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Jubilé des Ghose Chambers : quand la passion fait carrière

Me Anju Ghose et son équipe.
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Bien qu’il ait quitté ce monde en 2011, l’avoué Munn Datta Ghose y a laissé une trace indélébile. Cette année, l’étude qu’il a fondée célèbre ses 50 ans d’existence. Au gré de l’évolution du judiciaire et de l’avènement de la technologie, les Ghose Chambers ont su maintenir le cap, avec toujours la même devise, « que justice soit rapide et accessible à tout le monde ». Rencontre.

Me Munn Datta Ghose était un homme humble qui a connu un beau succès.
Me Munn Datta Ghose était un homme humble qui a connu un beau succès.

C’est avec amour et mélancolie qu’elle raconte son père, feu Me Munn Datta Ghose. Depuis son décès en 2011, Me Anju Ghose, avouée, préserve et perpétue son héritage à la tête des Ghose Chambers, étude qu’il a fondée en 1971. Il n’avait alors que 23 ans.

Fasciné par le droit, Munn Datta Ghose choisit d’y faire carrière. Après ses études supérieures, il commence son « articleship » (apprentissage) chez l’avoué Balmick Gokulsing. À l’âge de 21 ans, il prend part aux examens d’avoué qu’il réussira avec brio.

Cependant, comme il y avait, à l’époque, un quota sur le nombre d’avoués pratiquant, Munn Datta Ghose devra attendre jusqu’en 1971 pour prêter serment comme avoué. Il installe son étude à l’arcade Bahemia, Port-Louis, illustre bâtiment abritant les avoués et avocats de l’époque. Au début, il n’y a que deux employés. Aujourd’hui, les Ghose Chambers comprennent dix membres du personnel, de même que des juniors avoués et avocats.

Il n’hésitait pas à représenter « pro bono » ceux qui n’avaient pas les moyens."

Me Anju Ghose souligne que son père a commencé sa carrière à une époque post-coloniale où il y avait très peu d’avoués de foi hindoue dans la profession. Maîtrisant parfaitement le droit civil, il était parmi les rares avoués plaidant à l’époque. Son travail parle pour lui et il se fait une réputation dans le giron.

C’était un homme très cultivé, qui avait toujours soif de connaissances, précise sa fille aînée. « À l’époque, la Cour suprême n’était pas accessible en ligne et papa allait régulièrement à la bibliothèque de la Cour suprême pour prendre connaissance des derniers jugements et faire des recherches en droit français et anglais. » 

« Pupil Master » de plusieurs avoués, avocats, magistrats et juges qui exercent aujourd’hui, Me Munn Datta Ghose partageait ses connaissances et sa passion pour cette profession si noble avec ses confrères. Connu pour son caractère fort, il n’hésitait pas à représenter « pro bono » ceux qui n’avaient pas les moyens, en prêtant ses services comme avoué commis d’office. Car, derrière sa sévérité, il être serviable et toujours prêt à aider les autres. 

Alité pendant six mois après un accident vasculaire cérébral, peu avant son décès en 2011, Me Munn Datta Ghose n’a pas lâché prise, tel était son amour pour son métier. De son lit, il suivait ses dossiers. « Il m’appelait tous les jours et vérifiait les plaintes, affidavits, entre autres. Il s’assurait que le travail était bien fait », raconte Me Anju Ghose.

Ce professionnalisme, cette passion, ce dévouement et cette serviabilité ont tous contribué au prestige des Ghose Chambers, assure-t-elle. « Papa y mettait un point d’honneur. » Pour elle, « c’est un honneur d’être là où on est aujourd’hui et c’est quelque chose que je préserve avec une grande fierté ».


Me Anju Ghose.
Me Anju Ghose.

Une passion transmise de père en filles

« C’est grâce à lui que je suis devenue celle que je suis. » C’est une admiration sans bornes que Me Anju Ghose voue à son père. Elle lui a emboîté le pas, tout comme ses deux sœurs. 

L’avouée se rappelle des dîners quotidiens lors desquels il leur racontait les déboires de ses clients et comment cela le remplissait de satisfaction de voir leur sourire après un dénouement heureux. « Il nous faisait des lectures de droit tous les jours et j’étais fascinée par lui. On l’appelait notre ‘Dalloz ambulant’. » 

Après ses études de droit à l’université de Buckingham en Angleterre, Me Anju Ghose prend part aux examens d’avoué à son retour à Maurice. En 2001, elle intègre les Ghose Chambers. Elle le dit avec humilité : « Je suis retournée avec une licence en poche mais j’ai appris la profession avec mon père. Il m’a tout appris. Et aussi à être honnête dans tout ce que je fais. » 

Elle confie être très fière d’avoir eu son père comme mentor. « Je m’asseyais à ses côtés et il me montrait comment rédiger les procédures tout en étant méticuleux, soigneux et professionnel dans son approche. » Il lui a inculpé non seulement les rudiments de la profession mais aussi la sagesse de la vie, souligne-t-elle. Digne fille de son père, elle écoute même de la musique classique bengalie en travaillant, comme le faisait à l’époque.

Nommée « Pupil Master » tout comme son père l’avait été, elle a formé plusieurs avoués et avocats qui font aujourd’hui honneur à la profession. Me Anju Ghose fête, cette année, ses 20 ans de carrière. Et son époux, Me Robin Appaya, qui a rejoint les Ghose Chambers il y a quelques années, a plus de 10 ans de carrière comme avocat. Le couple a un fils de trois ans et demi.


Me Anju Ghose et son époux,  Me Robin Appaya.
Me Anju Ghose et son époux, Me Robin Appaya.

La relève 

Au décès de son père, Me Anju Ghose prend les rênes des Ghose Chambers. « J’ai repris tous les dossiers et les clients de mon père. C’est une question d’honneur. » 

L’étude se trouve désormais au Hennessy Tower, Port-Louis. Aujourd’hui, « on se spécialise dans les nouveaux domaines comme le ‘banking’, le droit des sociétés, commerciaux, le droit du travail, entre autres ». Avec le temps, dit-elle, l’étude s’est penchée sur de nouvelles filières, dont l’arbitrage, le droit de la construction, la loi d’insolvabilité et le problème des terrains à bail.

Le monde est désormais un « village global » et il faut s’adapter aux nouvelles exigences à l’ère de la technologie et de l’évolution dans le judiciaire, fait comprendre l’avouée. « L’E-judiciary a fait ses preuves et la Covid-19 nous a montré qu’il est temps d’informatiser le judicaire. »

Cette année, l’étude célèbre ses 50 ans d’existence et se compose aujourd’hui d’une équipe jeune et dynamique prête à faire face aux nombreux défis et changements au sein du judiciaire. L’étude travaille en étroite collaboration avec des notaires, arpenteurs et autres professionnels pour faciliter la préparation des dossiers des clients.


Petits trésors préservés

Feu Munn Datta Ghose achetait des livres de Dalloz, Jurisclasseur, le Code civil, entre autres, de l’Angleterre et de France pour enrichir sa maîtrise de la profession. Outre ses livres de droit, il adorait l’histoire et la culture. Il avait un penchant pour les livres de Ravindranath Tagore.

« Ainsi, grâce à mon père, notre étude a sa propre bibliothèque remplie de ‘petits trésors’ qui datent de plus de 40 ans et qui constituent notre patrimoine. J’ai aussi conservé les notes écrites de mon père, auxquelles je me réfère même aujourd’hui », indique Me Anju Ghose.

Anecdote

Me Anju Ghose se réjouit que même aujourd’hui, elle reçoit la visite d’anciens clients, collègues et amis de son défunt père parti trop tôt. Ils viennent lui rendre hommage, dit-elle. 

Elle revient notamment sur un des anciens clients de Me Munn Datta Ghose, M. Balgobin. Ce dernier, dit-elle, a côtoyé son père pendant des années et n’a de cesse, même aujourd’hui, de lui témoigner sa gratitude. « C’est grâce à Monsieur Ghose que je suis toujours propriétaire de ma maison aujourd’hui. Il a défendu mes intérêts avec conviction et je lui suis reconnaissant à vie », répète-t-il à chaque fois qu’il vient à l’étude. 

Pour la petite histoire, M. Balgobin vient à l’étude, le premier jour qu’on ouvre chaque année pour nous donner sa bénédiction. C’est sa façon de dire au revoir à un homme humble qui a toujours aidé ses clients jusqu’au bout.

Court passage en politique

Me Munn Datta Ghose avait aussi fait de la politique dans le passé. Il avait joint l’Independent Forward Bloc (IFB), fondé à l’époque par Sookdeo Bissoondoyal. Toutefois, après un bref passage en politique, il s’est consacré corps et âme à sa profession. 

 

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