Métier ingrat pour certains, valorisant pour d’autres, l’enseignement ne laisse pas indifférent. Pourquoi avoir choisi cette voie et quels sont les défis à venir ? À l’occasion du Teachers’ Day, observé le 5 octobre, parole aux éducateurs.
Elle n’était pas plus haute que trois pommes. Et elle savait déjà qu’elle serait enseignante un jour. Aujourd’hui, à 20 ans, Pallavi Aujayeb, lauréate additionnelle de la cuvée 2021, s’en donne les moyens. Ex-élève du collège Modern, elle étudie actuellement la chimie à l’université de Maurice.
« Je crois que le rôle d’un enseignant est extrêmement crucial dans la vie de chaque enfant, car il donne une direction à son avenir. C’est pourquoi les enseignants sont aussi appelés ‘gourous’ », avance la jeune femme. « Nous sommes une source d’inspiration en partageant de nouvelles idées et en laissant place à leurs rêves », dit-elle.
D’ailleurs, confie Pallavi Aujayeb, son choix de carrière n’est pas le fruit du hasard. « J’ai pris goût à la carrière que j’ai choisie grâce à mon professeur de chimie, Monsieur Foolessur. »
C’est ainsi que fidèle à son rêve, elle tendait déjà la main aux autres apprenants alors qu’elle était en pleins examens du Higher School Certificate. Et son stage, en tant qu’enseignante de chimie, au collège qu’elle fréquentait, n’a fait que la conforter dans son choix.
La même passion habite Pradwin Mohoboollah, 26 ans. Il est enseignant d’éducation physique dans un collège à Port-Louis depuis deux ans. L’enseignement, soutient-il, est un rêve d’enfant qu’il a la chance de vivre au quotidien. « C’est un rêve de gamin et je profite de chaque instant avec mes élèves. »
Pour le jeune homme, c’est un métier noble. « Au quotidien, nous nous occupons de plusieurs classes de 30 à 40 élèves. » Il concède que ce n’est certes « pas toujours évident de traiter avec des mentalités et des milieux différents ». C’est pourquoi, assure-t-il, l’adaptation est le maître mot. Mais pas seulement.
« L’amour pour sa vocation est primordial afin de transmettre les connaissances nécessaires au maximum d’élèves, peu importe les circonstances », martèle le jeune homme. Ainsi, pour Pradwin Mohoboollah, l’amour de l’enseignement doit être inné.
Ce que confirme Gianysha Beehuspoteea, 29 ans, qui enseigne l’anglais et la littérature anglaise au collège Hindu Girls depuis cinq ans. « L’amour pour le métier d’enseignant, se sentir bien dans la classe comme un poisson dans l’eau et percevoir l’enseignement comme un art, sont les ingrédients qui éveilleront toujours la passion pour ce noble métier », estime-t-elle.
Les défis de la profession
Les défis au-devant des enseignants sont nombreux. Gianysha Beehuspoteea cite notamment « l’indiscipline sous toutes ses formes ». Il est primordial pour les enseignants de trouver des moyens de ramener les élèves sur la bonne voie, insiste la jeune femme.
Elle salut les formations dispensées par le Mauritius Institute of Education. Formations, assure-t-elle, qui aident à « conserver la flamme brûlante de ce métier tout en appréhendant les réalités de la classe ».
L’enseignante préconise, d’autre part, le développement d’une culture de soutien entre les éducateurs. Elle le fait déjà, à son niveau. « J’ai initié différents blogs en me servant du pouvoir des réseaux sociaux pour favoriser l’échange des ressources académiques, surtout axées sur la littérature. Je suis contente que cela serve aux éducateurs débutants dans leur développement professionnel. »
J’ai initié différents blogs en me servant du pouvoir des réseaux sociaux pour favoriser l’échange des ressources académiques, surtout axées sur la littérature»
De son côté, Pradwin Mohoboollah n’en démord pas : l’enseignant se doit de défendre les intérêts et assurer l’avenir des apprenants. « Pour promouvoir un système d’éducation exemplaire, il faut multiplier les chances de réussite des élèves en privilégiant le recrutement d’enseignants passionnés et dévoués pour les accompagner dans leur cheminement. »
Pallavi Aujayeb abonde dans le même sens. L’enseignement se doit d’évoluer et de s’adapter aux besoins de la nouvelle génération, est-elle d’avis. Pour ce faire, elle dit être favorable à l’adoption de nouvelles méthodes d’enseignement avec une approche personnelle.
« Tout d’abord, nous devons leur faire comprendre l’importance de la matière que nous enseignons, pour qu’ils aiment vraiment ce qu’ils font. Nous devons partager nos propres techniques de révision et l’expérience que nous avons eue en tant qu’élèves », énonce-t-elle. C’est justement ce qu’elle fait. « Dans la plupart de mes cours, j’aime partager mon expérience difficile, mais belle, pour devenir la lauréate 2020-2021 du côté des sciences. Ce qui les a grandement motivés à entamer la même voie vers leurs objectifs », raconte-t-elle.
Le rôle changeant du professeur
Tous s’accordent à le dire. La psychologie joue et jouera un grand rôle dans l’enseignement à mesure que se transforme la société. Pallavi Aujayeb et Pradwin Mohoboollah mettent tous deux l’accent sur l’importance de développer un lien de confiance avec les élèves.
« Le comportement fait une différence. De nos jours, nous avons tellement d’influences sociales qui affectent l’éducation d’un élève. Ils sont de plus en plus stressés et frustrés par leurs études. Il est donc important d’avoir des discussions en classe sur la psychologie », fait-elle ressortir.
« Nous, enseignants, devons leur expliquer et leur apprendre comment gérer l’anxiété et les encourager à poursuivre leurs rêves en se donnant à fond. C’est tellement beau de voir un intérêt positif parmi les élèves en adoptant cette façon d’enseigner. C’est ainsi que les élèves comprendront mieux les valeurs des enseignants et, pourquoi pas, choisiront eux aussi ce métier plus tard », poursuit la jeune femme.
Pradwin Mohoboollah fait, lui, valoir que l’enseignant ne pourra gagner le respect des élèves par la force ou en haussant le ton. Certes, concède-t-il, il faut pouvoir être ferme pour imposer une certaine discipline auprès des élèves. Mais, plus encore, « il faut un juste milieu pour leur permettre de s’exprimer librement et se sentir entre de bonnes mains ».
Il mise aussi sur l’adaptabilité au vu des changements générationnels constants dans le secteur de l’éducation. « Dans le secteur éducatif, nos élèves et le système sont en constante évolution. Ainsi, à l’ère numérique les enseignants sont appelés à être ‘computer literate’. »
Gianysha Beehuspoteea acquiesce. Il est primordial que l’enseignant suive le rythme des innovations technologiques qui transforment le secteur. Elle parle aussi de la nécessité d’une formation appropriée pour donner les moyens aux enseignants de faire face aux multiples problèmes auxquels les jeunes sont confrontés. « Durant sa formation au Mauritius Institute of Education, l’aspirant enseignant doit obligatoirement suivre quelques heures de cours sur la psychologie des adolescents. Il sera ainsi plus préparé à trouver des solutions aux problèmes des élèves. Il doit lui-même s’armer de patience, faire preuve de tolérance tout en étant ferme. »
Questions à…Vishal Baujeet, président de la Government Teachers’ Union : «On ne reconnaît pas ce métier à sa juste valeur»
Le métier d’enseignant est-il toujours aussi valorisé qu’avant ?
Oui. Avec l’évolution de la société, certains jeunes ne veulent pas embrasser la profession, car on évolue dans une société matérialiste et de compétition. On ne devient pas riche dans l’enseignement, mais on pratique la plus noble des professions en transmettant les valeurs de la vie et en accompagnant les jeunes dans le chemin de la vie. Ceux qui sont pétris de ces valeurs sont passionnés par le métier et je vous rassure qu’ils sont nombreux.
Que répondez-vous à ceux qui pensent qu’une bonne partie des enseignants ne sont ni passionnés ni n’ont-ils la vocation ?
En ce qui concerne les membres de la Government Teachers’ Union (GTU), on peut dire que les enseignants sont très motivés et passionnés. Je peux l’affirmer puisque la GTU travaille très étroitement avec ses membres. Il y a des rencontres et des partages continus concernant l’enseignement et l’apprentissage. Néanmoins, nous ne pouvons pas répondre pour ceux qui ne sont pas membres de la GTU.
La formation des enseignants est-elle adaptée face aux transformations que connaît la société et la précocité des jeunes, surtout avec l’avènement des technologies et des réseaux sociaux ?
Oui, la formation des enseignants a connu une évolution par rapport à la société moderne. Les enseignants sont formés pour répondre aux besoins de cette société. Les enseignants sont exposés à gérer les élèves qui sont en difficulté d’apprentissage aussi bien que pour avoir un équilibre entre la vie sociale et l’exposition technologique.
Certains parlent d’un problème de niveau des enseignants… Comment ce métier a-t-il évolué au fil des années ?
Il y a un upgrading constant du niveau des enseignants. Savez-vous que les profs du primaire font une licence auprès du Mauritius Institute of Education et que dans un futur proche, tous les enseignants du primaire seront des diplômés.
Cela a été la vision de la GTU sous la houlette de l’ex-président Vinod Seegum, que j’aiderai à concrétiser.
L’enseignant de demain est la personne clé de la société (...) Il est le guide, le facilitateur, le mentor, l’instructeur, l’éducateur. Bref, il a de multiples fonctions...»
Qui est l’enseignant du futur ?
Il est la personne clé de la société, même si on ne reconnaît pas le métier à sa juste valeur. Il est le guide, le facilitateur, le mentor, l’instructeur, l’éducateur. Bref, il a de multiples fonctions si importantes pour la société.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite devenir enseignant ?
Le métier d’enseignant est noble. C’est la seule profession qui crée de nombreuses autres professions. Les futurs enseignants doivent avoir la passion de transmettre les connaissances et le savoir-faire aux enfants d’aujourd’hui afin qu’ils aient un avenir meilleur. Un jeune désireux de devenir enseignant doit être quelqu’un qui se dévoue pleinement pour la profession. Il doit être quelqu’un qui a les aptitudes pour adopter la nouvelle technologie et qui est capable de s’adapter au programme scolaire.
Et à la ministre de l’Éducation ?
À la ministre, je conseillerai d’être toujours à l’écoute des enseignants par le biais de réunions fréquentes et de consultations. Le syndicat transmet les représentations au ministère, mais des contacts directs sont plus appréciés.
C’est pour cela que nous remercions la ministre, non seulement d’avoir déclaré le 5 octobre un congé scolaire à la suite de notre demande, mais aussi d’être l’invitée d’honneur des célébrations du Teachers’ Day au L.E. Fabien Teachers’ Centre, Quatre-Bornes.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !