démontrer que le pays est mal géré, que les problèmes sociaux persistent et qu’il existe un besoin réel de changement », conclut-il.

 

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