Interview

Jean Christophe Cluzeau : «Le marché demande à être mieux régulé»

Professionnel de l’assurance avec plus de 25 ans d’expérience, le nouveau Head of General Insurance fait le point sur le secteur de l’assurance-automobile dans le pays. Jean Christophe Cluzeau estime que la situation sur les routes à Maurice prend des proportions alarmantes. Il mise sur une prévention poussée auprès de la population.

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Quelle est votre analyse du secteur de l’assurance générale ?
Le secteur de l’assurance est assez paradoxal. Le pays compte 1,3 million d’habitants. Maurice dispose d’un marché qui est mature au niveau de l’assurance-automobile, c’est-à-dire un marché équipé et majoritairement de reprise à la concurrence. Par contre d’autres pans de l’assurance générale sont en revanche bien moins développés. C’est par exemple le cas de l’assurance habitation où il y a pas mal d’opportunités. On souhaite dès lors conscientiser les Mauriciens sur les risques potentiels et sur l’importance pour eux et leur famille d’avoir une couverture d’assurance adéquate.

Comment définissez-vous l’assurance habitation ?
L’assurance habitation est l’assurance qui permet de protéger l’habitation de sinistres tels que l’incendie, les dégâts causés par les eaux, le vol, mais aussi de couvrir la responsabilité civile des personnes vivant dans l’habitation pour les actes de leur vie privée. Très souvent, le Mauricien prend une telle couverture uniquement pour obtenir des facilités des institutions financières. Il est très important de comprendre que l’assureur est là pour aider ses clients en cas de sinistre, mais pas uniquement.

Nous avons aussi un rôle très important à jouer en termes de prévention. À la Mauritius Union Assurance (MUA) nous souhaitions avoir un rôle de conseil auprès de nos assurés. Nous devons être un véritable partenaire capable d’accompagner nos clients tout au long de leur vie. Ce travail est tout aussi important pour les entreprises qu’on accompagne. Les petites et les moyennes entreprises n’ont souvent pas le temps ou l’expérience pour bien cerner les risques dans leur quotidien. C’est à l’assureur de leur faire prendre conscience et de les conseiller bien avant des sinistres potentiels.

Mauritius Union est leader du marché de l’assurance-automobile, avec 26 % de parts. Est-ce que ce segment est en bonne santé ?
C’est un marché compliqué. À Maurice, on retrouve 13 sociétés offrant des produits liés à l’assurance-automobile. Le marché est donc très saturé. Il demanderait à être plus et mieux régulé, et à être moins dérogatoire. Les mêmes règles doivent s’appliquer à tout le monde, il ne peut y avoir deux poids deux mesures au risque de distordre la concurrence.

Peut-on affirmer aujourd’hui que les lois régissant le secteur assurance à Maurice sont d’un niveau international ?
Les lois sont en place. Nous sommes meilleurs que certains pays, mais il y en a de plus avancé que nous. La Financial Services Commission qui est notre régulateur fait son travail mais certains systèmes dérogatoires mis en place devraient très clairement cesser d’exister. Nous avons encore quelques « trous dans la raquette ».

“Faire comprendre aux gens que l’accident n’est pas une fatalité et qu’il existe des moyens de l’éviter.”

À lundi 19 décembre, le nombre de morts sur nos routes est passé à 139. En tant qu’assureur, craignez-vous pour la profitabilité de votre business ?
Je ne crains pas pour les affaires. Mon souci majeur est d’éviter les pertes humaines sur nos routes. La sécurité routière avant tout. Mauritius Union a un engagement très fort dans la sécurité routière. On participe beaucoup à l’exercice de réflexion sur une loi-cadre en 2017, avec le conseiller du ministère des Infrastructures publiques, Daniel Raymond. Notre rôle est important dans ce schéma. En tant qu’assureur-préventeur, nous sommes tenus de faire partie de ce processus et d’éviter le « massacre ». 139 morts pour une population de 1,3 million d’habitants, c’est énorme. Nous allons continuer avec nos campagnes de prévention et de conscientisation sur la sécurité routière.

Est-ce que le problème ne viendrait pas du fait qu’il y a trop de véhicules sur nos routes ?
Avec presque 500 000 véhicules, la densité routière est trop élevée. Cela se mesure par rapport au réseau routier. À Maurice, ce sont 2 000 kilomètres de routes ce qui représente 250 véhicules par kilomètre. C’est énorme. À titre d’exemple, en France et en Belgique, la moyenne est de moins de 50. Dans un tel contexte, il est important de mettre aussi l’accent sur l’aspect éducatif : expliquer aux Mauriciens dès leur plus jeune âge comment se comporter sur la route en tant que motocycliste, conducteur et piéton. Je tiens beaucoup à la prévention. La route est un lieu dangereux, mais c’est un lieu de vie où différents usagers se côtoient quotidiennement. Chacun doit s’adapter aux conditions de circulation des uns et des autres. Ce doit être un lieu de respect mutuel.

La prévention ne devrait-elle pas être incluse dans la législation ?
Je ne pense pas que ce soit du domaine légal. La loi est là pour définir le cadre. Et si elle est respectée, elle permettra de diminuer les risques mais sans les supprimer totalement. La prévention est là pour faire prendre conscience, pour éduquer, pour permettre de prendre toutes les mesures nécessaires pour minimiser au maximum les risques. La prévention fait partie intégrante de notre métier. C’est une grande cause indissociable de notre responsabilité sociétale. Même si le risque zéro n’existe pas, notre rôle est de faire comprendre aux gens que l’accident n’est pas une fatalité et qu’il existe des moyens de l’éviter. Vous l’aurez je crois ,compris, je suis très attaché à cette notion de prévention qui est pour moi une partie de l’avenir des assureurs.

 

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