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Journée nationale du Seggae : 23 ans après le décès de Kaya, une journée pour «Let seggae live»

Le 21 février a été décrété Journée nationale du seggae en hommage à Kaya.
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Des messages unificateurs, mais aussi des revendications trop longtemps stigmatisées. 39 ans après sa création, le seggae reste plus que jamais la musique du peuple. En ce 21 février, Maurice célèbre pour la première fois La Journée nationale du Seggae, en mémoire à Joseph Réginald Topize, plus connu comme Kaya. Celui qu’on appelait le roi du seggae disait « La musique c’est la vérité » dans la chanson « Seggae Man ». Que représente cette journée nationale ? La parole aux artistes qui évoluent dans ce registre.

Si Kaya a créé le seggae, c’est « pou liberasion mantalite kaptivite », comme il le dit dans sa chanson intitulée « Mo la mizik ». C’était, pour lui, une émancipation de la musique mauricienne qui mélange le reggae et le séga. La décision de faire du 21 février la journée nationale du Seggae a été avalisée par le Conseil des ministres le vendredi 11 février. Cette décision a été bien accueillie. Toutefois, certains artistes indiquent que la date choisie pour cette journée nationale pose problème. 

Depuis 23 ans, l’ombre de Kaya plane encore sur Camp Zoulou à Roche-Bois. Ce lieu l’a vu grandir et naître sa musique : le seggae, décrit par les siens comme « une musique de souffrance ». Sa soif d’émancipation face aux diktats de la société a fait de Kaya un personnage qui a marqué l’histoire de la musique locale.

Charles Quirin : « Je déplore le choix de cette date, car c’est un jour de deuil pour nous »

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Charles Quirin, bras droit de Kaya, a promis de continuer à faire vivre le seggae.

« Le seggae était une musique de souffrance que chantait Kaya avec son coeur. Aujourd’hui encore, il y a de nombreuses personnes qui ne comprennent pas les chansons de Kaya », indique Charles Quirin. Ce dernier, aussi connu comme Ti Charles, était le bras droit de Kaya qu’il a rencontré en 1982, lors d’un voyage à Rodrigues. Il a assisté à la formation du seggae en 1983 et de Racinetatane.  « Il m’a dit de continuer à jouer sa musique et c’est ce que je fais. Aujourd’hui, j’ai repris le groupe avec son fils, Azaria Topize et d’autres jeunes. Je m’assure de la relève et de la continuité », indique-t-il. 

La date choisie pour célébrer la Journée nationale du Seggae est problématique, selon lui. « Chaque année, le 21 février est un jour de réflexion et de prières. Je marche et je chante jusqu’au cimetière pour rendre hommage à Kaya. Je déplore le choix de cette date, car c’est un jour de deuil pour nous. Évidemment, c’est un pas pour notre combat, mais je réfléchis encore à cette décision », conclut-il.


Neville Célérine, leader du groupe Natir Samarel : «Le seggae est une musique qui est propre à notre île»

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Neville Célérine, leader du groupe Natir Samarel, a suivi l’évolution du seggae pendant 35 ans

Neville Célérine, bassiste et arrangeur musical et leader du groupe Natir Samarel, accueille cette nouvelle avec joie. Cela fait 35 ans depuis que son groupe et lui font du reggae et du seggae dans la région de Chamarel. « C’est un grand événement pour nous. Le seggae est une musique de souffrance comme le reggae.  J’étais là quand le seggae a pris naissance et j’ai vu son évolution. Grâce à cette musique, nous passons encore aujourd’hui des messages importants à la nouvelle génération et les exposons à certaines réalités », confie Neville Célérine pour qui le combat continue au-delà des préjugés. Avec le groupe, ils rendront hommage à Kaya et au seggae dans leur quartier en ce 21 février.  

« À Chamarel, nous servons d’exemple à beaucoup de jeunes. Le seggae est une musique qui est propre à notre île. Nous voulons continuer à le transmettre à la jeune génération », indique Neville Célérine.


Véronique Topize : «J’attends toujours que justice soit faite»

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Pour la veuve de Kaya, Véronique Topize,  la musique de Kaya a traversé les cœurs.

Pour sa part, sa veuve, Véronique Topize, âgée de 53 ans, confie qu’elle a connu Kaya quand il s’apprêtait à lancer son premier album. Celui-ci, qui s’intitule « Seggae Nu Lamizik », avec la chanson phare « Racine Pe Brile », est sorti en 1989. Selon elle, la musique de Kaya a touché les cœurs et traversait les frontières. « C’est bien d’avoir consacré une journée nationale à sa musique et à sa mémoire, mais j’attends toujours que justice soit faite. C’est difficile de faire son deuil, car nous ne savons  pas les circonstances exactes qui entourent sa mort », avoue-t-elle.

« Kaya inn pran bokou letan pou li fer sa kalite lamizik la. Il travaillait sur sa musique en toute humilité et faisait passer des messages. Ce n’est qu’au fil des concerts que nous avons commencé à comprendre graduellement l’ampleur que le seggae prenait à Maurice », se souvient-elle.


Ras Natty Baby l’un des pionniers du seggae : «La prochaine étape serait d’inscrire le seggae au Patrimoine de l’UNESCO»

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Ras Natty Baby a plusieurs projets pour valoriser le seggae.

Ras Natty Baby accueille positivement cette nouvelle. « C’est toujours mieux que rien. J’ai pas mal de projets en cours pour valoriser le seggae et cette nouvelle viendra donner un coup de boost. Cette reconnaissance nationale vient prouver que notre combat n’était pas vain et qu’il a porté ses fruits », indique l’artiste.  Toutefois, il déplore lui aussi le choix du 21 février. C’est une date triste et non un jour de fête pour la communauté des artistes. 

Le seggae est un vrai héritage. Ses pionniers écrivaient des chansons à textes qui menaient à la réflexion. « Dès le départ, le seggae a été porteur de message d’unification d’un peuple, de sa culture et de tout de qu’il y est lié. Il faut continuer à le préserver pour qu’il soit porteur de message et d’espoir. » Le chanteur confie qu’après la journée nationale : « la prochaine étape serait d’inscrire le seggae au Patrimoine de l’UNESCO ».


Murvin Clélie (The Prophecy), chanteur : «Avec l’émergence de la musique africaine, c’est le moment de faire connaître le seggae dans le monde»

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Murvin Clélie, de The Prophecy, a mis le seggae à l’honneur à travers « Laglwar »

Murvin Clélie est l’interprète de « Laglwar », élu Disque de l’année en 2018. Il explique qu’il a éprouvé une réelle satisfaction d’avoir réussi à faire danser les Mauriciens sur ce seggae. Le chanteur pense aussi qu’il est temps de faire connaître le seggae au monde. « Au début, c’était une musique d’expérience. Aujourd’hui, on peut l’exporter », indique Murvin Clélie. Ce dernier a d’ailleurs composé une chanson intitulée « Seggae pou lemond ». Il confie qu’il chantait du reggae à ses débuts. Par la suite, quand il a rencontré les fondateurs de seggae, il a eu envie d’en faire lui aussi. « Pour jouer du seggae il faut être Mauricien, il faut le vivre d’abord. Avec l’émergence de la musique africaine, c’est le moment de faire connaître le seggae dans le monde », ajoute-t-il.

Certes, il est conscient que le seggae est une musique de souffrance. Mais, selon lui, elle est aussi joyeuse et apporte de la positivité. « Je demande aux jeunes de ne pas oublier leurs racines et leur culture », explique Murvin Clélie.


Damien Elisa, chanteur et musicien : «Le seggae a encore beaucoup de chemin à parcourir»

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Damien Elisa a recommencé à jouer les chansons de Kaya après 20 ans.

Ce n’est qu’après 20 ans que Damien Elisa s’est remis à jouer les chansons de Kaya. En 1998, il avait participé à l’album « Seggae Experience ». « Je travaillais sur son dernier album et ses ultimes compositions lorsqu’il est mort. Après ce triste événement, j’ai vu trop d’artistes se hasarder à jouer sa musique sans la connaître réellement », indique le chanteur. Par la suite, quand il jouait avec Eric Triton, il a décidé de faire un « Tribute to Kaya » en sa mémoire. 

« À travers le seggae, Kaya a révolutionné la musique locale », ajoute l’artiste. Ce dernier a repris « Ras Kouyon » et « Chante Lamour » sur son nouvel album « Piano Pieni #2 », sorti l’an dernier. À maintes occasions, il a mis en avant les chansons de Kaya lors de ses concerts internationaux. 

« J’ai beaucoup de projets en tête pour valoriser le seggae. Le plus important serait d’organiser un Prix de Kaya pour l’année prochaine. Il a donné sa vie et offert son intelligence à la musique. Il est donc important aujourd’hui pour nous de continuer à donner de la valeur à sa musique. Le seggae a encore beaucoup de chemin à parcourir tant que les musiciens continuent à le développer et à y apporter de nouvelles sonorités », ajoute Damien Elisa.

 

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