L’ancien recteur du Collège du Saint-Esprit revient sur la polémique concernant le taux de présence requis au School Certificate et au Higher School Certificate. Selon lui, cette mesure a grandement aider à faire baisser le taux d’absentéisme dans les collèges. Il parle également de l’importance d’une éducation de qualité.
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La décision d’exiger cinq credits pour passer en Lower VI est la polémique de la semaine. L’Éducation assure qu’il s’agit d’un moyen de rehausser le niveau. Cela va-t-il réussir ?
Je me suis posé la question. Pourquoi pas quatre credits, par exemple ? C’était ce que demandait la PSSA à l’époque. Mais il est convaincu que trois credits permettaient à plus d’enfants de réussir. Mais la qualité des résultats laisse à désirer. Certains élèves éprouvent beaucoup de mal car entre la Form V et la Form VI, il y a un fossé. Ceux ayant eu un 5 ou un 6 en Anglais, par exemple, peuvent choisir l’Anglais comme matière principale en Form VI. Mais l’Anglais comme matière principale, ce sont huit textes de littérature ! On a vu aussi des combinaisons les plus farfelues, qui ne se rapportent à aucun corps de métier. Je crois qu’on a une mauvaise conception du monde du travail. On pense trop souvent que seuls les résultats du HSC comptent alors que dans beaucoup de cas, les résultats du SC peuvent faire pencher la balance. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut rehausser le niveau de l’éducation. Et cela passe par une hausse du nombre de credits nécessaires pour être admis en Form VI.
Quand on veut rehausser le niveau, on s’y prend à la base normalement…
C’est ce qui est en train d’être fait, je crois. Dès les premières années, l’enfant doit pouvoir refaire une classe. Par le passé, il y avait des remedial classes au niveau de la Form III ou la Form IV. Les anciens du Collège du Saint-Esprit se rappeleront la fameuse IV D. Ceux qui passaient par cette classe en ressortaient avec un meilleur bagage académique. Il s’agissait d’un groupe restreint et on y assignait des enseignants avec une pédagogie et une expérience confirmées.
L’autre décision qui fait polémique concerne les certificats que le MES refuse de remettre à ceux qui n’ont pas payé les frais d’examens. Quand on juxtapose avec la polémique sur le taux de présence l’année dernière, diriez-vous que dans l’éducation, on prend des décisions abruptes sans communiquer comme il se doit ?
Il y a certainement un gros problème de communication. Depuis le départ, chacun se renvoie la balle. Certains ont aussi politisé le débat. Dans le cas du taux de présence, on a réussi à noyer le poisson, tout le monde a oublié le vrai débat. Il s’agissait de combattre l’absentéisme au collège. Tout est parti de là. Tout le monde criait haut et fort qu’il fallait trouver une solution. On a essayé plusieurs choses par le passé qui n’ont pas marché. Je crois qu’en grande partie grâce à cette mesure, les enfants aujourd’hui montrent plus d’intérêt à être présents.
Le ministère travaille justement sur un curriculum destiné aux élèves en difficulté pour remplace la filière Prevoc. Est-ce une bonne chose ?
Dans nos écoles, il faut un éventail de sujets plus axés sur le côté technique et le monde du travail. Notre système reste très académique et nous aurions pu former nos élèves à affronter le monde préprofessionnel un peu plus tôt, avec des écoles spécialisées. On a essayé certaines méthodes ces derniers temps, mais cela reste très superficiel. Le HSC Pro a été introduit, mais on n’en entend plus trop parler. Très peu d’élèves optent pour le HSC Pro qui demeure très académique. C’est un nouveau coup d’épée dans l’eau. Pour le Prevoc, certains collèges ont abandonné le modèle de manière abrupte. Ces élèves passaient trois ans dans les collèges avant d’être envoyés au MITD à temps partiel, dégoutés du système scolaire.
Quelle serait la formule idéale pour s’orienter vers cette éducation préprofessionnelle ?
On va essayer le concept Nine-Year Schooling qui semble vouloir orienter les élèves vers de nouvelles matières. Mais là encore, il y a beaucoup de choses qui restent floues. On a lancé l’entrepreneurship, etc., mais c’est encore à l’état embryonnaire. Le syllabus lui-même n’est pas encore bien défini. Dans l’éducation, les réformes ne peuvent être révolutionnaires, elles doivent être graduelles.
Vous étiez à la tête d’un collège confessionnel avec des élèves de niveaux différents qui correspondaient au mixed-ability pratiqué par ces collèges. Est-ce que cela marche ?
Oui ! Il ne faut pas oublier que ces élèves avaient au minimum 15 aggregates. Pour la rentrée 2018, il ne sera pas question d’aggregates. Il y aura des élèves en deçà des critères d’admission. Cela risque surtout de poser un problème aux profs qui n’ont pas été assez formés.
Vous avez parlé de l’importance de la formation préprofessionnelle, qui semble être le nouveau dada du ministère de l’Éducation qui rehausse les critères d’entrée des universités pour encourager les élèves à opter pour les centres polytechniques. Cette politique vous semble-t-elle cohérente ?
Il faut une politique d’ensemble. En ce moment, nous avons beaucoup de « vœux pieux ». J’espère qu’il ne s’agit pas que d’effets d’annonce. Si on rehausse le niveau pour les universités, il faut bien qu’il y ait des écoles appropriées pour attirer ceux qui n’ont aucune formation académique et les orienter vers un métier. C’est pourquoi les nouvelles matières, comme Travel & Tourism ou Marine Science, trouvent leur justification.
Trois centres polytechniques, à Réduit, Montagne-Blanche et Pamplemousses, seraient-ils suffisants pour marcher sur les pas de l’Allemagne et du Singapour, cités en exemple de formation technique ?
Il faut que ce soit des centres axés sur les ressources et les besoins du pays. Il ne faudrait pas se contenter de copier Singapour ou une autre nation qui ont d’autres priorités. Il ne faut pas que ces centres soient géographiquement questionable. Il faut que tout le monde puisse facilement y avoir accès.
Il faut savoir pourquoi il y a cette appréhension. Est-ce par rapport au nombre d’élèves qui va diminuer ? Ce qui va donc réduire le grant de la PSSA… Ne faudrait-il pas plutôt mettre l’enfant au centre de nos intérêts et ne pas réfléchir de manière trop égoïste ?
Certains de ceux qui critiquent le changement des critères s’étaient prononcés contre le passage à trois credits à l’époque. Est-ce de la pure démagogie de leur part ?
Le souci, pour beaucoup, c’est d’assurer leur survie. On songe à comment rester dans le jeu. Il y a toujours eu l’appréhension que certaines institutions vont disparaître à chaque changement. Il ne faut pas oublier la contribution de ces institutions à l’époque où l’État n’en avait pas assez. Cela dit, les écoles doivent se remettre en question. Il ne faut pas oublier le teacher : pupil ratio. Nous avons des classes de 35-40 élèves. Il faut diminuer le nombre d’élèves par classe et cela réduirait les appréhensions quant à la réduction du personnel.
L’élimination des examens en fin de cycle primaire rappelle le modèle scandinave qui l’a appliquée à tous les niveaux. Est-ce un premier pas dans cette direction ?
Je ne sais pas si c’est le modèle scandinave qu’on veut copier. Outre l’école, il y a tout l’environnement parental et socio-économique. À Maurice, on a tendance à s’appuyer sur l’école uniquement. On oublie que beaucoup doit se faire au niveau de la maison. Il faut une sensibilisation des parents.
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