C’est un avocat atypique qui a été élu par ses pairs à la présidence du Bar Council, la semaine dernière. Jacques Tsang Mang Kin est aussi membre du Mouvement Authentique Mauricien. Connu comme un bretteur sans compromission, il souhaite redynamiser le conseil de l’ordre du barreau.
Depuis 1979, lorsqu’il a été assermenté au Barreau mauricien, il n’a plus quitté l’étude située au Bahemia Building, à Port-Louis, à cinq minutes des cours de justice de la capitale. « J’ai une reconnaissance éternelle pour Areff Bahemia, le propriétaire des lieux. Il m’a toujours laissé travailler en paix », reconnaît Jacques Tsang Mang Kin, 63 ans et père de cinq enfants. Dans son bureau, les dossiers sont empilés un peu partout. Le maitre des lieux nous exhibe un cahier d’écolier contenant des leçons d’hindi. « Mes profs d’hindi sont toujours vivants, ils m’accueillent toujours pour une tasse de thé ou des gâteaux », confie-t-il.
Originaire du Ward 1V, au sein d’une famille de douze enfants – il est le dixième – Jacques Tsang Mang Kin a fait ses études secondaires successivement aux collèges Royal de Curepipe et de Port-Louis. « À Curepipe, il fallait payer. J’ai passé un examen pour obtenir une bourse et j’ai été admis au Collège Royal de Port-Louis », raconte-t-il. Au cœur de la capitale, la famille Tsang Mang Kin est très modeste, vivant des seuls revenus du père, qui est livreur de vins pour la société Oxenham. Après le secondaire, il s’envole pour l’Angleterre, où sa sœur ainée, qui y réside, ainsi que le reste de la famille, contribuent à payer ses études en économie et politique à la London School of Economics.
Dans la marmite politique
Après l’obtention de sa licence, il s’oriente vers les études de droit au Lincoln’s Inn, qu’il termine en deux années au lieu de trois. « Le Council of Legal Education mettait fin à une pratique qui permettait d’écourter les années d’étude sous certaines conditions ». À Londres, lorsque l’argent vient à en manquer, il n’hésite pas à faire les petits boulots manuels. De retour à Maurice en 1979, il s’installe dans l’immeuble Bahemia, dans le bureau occupé alors par l’avouée Mohabeer. « C’est elle qui m’a aidé à démarrer. J’avais des découverts bancaires, il fallait rembourser la banque tous les mois. »
Que ce soit Melle Mohabeer, aujourd’hui disparue, ou Areff Bahemia, poursuit l’homme de loi, « ils m’ont tous aidé dans l’exercice de mon travail. Grâce à eux, je me suis marié, j’ai fondé une famille et mes enfants ont fait des études supérieures. Il faut toujours avoir de la gratitude pour les personnes qui vous ont aidé. » Plus tard, et par amitié pour Eliezer François, ex-ministre, il cofonde le Mouvement Authentique Mauricien (MAM), après une incursion au sein du MMM. Par la suite, son engagement se mue en une véritable cause qui l’emmène à participer à différentes élections.
Tremplin
« À MAM, mon engagement est sincère. Je suis au service des sans-voix, des sans-droits, ceux qui sont véritablement exclus, du système éducatif, de notre économie, bref de notre société. Les réalités de la pauvreté, je les connais, et dans mes relations, on trouve toutes les communautés. Et puis, je ne cours pas après l’enrichissement, je ne veux pas économiser pour dix générations, comme le font certains. Mes enfants, eux, doivent éprouver le sens de l’effort », dit-il.
Jacques Tsang Mang Kin reconnaît que le prétoire est un bon tremplin pour une carrière en politique, car les deux exigent un talent oratoire et la connaissance générale. « J’ai toujours cherché à comprendre mon monde. C’est ce qui expliquait mon souhait d’apprendre l’hindi. Aujourd’hui, encore, je m’intéresse aux sciences, à l’économie, au monde de la finance, à la philosophie. » Au Bar Council, il faudra sans doute compter sur cet avocat connu pour son franc-parler et capable de secouer le cocotier. « Je ne vais pas pour y faire la révolution, nuance-t-il, mais depuis ces derniers temps, je me sens interpellé par les secousses dans le Barreau. »
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