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Intelligence artificielle : les fake news risquent de pleuvoir en cette année électorale

Distinguer le vrai du faux est un défi pour les utilisateurs de réseaux sociaux.
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Les réseaux sociaux risquent d’être très animés durant cette année électorale. Ceux-ci pourraient entraîner la circulation de fausses vidéos générées par l’intelligence artificielle, dont l’intention est sans équivoque.

L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) à des fins électorales est très critiquée aux États-Unis. Elon Musk, qui a posté une fausse vidéo de Kamala Harris critiquant Joe Biden, l’a appris à ses dépens. Sur le plan local, une vidéo intitulée « Un chauffeur d’autobus en colère déchaîne sa rage sur une passagère », était en circulation sur TikTok. Celle-ci contiendrait une voix-off robotique générée par l’intelligence artificielle. L’approche des élections pourrait provoquer un déferlement d’images, d’audios et de vidéos sur les réseaux sociaux. Les vidéos ‘Viré Mam’ de 2014 étaient devenues virales. Cependant, nul ne serait à l’abri de fake news ou de désinformation, notamment ceux engagés politiquement.  

Un expert en informatique met en garde contre le fait que générer des fausses vidéos deviendra plus fréquent au fur et à mesure que les élections se rapprochent. « Les outils informatiques et technologiques sont à la portée de tout le monde. Nul besoin d’être un expert pour utiliser l’intelligence artificielle générative », fait-il comprendre.

Fadya Nazirkhan, consultante et chargée de cours en communication, constate que des équipes de communication travaillent avec les différents partis politiques. Des contenus sont générés sur les réseaux sociaux. « Certains tendent à ridiculiser les adversaires politiques. Il y a aussi l’aspect ‘politainment’ », argue-t-elle.    

Jugement subtil 

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Fadya Nazirkhan, consultante et chargée de cours en communication.

Hormis les méthodes traditionnelles pour espérer séduire le plus grand nombre, les partis politiques misent également sur les réseaux sociaux pour tenter de titiller l’électorat. Fadya Nazirkhan soutient que les électeurs sont sur les réseaux sociaux. L’intelligence artificielle peut être, dit-elle, un puissant outil dans une campagne électorale, aussi bien à bon escient, qu’à intentions malveillantes. « La collecte de données et le suivi sont facilités par l’IA. Parallèlement, l’IA peut tout aussi permettre de détruire la réputation d’un adversaire politique via des images, audios ou vidéos fausses », avance-t-elle.  

Selon l’expert en informatique, le contexte électoral favorise les coups bas des politiciens à leurs adversaires. Et, fait-il comprendre, la question d’éthique est secondaire pour les informaticiens voyant le contexte comme une aubaine pour se faire de l’argent. D’ailleurs, la pratique de poster une fake news se fait en toute quiétude puisque des techniques permettent de contourner les adresses IP. « Certains logiciels de ‘pay as you go’ sont de très haute qualité. L’expertise se vend comme un service. Il est difficile de remonter à la source d’une publication d’une fausse audio ou fausse vidéo dans certains cas », argumente l’expert en informatique.  

Il reviendra aux consommateurs d’information sur les réseaux sociaux de juger la véracité de ce qu’ils consomment. Or, Fadya Nazirkhan, s’inquiète du fait que certains commentaires de fake news sur les réseaux sociaux laissent prétendre que certains citoyens lambda ne sont pas suffisamment « media literate ». « On ne prend plus le temps de vérifier les informations avant de circuler sur les réseaux sociaux », déplore-t-elle. 

Pour sa part, l’expert en informatique est d’avis que le bon sens des récepteurs de fake news doit primer. Toutefois, réalise-t-il, ce sera difficile pour le citoyen lambda de faire la distinction entre une fausseté et une vérité si une fake video est très bien faite.        

Par ailleurs, l’intelligence artificielle pourrait également faire office de bouclier pour ceux qui vont tenter de se tirer d’affaires face à des situations d’ambigüités. En cette année électorale, ceux qui volontairement prononcent des propos réprimandables dans des réunions privées pourraient prétexter l’utilisation de fausses vidéos ou audios dans l’éventualité que le contenu débarque sur la place publique. 

L’avocat Ashok Radhakissoon considère que c’est la beauté et la laideur de l’IA. Cependant, fait-il observer, des techniques peuvent permettre de distinguer le vrai du faux. « Ce sera à la personne concernée de prouver le contraire. Entre l’original et la copie, la ligne peut être fine », conclut-il.

Que prévoit la loi ?

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Ashok Radhakissoon, avocat.

La victime devra faire une déposition au Central Crime Investigation Department (CCID). L’IT Unit de la police se chargera de déterminer et localiser la source de la publication de l’élément mis en cause. « À Maurice, il y a tous les recours voulus selon la loi. Une fois l’enquête terminée, interviendra la phase de répression. Le coupable pourrait être condamné au pénal et poursuivi pour dommages et intérêts », explique l’avocat Ashok Radhakissoon. La source est importante pour statuer quelle loi sera applicable tenant compte de la juridiction en question. Si la source se situe dans une autre juridiction que Maurice, la victime peut s’y rendre pour faire une déposition. La fake news, poursuit l’avocat, est un raffinement de ce que prévoit la Section 46 de l’ICT Act, soit des préjudices causés par un message faux ou frauduleux. 

Marc Israel, ingénieur en Robotique et IA : «Les gens prêtent plus attention à quelque chose de scandaleux qu’à la vérité»

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Elon Musk a partagé une vidéo truquée qui critique Joe Biden et contient la voix de Kamala Harris sur son réseau social X. Plus près de nous, un chauffeur prévoit de porter plainte à propos d’une fake vidéo qui contient sa photo et le logo du Défi Media Group. Avec les prochaines élections à Maurice, est-ce que générer de fausses vidéos deviendra inévitable ?
Malheureusement, cela va devenir inévitable. Il est clair que les fake videos sont problématiques.

L’intelligence artificielle est un outil qui peut être puissant et détruire des adversaires politiques ?
Les adversaires politiques se sont toujours détruits les uns et les autres à coups de désinformation et de fausses nouvelles. Les gens prêtent plus attention à quelque chose de scandaleux qu’à la vérité. La possibilité de fabriquer de toutes pièces une vidéo, un document ou une photo qui semble authentique pose de véritables problèmes d’éthique concernant les outils. Cela a le pouvoir de détruire une réputation.

Un citoyen lambda peut-il distinguer le vrai du faux concernant les vidéos en circulation sur les réseaux sociaux ?
La première chose que j’aurais tendance à dire, c’est de ne plus rien croire et de tout vérifier. C’est basique, mais nous sommes aujourd’hui dans un monde où l’on n’est pas certain que ce que l’on voit est vrai. Plus une nouvelle est outrancière, plus elle a des chances d’être fausse quelque part. Il est important d’appliquer l’esprit critique. Au-delà de la politique, cela pose un problème aux éditeurs de logiciels. Il y a tout un débat aujourd’hui sur la capacité à marquer avec des marqueurs invisibles ce genre de vidéos, photos ou textes, afin de détecter leur véracité avec d’autres outils. Il est évident que nous sommes entrés dans un monde post-vérité.

Faut-il légiférer pour sanctionner toutes intentions malveillantes via la publication de fake videos ?
Il faut une loi ne serait-ce que sur le marquage de ces vidéos. Une vidéo ou un document fait par l’intelligence artificielle peut juridiquement être prouvé. On a les moyens techniques de le faire aujourd’hui. Il y a une loi en préparation à Maurice. C’est clair qu’il faudra légiférer, comme l’a fait l’Europe avec l’AI Act. Même si cela ne va pas toujours dans le bon sens par rapport à la liberté et la capacité à innover, à un moment donné, il va falloir mettre des barrières pour éviter les dérives que l’on voit aujourd’hui. 

Est-ce que le contexte électoral est le pain béni pour les informaticiens véreux ?
Quid des élections ? Elles sont par définition polarisantes. Deux politiciens de bords opposés vont forcément s’étriper et être violents dans leurs propos l’un envers l’autre. Si l’on a la capacité d’amplifier cette caisse de résonance, c’est fabuleux. Au-delà des fausses images et vidéos, je suis plus préoccupé par l’amplification de ce genre de messages, qui enferme les gens dans une manière de penser. C’est ce qu’on appelle le biais de confirmation et cela risque de noyer le discours politique. Nous avons besoin de politique, de pouvoir et de gouvernement. C’est dommage de se polariser sur les extrêmes sans mettre l’accent sur le projet politique porté et sans pouvoir articuler un véritable programme.

 

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