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Journée mondiale des personnes disparues : des familles pleurent leurs proches ni morts ni vivants 

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Environ 900 cas de personnes disparues sont rapportés à la police mauricienne chaque année. De ce nombre, plus de 95 % sont retrouvées. Pour les familles de celles qui ne le sont pas, l’ombre d’un fantôme plane. Témoignages à l’occasion de la Journée mondiale des personnes disparues observée cette semaine. 

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Jean Emilien Duval est porté disparu depuis bientot un an.

«Où est Emilien ? » C’est la question que ne cessent de se poser ses proches. « Li pa kapav inn disparet dan Moris. » Un an s’est écoulé depuis que Jean Emilien Duval, 21 ans, est porté disparu. L’habitant de Mangalkhan, Floréal, a déserté le toit familial le 7 août 2021 sans dire où il se rendait, laissant ses proches dans l’incompréhension totale. 

Selon son père, Alain Duval, 46 ans, son aîné n’est pas sain d’esprit. « Il avait des troubles et suivait un traitement à Brown Sequard », fait-il savoir. Il confie que ses deux autres enfants, une fille de 5 ans et un fils de 19 ans, sont accablés par l’absence d’Emilien. « La dernière fois qu’il a été vu par des caméras de surveillance, c’était à Terre-Rouge. Après cela, nous n’avons plus eu d’informations sur sa disparition. »

La dernière fois qu’il a été vu par des caméras de surveillance, c’était à Terre-Rouge. Après cela, nous n’avons plus eu d’informations sur sa disparition»

Alain Duval craint que des personnes aient amadoué son fils aîné pour lui faire du mal. « Il est très facile à manipuler étant donné qu’il a un retard mental. Il avait déjà quitté la maison et avait été retrouvé pas plus tard que trois jours après. C’est la première fois qu’il déserte le toit aussi longtemps », dit-il. 

Le maçon garde toutefois espoir de retrouver Emilien. Pour ce faire, il continue de coller régulièrement des affiches. « Quelques fois je reçois des appels, mais souvent c’est pour signaler quelqu’un qui lui ressemble. Mon souhait le plus cher est de le retrouver grâce à un appel téléphonique. »

Comme les Emilien, de nombreuses familles souffrent de cette absence et de cette longue attente. Certains ont disparu en mer et même si les chances de les retrouver sont peu probables, les familles disent croire qu’un miracle est parfois possible. 

Mais les jours passent, puis les mois et les années. Et vivre dans cet espoir fait encore plus mal. Malheureusement pour elles, le deuil n’est point possible…

Le capitaine Mowsadeck Bheenick disparu en mer en 2020

Son épouse : « Pour moi, mon époux est toujours vivant »

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Le capitane Bheenick avec son épouse Mariam et leurs deux enfants Irfaan et Illmah.

Mariam Bheenick, 47 ans, n’arrive pas à se faire à l’idée que son époux n’est plus de ce monde. Selon la mère de famille de deux enfants, Irfaan, 23 ans, et Ilmah, 13 ans, le quotidien est difficile. 

Elle avait seulement 19 ans lorsqu’elle a rencontré Mowsadeck Bheenick, alors qu’elle vivait à São Luis, à Maranhão, au Brésil. Le bateau sur lequel il travaillait étant en réparation, il avait passé deux mois en Amérique latine. Par amour, elle l’a suivi à Maurice. Mais le conte de fées de Mariam Bheenick a connu une fin tragique le 31 août 2020, lorsque le remorqueur Sir Gaëtan a sombré au large de Poudre-d’Or tard dans la nuit, principalement à cause du mauvais temps. 

Étant donné que je ne l’ai pas vu une dernière fois, je n’arrive pas à me convaincre qu’il est décédé, même si c’est dur»

« Cette nouvelle a été un terrible choc. Je ne m’attendais pas à ce que mon époux soit porté disparu. Et lorsque les recherches pour le retrouver ont été abandonnées, cela a été un autre coup dur pour moi et ma famille », confie-t-elle.

Après deux ans, cette habitante de Calebasses affirme que le quotidien est dur à vivre. « On essaie de faire avec. Ma fille est toujours à l’école, mais mon fils prévoit de reprendre ses études de pilote en Afrique du Sud prochainement après un an et demi. Mais les finances font défaut, ses études coûteront entre Rs 2 millions et Rs 3 millions », fait-elle savoir.

Pour Mariam Bheenick, c’est dur de faire le deuil. « Étant donné que je ne l’ai pas vu une dernière fois, je n’arrive pas à me convaincre qu’il est décédé, même si c’est dur. »

Pour Irfaan Bheenick, ça l’est encore plus. Son père était le pilier de la famille. « Mon père représentait tout pour moi et il arrivait toujours à me réconforter lorsque ça n’allait pas. Son absence pèse lourd », concède le jeune homme.

Son époux porté disparu en Turquie

Magdala : « On est livrés à notre sort »

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Iswarlall Balooram est porté disparu depuis le 21 juillet 2019.

Les années se sont écoulées et le doute persiste toujours quant à la disparition d’Iswarlall Balooram. Il aurait eu 51 ans aujourd’hui. Cet ingénieur en électricité est porté disparu depuis le 21 juillet 2019.

Il s’était rendu, le 6 juillet de la même année, à Istanbul dans le cadre d’un stage de formation de deux semaines offert par sa compagnie. Les arrangements nécessaires ont été faits par son employeur pour son logement dans un hôtel en Turquie. 

À son arrivée à Istanbul, il donne des nouvelles à son épouse, Magdala Balooram, 41 ans. Quatre jours après, soit le 21 juillet, tout contact avec lui est interrompu.

« La dernière fois que je lui ai parlé, c’était vers 12 h 30. On s’était aussi échangé des messages sur WhatsApp. Il m’avait dit qu’il allait visiter des lieux touristiques. Lorsque j’ai essayé de reprendre contact avec lui, son téléphone était éteint », raconte Magdala Balooram.

On n’a pas bénéficié d’un suivi psychologique, ni d’un encadrement... Il faudrait que cette aide soit une réalité, car mes enfants en souffrent»

Elle dit n’avoir subitement plus eu de nouvelles de son époux. « J’ai essayé de l’appeler, mais il est resté injoignable. Au départ, j’ai pensé qu’il était pris par le travail, mais plus les jours passaient, j’ai compris que quelque chose de plus grave se passait. » Magdala Balooram confie ne plus pouvoir fermer l’œil de la nuit depuis que son mari a disparu. 

Une nouvelle vie à trois

L’infirmière, mère de deux enfants de 22 et 12 ans, explique que c’est en 2015 qu’elle a fait la connaissance de son époux. Au sein de leur famille recomposée, soutient-elle, le quotidien était plaisant. « On menait une vie ordinaire et il était très proche de mon benjamin qui était âgé de 8 ans avant sa disparition », précise-t-elle.

Depuis, le quotidien est bien plus compliqué. « Mes fils le réclament souvent, surtout en ce moment c’est pénible. Mon aîné étudie et le plus petit prend part aux examens du PSAC », fait savoir Magdala Balooram.

Selon elle, Iswarlall Balooram était le moteur de la maison. « Il me soutenait dans tout ce que je faisais. Sans sa présence, c’est plus difficile. » 

La mère de famille déplore également le manque de considération de l’État. « On n’a pas bénéficié d’un suivi psychologique, ni d’un encadrement pour restructurer notre famille. Il faudrait que cette aide soit une réalité, car mes enfants en souffrent. On est livrés à notre sort. »

Originaire de l’île Rodrigues, Magdala Balooram précise qu’elle n’a personne à qui se confier. « Nous sommes contraints de vivre une nouvelle vie à trois et de nous soutenir mutuellement. »

Ces cas qui ont défrayé la chronique 

Le cas le plus connu demeure celui du petit Akmez Aumeer. Il est porté disparu depuis le 25 janvier 2003. Il n’avait alors que neuf ans. Pour ses proches, le traumatisme est toujours omniprésent. Cela fait maintenant 19 ans depuis que le petit garçon a disparu. La blessure de la famille est toujours palpable. Impossible de retrouver la paix, de dormir, de vivre dans des conditions semblables.  

Le 31 juillet 2017, la disparition des cousins Gavi Sunnassee, 17 ans, et Dhanasri Sunnassee, 

14 ans, est signalée à la police. Les deux adolescents, des habitants de New-Grove et Mahébourg, sont partis sans laisser de trace. Leurs proches ne comprennent toujours pas ce qui a pu se passer.

Une journée, un hommage 

Dans le monde entier, la Journée des personnes disparues est observée le 30 août. Elle a été décrétée journée internationale par l’Organisation des Nations unies. L’objectif est de rappeler qu’il est important de continuer à en parler, d’alerter les instances internationales et l’opinion publique afin que la disparition des êtres humains cesse et que plus de mécanismes soient mis en place pour aider à retrouver, dans les plus brefs délais, les disparus. 

Que faire en cas de disparition ? 

Après un délai de 24 heures, il faut informer la police en se rendant au poste de police le plus proche. Selon le Police Press Office, une enquête sera initiée et les informations concernant la personne portée disparue seront communiquées au public pour aider à la retrouver. 

La police rappelle que l’aide du public est précieuse et qu’un bon citoyen a le devoir de contacter la police pour toute information au sujet des personnes disparues. Vous pouvez appeler au 999 ou de manière anonyme au 148. 

Que dit la loi ?

Selon le Code civil mauricien, si une personne a cessé de paraître à son domicile, sans aucune nouvelle pendant une période de plus de cinq ans, le ministère public ou les proches de la personne concernée peuvent faire une requête auprès de la Cour pour une présomption d’absence.

Lorsqu’il se sera écoulé cinq ans depuis la décision qui a constaté la présomption d’absence, l’absence pourra être déclarée par le juge en Chambre.
Cependant, si cela fait plus de 10 ans que la personne a cessé de paraître à son domicile ou son lieu de résidence, sans que l’on ait eu de nouvelles, une déclaration d’absence peut être demandée directement.

Pour les cas de disparitions pour cause d’accidents (par exemple en mer), selon les dispositions du Code civil, le décès de tout Mauricien disparu à Maurice ou hors de Maurice, dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n’a pu être retrouvé, peut être judiciairement déclaré. 

 

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