L’observateur politique, Jean-Claude de l’Estrac fait le tour d’horizon de plusieurs sujets d’actualité. Il commente aussi le Primeministership de Pravind Jugnauth, qui, selon lui, doit capitaliser sur les réussites de son père, tout en s’offrant un droit d’inventaire pour proposer sa propre marque.
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Vous revenez dans l’actualité là où l’on ne vous attendez pas, la presse annonce que vous êtes le CEO de la Port-Louis Development Initiative, c’est quoi ce projet ?
Un fabuleux retour aux sources ! L’occasion m’est offerte de contribuer à un ambitieux projet de régénération de la ville de Port-Louis dont la mort avait été programmée. Il se trouve que plusieurs projets d’envergure, portés tant par le secteur public que le secteur privé, vont se réaliser à Port- Louis au cours des prochaines années. Des investissements qui se comptent par milliards de roupies. Il est apparu à tous, à l’État, au gouvernement local, aux opérateurs privés, aux amoureux du patrimoine portlouisien, que cela nécessite une harmonisation des stratégies pour le plus grand bien des résidents et des visiteurs. D’où l’idée d’une plate-forme stratégique pour coordonner le tout.
Je dois sans doute à mon passé de maire, à mon expérience, tant dans l’administration publique que dans le secteur privé, la chance de participer à cette belle aventure.
Cela ne vous empêche pas de continuer à vous intéresser à la vie politique nationale, la succession de scandales ne ternit-elle pas l’image de Port-Louis et du pays ?
Sans doute ! Mais au risque d’apparaître cynique, je vous rappellerais que le pays a connu pire. Ce n’est pas une consolation ou une justification, mais cela invite à une certaine modération.
À quoi attribuez-vous l’exposition de tous ces scandales ?
Paradoxalement à la vitalité de nos institutions ! La presse écrite est totalement dans son rôle de contre-pouvoir même si elle peut manquer parfois de rigueur, le judiciaire conserve sa réputation d’indépendance, le Parlement reste un forum de dénonciations des dérives, la preuve : le dernier rapport du directeur de l’Audit.
Y-a-t-il plus de scandales en raison d’un laisser-aller ?
Il y a certainement plus d’occasions de malversations dans un pays qui s’enrichit, mais toute proportion gardée, je ne suis pas prêt à dire qu’il y a aujourd’hui plus de laisser-aller. Aller jeter un coup d’œil sur les rapports de l’Audit des années 70- 80 ! Ce qui est grave, c’est que nous ne corrigeons pas nos travers.
Pensez-vous que les allocations de l’ancienne directrice du Trust Fund for Specialised Medical Care étaient justifiées ?
Je ne peux pas le dire, parce que je ne connais pas ses compétences. Moi, ce qui me trouble dans l’affaire, ce n’est pas tant sa rémunération que le mode de sa sélection. Je peux comprendre que les gens soient choqués par le montant de ses salaires, mais en vérité le problème est ailleurs : est-ce qu’elle les mérite ?
Pensez-vous que le nouveau ministre de la Santé a lâché son prédécesseur Anil Gayan, membre du même parti que lui, après avoir eu le soutien du Premier ministre ?
Je ne suis pas dans le secret des dieux, et moins encore dans la connaissance des stratégies politiciennes qui s’élaborent déjà dans la perspective des prochaines législatives, mais je ne vois pas comment le nouveau ministre de la Santé aurait pu manquer à l’obligation de transparence au Parlement.
Mais ne se met-il pas en porte-à-faux avec les dirigeants de son parti, le Muvman libérateur (ML) ?
Peut-être, mais il n’a fait que son devoir. Je trouve votre question indécente ! Êtes-vous en train de suggérer que le ministre, au Parlement, aurait dû couvrir son collègue pour ne pas être en porte-à- faux, comme vous dites, avec les dirigeants de son parti ?
Fort de votre expérience politique, y a-t-il, selon vous, un risque que l’affaire Sumputh provoque des frictions entre le ML et le Mouvement socialiste militant (MSM)?
Ce n’est pas comme cela que les choses se déterminent en politique. Tout est rapport de forces. Tant que le MSM estime avoir besoin du soutien du ML, il se verra contraint de gérer des éventuels désaccords. Il pourrait changer de posture le jour où il aura une option. Sa préoccupation principale, c’est bien sûr de conserver le pouvoir.
N’est-il pas temps pour le gouvernement de venir de l’avant avec une loi qui interdit le recrutement des membres et autres agents politiques pour certains postes dans les corps paraétatiques ?
Ce serait une mesure extrême qui pénaliserait ceux qui militent au sein des partis politiques. C’est injuste. En revanche, ce qu’il convient de faire, c’est d’appliquer des règles strictes de méritocratie gérées par une institution indépendante qui échappe à l’influence des gouvernants. C’est même dans l’intérêt des politiques eux-mêmes, à chaque fois qu’ils font un passe-droit pour favoriser un proche, ils font cent insatisfaits.
Comment voyez-vous le Primeministership de Pravind Jugnauth, comment diffère-t-il de sir Anerood ?
Donnons-lui du temps ! Je l’ai souvent dit, moi je n’ai pas de problème quant à sa légitimité. À partir du moment où il contrôle le parti qui dispose d’une majorité au Parlement, il n’est pas contestable. Maintenant, l’enjeu pour lui c’est de capitaliser sur les réussites passées du père en s’offrant un droit d’inventaire pour proposer sa propre marque. C’est une opération délicate à mener par des experts en communication de haut vol. Ce n’est pas qu’une affaire personnelle, il s agit aussi de l’image du pays.
Quels sont les points forts et les points faibles de ce gouvernement ?
Ce n’est pas encore le temps de l’audit. Mais si vous m’imposez impérativement une réponse, je vous dirai que la grande force de ce gouvernement, c’est, pour le moment, la faiblesse et la division de ses adversaires. Mais il aurait tort de croire que cela va durer.
Sa faiblesse, mais alors incommensurable, c’est la communication. Même quand il a de beaux projets, il ne sait pas comment les valoriser, desservi en plus par la médiocrité incurable de la MBC-TV.
Xavier-Luc Duval, le nouveau leader de l’Opposition a posé sa première PNQ. A-t-il été percutant ?
On ne va pas le juger que sur une seule question. Nous verrons dans les semaines à venir. Mais pour un opposant qui hier encore était partie prenante des actions qu’il dénonce aujourd’hui, il se démarque pas mal. Plus le temps passera, plus il devrait gagner en autorité.
Ce n’est pas une mince affaire pour Paul Bérenger d’être un simple député au Parlement, n’est-ce pas ?
Je ne crois pas que ce soit son souci principal. La question de fond pour le Mouvement militant mauricien c’est de déterminer dans qu’elle configuration se présentera-t-il aux prochaines législatives. Il a épuisé tous les cas de figure avec un résultat final désastreux pour son image. Pour Bérenger, personnellement, la question est angoissante parce qu’il va s’agir de s’interroger sur son héritage politique.
Quel est l’avenir du Parti travailliste avec Navin Ramgoolam comme leader ?
L’avenir du Parti travailliste se joue dans les prétoires. En quelque sorte, ce sont des juges qui décideront si Ramgoolam a un avenir. Entre-temps, le parti s’est mis en mode attente pour le grand bonheur du MSM.
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