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Investisseurs étrangers : quelles perspectives?

Selon la BoM, les investissements directs bruts attendus pour 2024 s’élèvent à Rs 32,99 Md, en recul par rapport aux Rs 37,01 Md enregistrées en 2023.

Dans un contexte où les flux d’investissements directs étrangers reculent à l’échelle mondiale, le Budget 2025-26 introduit des mesures fiscales qui suscitent des interrogations. Face à une conjoncture internationale incertaine, les acteurs économiques s’interrogent sur la capacité du pays à rester attractif pour les capitaux étrangers, pris entre pression budgétaire, réformes fiscales et intensification de la concurrence.

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Face au ralentissement mondial des flux d’investissements directs étrangers (IDE), les choix budgétaires de Maurice pour l’exercice 2025-26 soulèvent des interrogations quant à leur impact à moyen terme. Tandis que la Banque mondiale alerte sur une tendance structurelle à la baisse des IDE vers les pays émergents, les mesures fiscales annoncées localement pourraient peser sur l’attractivité du pays auprès des investisseurs internationaux.

Le rapport de la Banque mondiale, récemment publié sous le titre « Foreign Direct Investment in Retreat – Policies to Turn the Tide », établit un constat clair. Depuis le pic de 2008, les flux d’IDE vers les économies émergentes et en développement (EMDE) se contractent. En 2023, ces économies ont reçu 435 milliards de dollars d’IDE, soit leur plus bas niveau depuis 2005. Cela représente aujourd’hui environ 2 % de leur PIB, contre près de 5 % en 2008. L’essentiel de ces flux est absorbé par une dizaine de grandes économies, laissant peu de place aux plus petits marchés, comme Maurice.

Dans ce contexte global peu favorable, Maurice, dont les flux d’IDE bruts ont chuté de Rs 37,01 milliards en 2023 à Rs 32,99 milliards estimés pour 2024 selon la Banque de Maurice, tente de repositionner son attractivité.

Parmi les mesures phares du Budget 2025-26 figure la Fair Share Contribution, une contribution imposée sur les revenus dépassant Rs 12 millions par an. Les mesures d’impositions visent à diversifier les sources de revenus de l’État et à financer les dépenses sociales et les investissements dans les infrastructures.

Mais cette initiative est accueillie avec prudence dans les milieux d’affaires. Samade Jhummun, spécialiste des services financiers, estime que la philosophie actuelle est orientée vers une taxation accrue des grandes fortunes, en parallèle avec la quête de développement de services de gestion de patrimoine à Maurice. Cependant, il pointe des contradictions dans cette approche. « Un investisseur étranger cherche un retour sur investissement raisonnable. Or, les dividendes sont désormais taxés, les charges courantes s’ajoutent, et la disponibilité de la main-d’œuvre reste un défi. Le pays perd en compétitivité face à des juridictions comme Dubaï », analyse-t-il.

Samade Jhummun note également une certaine instabilité fiscale. Selon lui, les changements récurrents de ces dernières années n’envoient pas de signal rassurant. Même si certaines mesures comme la Fair Share Contribution sont présentées comme temporaires, rien ne garantit qu’elles ne seront pas prolongées. De ce fait, Maurice est de moins en moins perçu comme une destination fiscalement avantageuse, ce qui pourrait dissuader certains investisseurs à long terme.

Arbitrage entre contraintes internes et attractivité externe

Rajiv Lutchmiah, économiste et fondateur de FinWise, invite à situer ce budget dans un contexte plus large. Il évoque les contraintes structurelles du pays ainsi que des facteurs exogènes – comme les tensions géopolitiques – qui compliquent la tâche des autorités. « Il y a eu une priorité donnée à la consommation ces dernières années. Le ministre tente de rééquilibrer en freinant cette tendance au profit de l’investissement », fait-il observer.

Cependant, il reconnaît que la Fair Share Contribution pourrait ralentir les investissements étrangers à court terme. « Ce n’est pas idéal, mais ce n’est pas inédit non plus. Le Royaume-Uni taxe également les hauts revenus. La manière dont le gouvernement parvient à envoyer un effet de signal positif est à suivre », avance l’économiste. 

De son côté, Ryan Allas, directeur général du département fiscal chez Rogers Capital, souligne l’importance de distinguer entre investissements locaux et IDE. Il rappelle que le Fair Share Contribution, s’il cible des revenus plus élevés que l’ancienne Solidarity Levy, peut malgré tout avoir des effets dissuasifs, notamment via la fiscalité sur les dividendes.

« Aujourd’hui, on parle d’une double imposition économique qui peut atteindre 35 %. Ce n’est pas commun dans d’autres centres financiers. Cela pourrait refroidir les investisseurs internationaux », avertit-il. Il suggère que les dividendes déjà exonérés d’impôts pour les sociétés locales devraient être exclus de cette nouvelle contribution, pour éviter un effet cumulatif.

Ryan Allas insiste aussi sur le besoin d’attirer des résidents étrangers qui souhaitent s’établir à Maurice pour développer des activités sous licence Global Business. « Ces individus apportent des devises, créent de la substance économique. Une taxation sur les dividendes n’est pas favorable à cette dynamique », ajoute-t-il. 

Des ajustements encore possibles ?

La question sous-jacente demeure celle de l’équilibre entre justice fiscale, contraintes budgétaires et attractivité économique. Si certains acteurs estiment que la direction prise par le Budget 2025-26 est une réponse nécessaire à une situation budgétaire complexe, d’autres appellent à davantage de clarté sur la temporalité et la portée des mesures fiscales.

Le défi pour les autorités sera de conserver un niveau suffisant de certitude réglementaire pour convaincre les investisseurs de long terme. Comme le rappelle la Banque mondiale dans son rapport, la prévisibilité des politiques publiques est un facteur clé pour inverser la tendance à la baisse des IDE vers les économies émergentes.

À plus long terme, le repositionnement stratégique de Maurice pourrait passer par une diversification sectorielle de l’IDE. Actuellement, selon la Banque de Maurice, l’essentiel des flux va toujours vers les projets immobiliers (IRS/RES/IHS/PDS/SCS1), suivis par les secteurs de l’hébergement, de la restauration et des services financiers. Cette concentration pourrait représenter un facteur de vulnérabilité.

Le Budget 2025-26 n’apporte pas, à ce stade, de signal clair en faveur d’une réorientation des investissements vers des secteurs innovants ou productifs. Dans un monde où les flux d’IDE se contractent et se concentrent, Maurice devra probablement aller au-delà des incitations fiscales pour capter l’attention des investisseurs.

  • Nou Lacaz

 

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