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Joanna Bérenger sur la violence parentale : «La ministre ne fait que rejeter la responsabilité sur les parents»

Au-delà de ses prises de position fermes sur des questions cruciales telles que l'environnement et la condition féminine, Joanna Bérenger est également connue pour ses expulsions répétées de l'hémicycle comme cela a été le cas mardi dernier.

En dehors de vos prises de position fermes au Parlement sur les dossiers qui vous tiennent à cœur comme l'environnement et la condition féminine, vous vous faites aussi remarquer pour vos expulsions. Que répondez-vous à ceux qui disent que vous vous laissez trop facilement piéger au Parlement, avec comme résultat plusieurs semaines d'expulsion ?
Comme je l’ai expliqué à mes mandants, en tant que militante, cela fait aussi parti de mon engagement politique de dénoncer les situations injustes. Heureusement, j’ai leur soutien et ils me partagent systématiquement leur dégoût pour ce gouvernment et son ‘Speaker’. Vous remarquerez que toutes les fois où j’ai été expulsée, c’était parce que je me suis soulevée contre une attitude « dominer », que ce soit lorsque le Speaker avait empeché ma collègue Karen de dénoncer les scandales au ministère de la Santé, ou lorsqu’il avait brutalement et injustement expulsé Paul (Bérenger) et Rajesh (Bhagwan), que ce soit par rapport au traitement honteux réservé à Jasmine Toulouse par Alan Ganoo et le PM ou même lorsqu’il maltraite le ‘Sergeant-at-arms’. Il m’est impossible de rester insensible dans des situations d’injustices. Et comme nous avons un ‘Speaker’ qui ne sait pas se remettre en question et qui n’accepte pas qu’on lui fasse remarquer une injustice, il préfère expulser.

C’est quand même le comble que ceux sur qui pèsent des allégations de corruption, de meurtre ou de détournements de fonds, soient toujours assis dans ce Parlement alors que d’autres qui souhaitent faire leur travail dignement se retrouvent en dehors du Parlement à cause d’un non-élu qui veut faire plaisir au Premier ministre et nous empêcher de dire des vérités. Nous n’avons jamais connu une telle situation depuis l’indépendance : le non-respect de l’allocation des temps de parole, l’arbitrage injuste des débats, les expulsions en série et souvent injustifiées, l’attitude systématiquement aggressive et menaçante du Speaker sont d’autant de raisons de continuer à se battre pour que notre Parlement retrouve sa légitimité démocratique et que les droits des parlementaires soit respectés. 

Notre rôle n’est pas d’appeler à un résultat, mais d’arriver au résultat, de bâtir ce résultat. Et pour cela, il faut régler rationnellement les problèmes qui se posent»

Vos remarques et prises de position sont constamment scrutées par les membres de la majorité gouvernementale. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous suscitez autant d'énergie et d'attention de la part des membres du gouvernement ?
Pour l’instant, la politique est un monde cruel, mais j’espère que cela évoluera et c’est aussi pour cela que je me suis engagée. C’est vrai que depuis que je suis au Parlement, il y a des attaques personnelles, des insultes, des remarques sexistes… mais je ne répliquerai jamais en utilisant le même langage que ceux qui me critiquent : je tiens à cela. Je ne tomberai pas à ce niveau, et ce, même s’ils sont dans la dévalorisation et la déshumanisation de l’autre, et que cela n’est pas toujours facile à vivre. Mais voyons le côté positif : si je suscite leur attention et leur énergie, c’est peut-être parce que ce que je dis et fais n’est pas aussi insignifiant que ce qu’ils veulent faire croire ? 

Le fait d'être la fille du leader du MMM vous expose-t-il à autant d'attaques ?
Oui ! Comme je le dis souvent, j’ai hérité du nom, de ses valeurs et bien que je n’hériterai jamais d’un poste, car je suis trop attachée au concept de la démocratie, j’ai cependant aussi, malheureusement, hérité de ses adversaires. Il faut que je m’y fasse, ça fait partie du lot. Je suis une femme qui a le courage de dire et d’assumer ce qu’elle pense et ne lâche pas le morceau lorsqu’elle se sait du bon côté, c’est-à-dire celui du progrès. Beaucoup d’hommes en politique ne sont pas habitués à cela, et je peux comprendre que ça puisse les déranger. Mais eux aussi, ils devront s’y faire. 

Vous vous êtes souvent illustrée sur des questions telles que l'environnement, en voulant vous attaquer au fond du problème comme l'utilisation de pesticides et les conditions des baleines, entre autres. Ce sont des thèmes que la classe politique n'évoque jamais ou que très rarement. Êtes-vous satisfaite de la considération des autorités pour vos inquiétudes exprimées sur ces sujets ?
Pas du tout. Comme vous dites, je mets un point d’honneur à tacler les problèmes à la source. C’est là le rôle des politiques responsables. Notre rôle n’est pas d’appeler à un résultat, mais d’arriver au résultat, de bâtir ce résultat. Et pour cela, il faut régler rationnellement les problèmes qui se posent. Mais qu’est-ce qu’on voit ? D’un côté, jour après jour, des scandales qui détournent l’attention des vrais problèmes comme l’inflation, le changement climatique, la dépréciation de la roupie, la paupérisation de la population, l’exode massif de nos talents et de l’autre côté, budget après budget, ce gouvernement vient avec des mesures superficielles, qui ne règlent pas les problèmes de fond. Je continuerai à maintenir la pression, mais je ne peux que regretter le manque de volonté de ceux qui ont la main sur le levier.

À quoi bon avoir des ministères s’ils ne peuvent pas prendre des décisions sur des sujets tombant sous leur responsabilité !»

Vous avez réagi, durant la semaine écoulée, au cas de maltraitance d'une enfant par sa mère. Vous avez insisté sur l'importance des cours de préparation à la parentalité et la discipline positive, entre autres. Au Parlement mardi dernier, la ministre Kalpana Koonjoo-Shah a pris position sur ce drame. Elle a salué les dénonciations de tels actes et insisté sur le fait qu'il y a une Children's Court. Êtes-vous satisfaite de la prise de position de la ministre ?
Si on se fie aux réponses de la ministre, on pourrait croire que tout se passe toujours comme il faut et qu’il n’y a aucune amélioration à apporter. Mais elle ne veut pas faire face à la réalité. La ministre Kalpana Koonjoo-Shah ne fait que rejeter la responsabilité sur les parents et cela me désole. Nous avions vu le même scénario dans le cas du shelter ‘L’Oiseau du paradis’. Elle n’avait pas hésité à rejeter tout le tort sur la maman, alors que le bébé en souffrance était dans un établissement sous le responsabilité de son ministère ! Cette maman, cette femme, avait besoin d’être aidée, pas d’un procès en moralité institué par la ministre et repris par le Premier ministre.

Pour revenir à la violence, rien ne la justifie et elle est malheureusement partout. Mais particulièrement dans le cas de cette enfant, qui est issue d’une famille vulnérable. On ne peut occulter les difficultés supplémentaires auxquelles ses parents doivent faire face. On n’a pas le droit de fermer les yeux sur le besoin d’aide et d’encadrement. Et c’est précisément là où le gouvernement se dédouane systématiquement de ses responsabilités en se reposant sur les ONG qui sont elles-mêmes débordées. Il faut absolument que le gouvernement investisse dans des cours de préparation à la parentalité (qui devront être suivis obligatoirement pendant la grossesse), dans des formations à la discipline positive (pour tout officier travaillant avec les enfants), dans des campagnes de sensibilisation sur les conséquences de la violence et les alternatives à son utilisation. 

Le projet de smart city à Roches-Noires est un autre dossier qui vous préoccupe. Le gouvernement semble tergiverser sur ce projet avec des déclarations contradictoires. Le gouvernement et même le Premier ministre ont pourtant fait part de leurs préoccupations quant au changement climatique ainsi que l'exposition de Maurice en tant qu’État insulaire aux phénomènes environnementaux. Quelle aurait dû être la prise de position du gouvernement sur ce projet ?
Lorsque vous mentionnez les prétendues « préoccupations » du gouvernement  face au changement climatique, j’ai automatiquement la chanson de Dalida qui me vient en tête « Paroles… paroles… » Comment prétendre se préoccuper du changement climatique quand ils permettent un peu partout à travers l’île la destruction de nos trésors naturels qui nous rendent des services écosystémiques. Ce faisant, ils diminuent donc notre résilience face aux conséquences du changement climatique comme l’érosion et les inondations ? J’ai en tête la destruction de la montagne de la Tourelle, des wetlands à Bel-Ombre, des mangroves à Saint-Martin/Deux-Frères/Mahébourg, la déforestation à Chamarel, à Plaine-Champagne. Il se pourrait que ce soit le cas à Roches-Noires aussi pour ce projet de Smart City sur 650 arpents. Pourtant, les arbres nous donnent de l’oxygène, retiennent l’eau et cet endroit abrite aussi des wetlands et s’il est impacté, ce sera l’équilibre de tout un écosystème qui le sera aussi, avec des conséquences indéniables pour les habitants. 

Comme je le dis souvent, j’ai hérité du nom, de ses valeurs et bien que je n’hériterai jamais d’un poste, car je suis trop attachée au concept de la démocratie»

Ce projet suscite beaucoup d'agitations, d’une part, du côté du promoteur qui insiste que les constructions n'affecteront en rien les ‘wetlands’, et d'autre part avec des habitants divisés sur la question. Certains plaident en faveur du projet en raison des bénéfices économiques et d’autres s’élevant contre. Tout récemment, un groupe de compagnies locales avait exprimé le souhait de faire une réserve naturelle dans cette région. Quelle serait la meilleure solution ?
Le gouvernement veut permettre une Smart City dans cette région, alors même que la stratégie mise en place par le ministère de l’Agro-industrie (Protected Area Network Expansion Strategy 2017-2026) prévoit que cette zone devrait être protégée et préservée. J’ai posé la question au ministre à deux reprises concernant la mise en application de cette stratégie. Il fait mine de ne pas savoir à quoi je fais référence. Comment un ministre peut-il ne pas connaître la stratégie de son propre ministère ? Pourquoi gaspiller l’argent des contribuables pour mener des études et établir des stratégies si elles ne sont pas appliquées ? Au final, le ministre des Finances nous a fait comprendre que ce sera l’Economic Development Board qui aura le dernier mot et qui décidera de ce qu’il adviendra de ce site. Du coup, à quoi bon avoir des ministères s’ils ne peuvent pas prendre des décisions sur des sujets tombant sous leur responsabilité ! Cela donne le tournis tellement ils nous font tourner en rond !

Abordons à présent le volet politique ! S'il y a des négociations en cours entre le PTr, le MMM et le PMSD, il y a également une volonté au sein de la population pour brasser plus large en réunissant davantage d'autres partis de l'opposition. Qu'en pensez-vous ?
Si nous arrivons à regrouper des gens de bonne volonté et qui ont à cœur l’intérêt du pays avant tout, pourquoi pas. Mais il est évident que tous les chefs de partis ne peuvent pas être présentés comme Premier ministre au sein d’un même regroupement. C’est là que ça coince il me semble. De nombreux politiques ont cette ambition et c’est leur droit, mais ils ne réalisent pas qu’en divisant l’opposition, ils deviennent les meilleurs agents du MSM.

Il y a certes le travail abattu par l'opposition parlementaire, mais celui de l'opposition extraparlementaire ne peut être négligé. N'est-il pas grand temps pour que l'opposition traditionnelle commence à ouvrir les bras aux partis et citoyens qui s'opposent au régime ?
Nous n’avons jamais fermé nos portes à qui que ce soit. Bien au contraire ! Nous accueillerons avec plaisir tous ceux et celles qui se retrouvent dans les valeurs prônées par le MMM, dans les idées véhiculées à travers nos suggestions faites au Parlement ou lors des conférences de presse et à travers nos différents programmes électoraux. Mais si certains choisissent de rejoindre d’autres partis - et s’il existe justement plusieurs partis, il me semble que c’est bien parce qu’il y a des divergences d’opinions. Ce qui est plutôt normal et sain pour la démocratie. Donc il faudrait peut-être leur poser la question. 

Je n’ai pas besoin d’un poste pour être au service de mon pays et de mon parti.»

Que pensez-vous de la déclaration du président du PTr, Patrick Assirvaden, qui a fait part de son impatience concernant les négociations entre les trois leaders ? Êtes-vous d'accord qu'il est grand temps de finaliser l’accord ?
Il partage le sentiment de beaucoup de Mauriciens. Il y a une grande attente par rapport à cette alliance qui prend, certes, un peu de temps à se concrétiser. Mais si tel est le cas c’est bien parce que nous souhaitons tous que ce soit une alliance durable afin de ne décevoir personne.

Pensez-vous avoir acquis suffisamment d'expérience lors de ce premier mandat pour aspirer à un poste ministériel en cas de victoire aux prochaines élections ?
Je n’ai pas besoin d’un poste pour être au service de mon pays et de mon parti. J’ai commencé mon engagement politique à travers une branche de la régionale 16 du MMM en tant que simple militante mais avec la force de mes convictions et l’envie d’apporter ma contribution pour une transformation de notre société. Je continuerai à militer en ce sens en toutes circonstances, peu importe le choix que les Mauriciens et les militants feront.

Comment vous entendez-vous avec les anciens du MMM avec lesquels vous avez dû croiser le fer en interne il y a quelque temps de cela?
Chez nous, les altercations sont fréquentes et saines et permettent de faire vivre la culture du débat au MMM. J’ai noué des amitiés solides avec des militants de tous les âges et tous les horizons, et la culture du débat, les discussions franches et le soutien mutuel sont pour moi source de grande satisfaction.

 

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