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Ivan Collendavelloo, n°4 du gouvernement : «Nous ne pouvons pas être tout le temps d’accord sur tout»

Le vice-Premier ministre et ministre de l’Énergie et des Services publics affirme qu’il n’y a pas de divergence fondamentale dans les rangs gouvernementaux. Il est toutefois évident, selon lui, que les partenaires de l’alliance ne peuvent être d’accord sur tous les sujets..

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Que pensez-vous du bras de fer entre le conseiller spécial aux Finances, Gérard Sanspeur, et Roshi Bhadain sur le projet Heritage City ?
Le projet Heritage City met en exergue deux principes de base de notre Constitution. Le premier est que les délibérations du Conseil des ministres sont sacrées et secrètes. Le second principe, c’est la responsabilité collective. Le Premier ministre nous a prodigué une belle leçon de solidarité collective lorsqu’il a expliqué, lors de son discours sur le Budget à l’Assemblée nationale cette semaine, comment, en dépit des divergences d’opinions, il s’est rangé du côté de la majorité. Sir Anerood est allé aussi loin qu’il le pouvait. Je m’arrête à ce point du débat. Je ne vais absolument pas commenter le projet Heritage City pour une raison très simple : le Conseil des ministres a décidé qu’il sera, comme l’a dit le ministre Roshi Bhadain, « stalled » (NdlR : suspendu). Je m’arrête à cette conclusion.

Vingt mois après sa victoire,  le gouvernement montre des signes d’essoufflement.
Il n’y a aucune divergence fondamentale entre les partenaires de l’alliance. Nous faisons notre travail comme une équipe soudée et solidaire. Bien évidemment, nous ne pouvons pas être tout le temps d’accord sur tout.

« Je ne suis pas entré en politique pour devenir populaire. »

Le député Bashir Jahangeer guette vos moindres faits et gestes. Il vous reproche même d’avoir lancé un appel d’offres taillé sur mesure pour les moteurs de la centrale St-Louis…
D’abord, le député Bashir Jahangeer est un backbencher de la majorité. Il ne fait que son travail. Il fait usage d’informations qu’il a obtenues. Pour les moteurs de St-Louis, il a parlé d’un appel d’offres taillé sur mesure mais ceux qui ont précisément contesté cet exercice, soit devant les tribunaux, soit devant l’Independent Review Panel, ont dû très vite réaliser que leur dossier était très faible. Il y a toujours matière à interprétations lorsqu’on parle de contrats pesant plusieurs milliards de roupies. Il y a heureusement des cours de justice qui sont là pour rétablir la vérité.

L’argent des contribuables va-t-il être emporté vers l’océan ? Quand la digue de Bagatelle va-t-elle s’effondrer ?
J’ai commandité des études sur plusieurs de nos digues pour m’assurer de leur solidité. J’aurai les rapports en temps et lieux. Je ne suis pas un expert en la matière mais je peux comprendre qu’une structure telle que la digue de La Ferme, qui date de 1910, ait besoin d’une remise à neuf. Cela implique évidemment des désagréments pour les habitants mais c’est un ouvrage qui doit être fait et que je considère comme une urgence. Des structures plus récentes, comme Bagatelle, situées près des zones commerciales et résidentielles devront également être examinées.

La digue de Bagatelle est déjà construite sur un site réputé poreux…
C’est une saga qui remonte à l’époque où Rashid Beebeejaun était ministre des Services publics. J’ai étudié le dossier. Un expert a souligné que le grouting (NdlR : travaux d’étanchéité) ne suffisait pas et a proposé la construction d’un cut-off wall. Ce cut-off wall a évidemment entraîné un surcoût. Nous sommes en litige avec le premier consultant pour n’avoir pas signalé la porosité du site. J’espère que nous arriverons à le régler très vite.

Les travaux additionnels ont fait doubler le coût du projet. Où se situent les responsabilités ? Je ne sais pas. Mais je sais que ce sont les contribuables mauriciens qui vont devoir en payer le prix. Le coût initial était de Rs 3,3 milliards. Il est passé à Rs 5,6 milliards et totalisera Rs 8,5 milliards avec la construction de la Water Treatment Plant.

La digue elle-même ne nous pose pas de problème, sauf au niveau des discussions qu’il peut y avoir entre client et constructeur. Le problème se situe au niveau de la Water Treatment Plant. Nous avons eu des retards causés par un litige en Cour suprême et le choix du constructeur a été agréé. Nous commençons bientôt les discussions et j’ai demandé qu’un consultant international soit recruté pour s’assurer de la bonne exécution du contrat.

Le gouvernement avait mis le métro léger au frigo aux lendemains des législatives et là, tout à coup, il est présenté sous un nouvel emballage. Est-ce que ce sera le cas pour Heritage City pour lequel des financements ont été sollicités auprès des Indiens et des Arabes ?
Je vous ai déjà parlé de Heritage City. Le débat est clos en ce qui me concerne. Pour ce qui est du métro léger, nous avons enterré le projet travailliste qui allait nous coûter Rs 25 milliards sans aucune retombée économique. N’oublions pas non plus que les travaillistes avaient voulu remplacer le métro-léger par des bus lanes.

Pendant cinq ans, Anil Bachoo a essayé de convaincre tout le monde que le projet de métro léger de l’alliance MSM-MMM qui allait coûter Rs 15 milliards était dangereux et qu’il fallait des bus à la place. Par la suite, Navin Ramgoolam part en voyage à Singapour, découvre le métro léger et en tombe amoureux. Il vient alors avec un projet de Rs 25 milliards. Nous y étions opposés. Même le MMM. Jusqu’à son mariage honteux avec les travaillistes.

Avec votre annonce d’une hausse du tarif de l’eau et les déclarations d’Anil Gayan sur la drogue synthétique, est-ce que vous ne seriez pas en train de vous transformer en ministres les moins populaires du gouvernement ?
Je ne suis pas entré en politique pour devenir populaire. Je n’ai pas besoin de statue ou de ruelle à mon nom. Je dois travailler pour la population et je pense que je le fais très bien.

En ce qu’il s’agit des déclarations d’Anil Gayan, c’est plutôt une guerre de syntaxe. Les organisations non gouvernementales, la police et lui-même sont réunis autour d’une même cause : la lutte contre la drogue. Anil Gayan a simplement dit que la situation par rapport à la drogue synthétique n’est pas aussi alarmante qu’on le prétend.

En ce qu’il s’agit du prix de l’eau, Maurice a un des tarifs les plus bas au monde. J’ai d’abord voulu soulager le petit peuple en lui assurant que s’il ne consomme que 6 mètres cubes d’eau, il n’aura rien à payer. Dans tous les cas de figure, le tarifs doit augmenter. La Central Water Authority (CWA) a des frais, elle doit rémunérer ses salariés. Qui doit payer ? Cela ne peut être que les bénéficiaires de ses services.

J’ai, par ailleurs, hérité de la CWA avec ses dettes de Rs 2 milliards et d’un système où les tuyaux n’étaient pas réparés. Rs 1 milliard ont été payées aux Singapouriens pour un travail, incluant 80 kilomètres de tuyaux, sans grand résultat.

En quoi consistait le travail des Singapouriens ?
Je ne dis pas que les Singapouriens n’ont rien fait de bon. Si c’est ce système qu’on veut perpétuer, qu’on le dise. Moi je ne pense pas qu’il soit correct. Par contre, il y a des groupes qui veulent investir leur argent et travailler en partenariat avec nous, à condition d’être rémunérés bien sûr.

Êtes-vous en train de faire référence à Veolia par hasard ?
Je parle de beaucoup de grands consortiums internationaux qui ont manifesté leur intérêt. Nous avons sollicité les conseils de la Banque mondiale et nous allons mettre sur papier le plan d’action de la CWA.

Cela ne va-t-il finalement pas coûter plus cher pour le consommateur ?
Il en aura pour son argent. Nous aurons un système qui, croyez-mois, sera habilement négocié. Je veillerai à sa bonne gestion. Aujourd’hui, le consommateur ne reçoit pas d’eau. Quand il la reçoit, il n’y a pas de pression. Il faut cinq jours pour réparer un tuyau. On est toujours à fouiller des tranchées. On paye des sommes faramineuses à des entrepreneurs et on ne voit pas les résultats. De grâce, adoptons un système qui fonctionne dans d’autres pays. Un appel d’offres international sera lancé. 

L’opposition avait évoqué un risque de délestage l’an dernier. Quelle est la situation par rapport au réseau électrique ?
Franchement, je crois que c’était un petit règlement de comptes entre Paul Bérenger et moi-même après les élections municipales. Même si la défaite a été lourde pour le MMM aux législatives, ce sont surtout les municipales qui l’ont profondément blessé. En voyant des bastions mauves s’effondrer au profit du Muvman Liberater, il a brandi le spectre du black-out.

Paul Bérenger prévoyait que Maurice serait dans le noir à la fin de 2017. À la veille de Divali, on a même voulu faire croire que le pays serait plongé dans le noir pour la fête. Il n’en a rien été. Tout ce qui a été raconté s’est avéré faux. Quand j’ai été nommé ministre, c’est vrai que la situation était inquiétante. J’ai donné des directives. Certes, une panne généralisée est possible et hors de notre contrôle.

Y a-t-il de nouvelles centrales prévues sous ce mandat ?
Nous avons surtout des centrales solaires. Nous tablons sur les énergies renouvelables. 10 000 personnes vulnérables auront la possibilité d’acquérir des kits photovoltaïques à 20 % du prix coûtant pour leur maison et bénéficieront d’un nombre de kilowatts gratuits. À part les moteurs de St-Louis, ceux de Fort-George fonctionneront au gaz naturel liquéfié. On en parle très peu mais c’est l’énergie du 21e siècle. Nous allons également l’utiliser pour le bunkering et le transport.

Paul Bérenger semble être de nouveau « on » vis-à-vis du MSM. Comment interprétez-vous son attitude ?
J’en suis très satisfait. Finalement, il est arrivé à reconnaître que j’avais raison sur toute la ligne. Quand je m’évertuais à lui faire comprendre que le MMM ne devait pas faire une croix sur le Remake 2000 ; quand j’ai claqué la porte lors de son mariage honteux avec Navin Ramgoolam ; quand il disait qu’il allait remporter les élections avec les travaillistes avec un 60-0 et qu’on distribuait les tickets et les postes d’ambassadeur ; quand il disait qu’il allait être Premier ministre et que j’affirmais le contraire… Aujourd’hui il se range à mon idée. Il blâme Navin Ramgoolam et vient admettre son erreur. Tant mieux pour le pays.

N’est-ce pas là une tentative de rapprochement ?
Probablement. Je peux comprendre qu’il regrette amèrement avoir cassé le Remake 2000 et qu’il veuille, après son passage au purgatoire, renouer les liens avec le MSM. C’est peut-être une bonne chose mais c’est, hélas, trop tard pour lui.

 

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