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Jean-Claude de l’Estrac plaide pour une réforme électorale globale

Jean-Claude de l’Estrac.

Le débat sur la réforme électorale a été relancé par Paul Bérenger, Premier ministre par intérim et leader du Mouvement militant mauricien (MMM). Lors d’une conférence de presse tenue jeudi dernier, il a présenté deux propositions visant à introduire une dose de représentation proportionnelle dans le système électoral actuel, dominé par le first-past-the-post. Ces mesures prévoient l’ajout de 20 sièges proportionnels et, dans l’une des variantes, le maintien partiel du Best Loser System (BLS) avec quatre sièges supplémentaires attribués sur base ethnique. Elles suscitent des réactions contrastées. Parmi elles, celle de Jean-Claude de l’Estrac, ancien directeur général de La Sentinelle Ltée, ex-rédacteur en chef de L’Express et ancien ministre, qui interroge tant l’opportunité que la substance de ces initiatives.

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Au Défi Quotidien, dimanche, Jean-Claude de l’Estrac a exprimé ses réserves quant au moment choisi pour ce débat. « D’abord, je me suis posé la question de l’urgence qu’il y a à lancer ce débat maintenant. Les prochaines élections législatives sont dans cinq ans. On a amplement le temps d’ici là pour engager la discussion », a-t-il déclaré. Il estime que, dans le « climat politique délétère » actuel, d’autres priorités s’imposent, notamment sur le plan social. « J’estime qu’il y a, dans le climat politique délétère qui est le nôtre en ce moment, d’autres questions infiniment plus urgentes à débattre, notamment sur le plan social, même si je comprends la nécessité d’entamer une réforme électorale de cette envergure longtemps avant la tenue des élections. Mais ce n’est pas nécessairement la priorité, vu la situation économique et sociale dans laquelle nous nous trouvons », a-t-il fait comprendre.

Sur le fond, Jean-Claude de l’Estrac formule deux remarques principales. Il rappelle que les débats antérieurs sur la proportionnelle envisageaient l’abolition du BLS, un mécanisme conçu pour assurer une représentation communautaire équilibrée. « Je crois bien me rappeler que lorsque le débat sur l’introduction de la proportionnelle avait été lancé il y a plusieurs années, il avait été question d’abolir éventuellement le Best Loser System. Je ne comprends pas aujourd’hui la proposition qui vise à augmenter le nombre de députés de 20 dans un système de représentation proportionnelle tout en ajoutant encore quatre élus désignés sur base ethnique », explique-t-il. 

Selon lui, maintenir le BLS implique de reconnaître la nécessité d’une représentation ethnique pour l’équilibre social, mais celle-ci doit reposer sur des données actualisées. « Si on veut maintenir ce Best Loser System, cela veut dire que l’on considère que la représentation ethnique est nécessaire à l’équilibre social. Mais cette représentation ne s’appuie que sur un principe de rapport de force. Pour le mesurer, il est indispensable de disposer d’outils sociologiques, et en l’occurrence l’outil de prédilection reste le recensement démographique. On ne peut pas proposer une représentation ethnique au pays basée sur un rapport de force dépassé. On ne peut donc pas maintenir un Best Loser System fondé sur une représentation datant de 1972 pour une élection qui aura lieu en 2029 », indique-t-il.

Il pose ainsi un choix fondamental entre deux modèles : le système anglo-saxon, fondé sur les rapports de force communautaires, ou le modèle français d’assimilation. « Soit nous restons dans le modèle anglo-saxon, globalement basé sur les rapports de force entre communautés, soit nous optons pour le système français, fondé sur l’idée de l’assimilation. Notre système constitutionnel est basé sur la constatation qu’il existe des communautés. Pour établir un rapport de force, il faut un recensement régulier afin de suivre l’évolution des équilibres communautaires. On s’assure ainsi du respect de chacun en fonction de sa représentation au sein de la société. C’est soit l’un, soit l’autre. Mais ici, on essaie de faire les deux. »

Jean-Claude de l’Estrac s’interroge également sur la taille du Parlement dans un pays de 1,3 million d’habitants. « Maintenant, se pose aussi la question de savoir si une si petite population que la nôtre a effectivement besoin d’autant d’élus. Si on se réfère aux systèmes électifs existant ailleurs, on peut constater que nous avons un ratio extrêmement élevé d’élus par rapport aux électeurs. Cela pose également problème. On ne peut pas continuellement demander à la population de faire des sacrifices financiers, alors que les politiques ne sont pas prêts eux-mêmes à donner l’exemple d’une certaine austérité. Un Parlement de 84 membres est un Parlement obèse », fait-il ressortir.

Malgré ces critiques, il note un aspect positif : l’annonce de consultations. « Le positif est que le Premier ministre adjoint a annoncé des consultations. Il faut espérer que le gouvernement restera à l’écoute des propositions, sinon le principe de consultation n’a aucun sens. On peut regretter que cette même vertu n’ait pas été respectée dans le cadre de la réforme sur les pensions. Les grandes réformes nécessitent de grandes consultations », affirme-t-il.

Enfin, Jean-Claude de l’Estrac plaide pour une approche holistique, intégrant d’autres enjeux comme le financement des partis et la parité hommes-femmes : « En plus, il y a d’autres questions au plan électoral qui méritent considération. Notamment la parité hommes-femmes en termes d’élus. Il faudrait profiter de l’occasion pour mener une réforme holistique. La représentation proportionnelle est un élément, mais ce n’est pas le seul. Le financement politique en est un autre, et la parité également. » Il souligne l’injustice du système actuel : « L’idée d’une dose de proportionnelle part du constat que le système actuel du first-past-the-post n’est pas juste électoralement. Il a régulièrement produit des 60-0, alors que 25 à 30 % de l’électorat avait voté pour d’autres partis ou alliances, sans qu’ils obtiennent une représentation adéquate au Parlement. Y compris lors des dernières élections, où le MSM, avec 27 % de l’électorat, s’est retrouvé avec deux élus par Best Loser. Avec une représentation proportionnelle intégrale, le MSM aurait eu environ 16 députés. »

 

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