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Jonathan Ravat, OSK : «Ma décoration est un grand cadeau et une grâce»

Jonathan Ravat

C’est un décoré de la République atypique, mais dont le profil colle sans un pli à sa médaille. ‘Officer of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean’, Jonathan Ravat a un état de services qui  s’enracine dans ses convictions religieuses. Le travail social et l’engagement interreligieux sont ses deux missions.

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Costume noir, chemise blanche et cheveux en boucles, Jonathan Ravat, à peine 33 ans, a une allure de jeune premier. Son agenda est chargé, mais le chef des études sociales de l’Institut Cardinal Jean Margéot accorde généreusement un entretien, le jeudi 16 mars.

« Cette décoration m’honore. Pour le peu que je fais, pour l’île Maurice, la République, mes causes, mes convictions, c’est un grand cadeau, une grâce. Ce n’est pas comme être primé ‘The Most Outstanding young person’, concours auquel des amis m’avaient inscrit malgré moi. Ma route est encore longue », dit cet ex-pensionnaire du collège St Andrews, docteur en anthropologie des religions.

Il vient de Montagne-Longue, le village des Ravat, où son grand-père, Henri Ravat, maître d’école, avait un petit journal et était membre avec Chit Dukhira – ex-Town Clerk des villes-soeurs – de l’Unity in Diversity Circle, où se rencontraient hindous, catholiques et musulmans. Déjà le germe d’un mauricianisme naissant.

«Il y a une nécessaire quête du savoir spirituel qui prend la forme d’une quête universelle.»

Engagement social

Au collège, en Lower V1, il crée le SASA, Groupe d’ados solidaires altruistes, avec trois pôles d’intérêt : l’initiation au travail social, le dialogue interreligieux et le développement personnel. Et comme si cela ne suffisait pas, le voilà qui se met au journalisme amateur dans le journal du collège, l’Assassin et le magazine Spiritus.

À la maison, ses parents lui enseignent trois règles d’or : ne jamais se moquer des patronymes des autres, ne pas gaspiller la nourriture et respecter le choix et la liberté des autres. Après les études supérieures, il enchaîne les postes d’enseignant, d’abord dans un collège technique, puis dans les collèges Saint-Esprit et Lorette de Rose-Hill, où il enseigne le français et la littérature française.

« Mais c’est au ‘Centre of Learning’, à résidence Barkly que je vais me mettre véritablement pour enseigner. Il s’agit d’un centre d’éducation pour adultes dans le cadre du programme de développement communautaire en réponse à la pauvreté. Je suis associé au lancement du centre, et cela a été une riche expérience de gestion. C’est à ce moment que je rencontre Jean-Noël Adolphe, la personne qui va jouer un rôle déterminant dans ma vie. À son départ, je me vois confier le ‘management’ du centre », raconte-t-il.

En 2005, il reprend le chemin de l’Université de Maurice, où il passe son doctorat en anthropologie des religions. « En fait, ce n’est qu’en 2007 que je commence mes cours, qui vont durer sept ans ».

Mais avant d’être admis, il obtient le poste de Jean-Noël Adolphe, qui part à la retraite. « Je vais donc travailler à l’Institut catholique de l’île Maurice et je deviens le responsable de l’école pour la solidarité et la justice. En 2009, l’Institut catholique change d’appellation et devient l’Institut Cardinal Jean Margéot. L’année dernière, j’ai pris les fonctions de chef des études sociales », explique-t-il.

Dans l’ex-Maison Carné, à côté du Plaza où l’Institut a pris ses quartiers, il est chargé de diriger le département des recherches ainsi que la formation des formateurs, dont les travailleurs sociaux, les enseignants, les instituteurs et les coordonnateurs de catéchèse. « Plutôt qu’un grand titre, je me définis toujours comme étudiant chercheur. Je ne conçois pas la formation sans une démarche perpétuelle de recherche », dit-il.

Une Bible, le Coran et le Rig Veda

Est-il surprenant, dès lors, qu’on trouve dans son cartable, une Bible, le Coran et le Rig Veda, un des quatre Vedas des Upanisads. « Comment prétend-on connaître les communautés de Maurice sans connaître ces ouvrages majeurs, car les Mauriciens sont profondément croyants ? ».

Mais dans sa quête, un fil conducteur : le mysticisme, un terme qui renferme une forte dose d’ésotérisme, mais dont Jonathan tente d’appréhender par la disponibilité et l’humilité.

« Je ne prône pas le syncrétisme, je suis un catholique pratiquant et je vais le rester jusqu’à ma mort, mais il y a une nécessaire quête du savoir spirituel qui chemin faisant prend la forme d’une quête universelle. Quelque part, je peux ressembler à une éponge, je me gorge de ces enseignements différents des miens et je les ressors sous une autre forme, comme un ensemble d’enseignements cohérents et qui me laisse entrevoir des promesses réelles dans ma quête de ce dialogue interreligieux. Partager des gâteaux durant une fête religieuse participe de cette forme de dialogue, mais elle ne suffit pas, il lui faut une composante théorique, voire mystique, afin que le dialogue trouve tout son sens et devienne crédible. »

Mais n’est-ce pas une démarche intellectuelle stérile qui frise l’égoïsme ? Il nuance : « Non, car à cette démarche, je joins l’action sur le terrain, mon engagement social à Barkly et à Bois-Marchand. Ma réalisation personnelle ne peut pas se faire sans cette dimension-là. »

S’il déborde d’énergie, d’espoir, d’optimisme, c’est parce qu’il est convaincu que l’amour, la compassion et l’empathie sont les seuls facteurs qui peuvent sauver l’humanité.

« Quant à la tolérance, la coexistence intercommunautaire à Maurice, dit-il, le processus est toujours en marche, le fameux tissu social est en train de gagner en maturité, mais les coefficients de tension sont toujours multiples. Ils peuvent être de nature économique ou géopolitique », fait-il ressortir.

Toutefois, il réfute l’argument qui consiste à mettre tous nos maux sur les dos des religieux. Un discours qu’on mettrait volontiers dans la bouche d’un prêtre. « C’est vrai que j’ai été tenté par la prêtrise pendant quelques mois. Je me suis rendu compte que je pouvais tout aussi apporter ma contribution comme laïc », fait-il valoir.

 

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