Souvent dans l’ombre des grandes entreprises, de nombreuses Petites et moyennes entreprises (PMEs) se retrouvent en difficulté. Le manque de financement, la saturation du marché sont autant de facteurs qui les conduisent vers la suppression d’emplois ou encore la cessation de leurs activités.
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«Je voulais apporter quelque chose d’innovant sur le marché mauricien et me faire un nom dans le monde des entrepreneurs. Or, c’est le désarroi total que je ressens ». Propos désabusés de Bianca Agathe, âgée de 26 ans et mere d’un enfant de trois ans.
Il y a un an, elle décide de se lancer dans l’entrepreunariat. Pour elle, il est préférable de travailler à son propre compte pour réussir dans la vie. Très enthousiaste de son projet d’offrir des services de santé et de bien-être, elle soumet un business plan à la SMEDA. Il s’agissait pour elle d’acheter des appareils qui entrainent une amelioration de la microcirculation. En effet, nous le savons tous que toutes les performances physiques et intellectuelles, les processus de guérison ainsi et un grand nombre de maladies sont directement liés à la microcirculation.
« Quand j’ai approché la SMEDA pour l’obtention d’un prêt, on m’a fait comprendre que je devais commencer avec mes ressources propres et par la suite je pourrais soumettre une demande. Effectivement, j’ai emprunté environ Rs 300 000 de mes proches pour me lancer dans les affaires ».
Les choses prennent une autre tournure quand Bianca Agathe décide de frapper une nouvelle fois à la porte des institutions dédiées pour obtenir un prêt. « J’ai été choquée quand on m’a informée qu’on avait excédé la somme allouée pour le secteur de la santé et de surcroit, il m’a été dit que la santé n’entre dans aucun critère requis. Pourtant, j’avais tout ce qu’on me demandait pour obtenir ce prêt. J’étais prête à hypothéquer un terrain. Quand j’ai démarré mon business, on ne m’a jamais dit que j’allais avoir autant de difficultés. On m’a fait tourner en rond et aujourd’hui, je suis découragée à un tel point que je ne sais plus quoi faire car je sais que d’autres sont passees devant moi avec moins de garantie… »
Et d’ajouter qu’elle compte rechercher des sponsors pour l’aider à remonter la pente. « Je travaille sur rendez-vous. Heureusement, je n’ai aucun salaire à payer à la fin du mois. C’est triste que les autorités concernées n’encouragent pas les entrepreneurs à aller de l’avant. Je serais obligée de me tourner vers les pays étrangers qui seront sans doute intéressés par mes services ». Pourtant le budget 2016-2017 prévoit des mesures plutôt alléchantes pour les Petites et Moyennes Entreprises (PMEs).
Toutefois, selon Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME, rien n’a été concrétisé jusqu’ici. Il explique qu’il n’y a pas de continuité dans l’action des trois différents ministres des Finances depuis que l’Alliance Lepep est au pouvoir. « Depuis 2016, plusieurs PME font face à d’énormes difficultés et cela pour plusieurs raisons. D’abord, la consommation a chuté drastiquement. Les exportations sont en régression, alors que les coûts des opérations ont grimpé. Il y a le recours à la main-d’œuvre étrangère et le secteur manufacturier connaît de grosses difficultés. Tout cela a un impact considérable sur le chiffre d’affaires des PME.»
Amar Deerpalsing affirme que les entrepreneurs sont dans le doute depuis quelque temps avec les instabilités que connait le pays. Selon ce dernier, les petits entrepreneurs sont encore plus ‘fragiles’ et ont encore plus de mal à faire face à la compétition. « Ces derniers peinent à obtenir un prêt et le fait qu’il n’y a plus de SME Bank ne rend pas les choses faciles. Parfois, même si les dossiers ont été approuvés, il y a eu beaucoup de déceptions et plusieurs entrepreneurs n’ont pu concrétiser leur projet.
À noter que la contribution des PME au produit intérieur brut (PIB) s’élève à 40%, mais il est dommage que toutes les conditions ne soient pas réunies pour que les entrepreneurs puissent étendre leur domaine d’activités respectif. Nous avons environ 125 000 PME à Maurice, mais il n’y a pas de ‘role model’ pour inciter les nouveaux entrepreneurs à intégrer ce marché.
De plus, il faut créer de l’espace pour laisser la place aux autres, c’est-à-dire, aider les entrepreneurs déjà en opération, afin qu’ils se diversifient pour éviter la saturation du marché.»Notre interlocuteur précise que les autorités auraient dû offrir des facilités aux entrepreneurs pour remédier à la situation, notamment concernant le chapitre du chômage à Maurice. « Il est temps de promouvoir l’entrepreunariat avec des mesures incitatives et non pas se contenter d’effets d’annonce. Le premier obstacle reste l’accès au capital et pour cela, il faut résoudre les problèmes des banques censées aider les PME. Au cas contraire, l’avenir de ces PME est très sombre », conclut Amar Deerpalsing.
Facilités offertes par la SMEDA
La Small and Medium Enterprise Development Authority (SMEDA) a été créée pour fonctionner en tant qu’organisme de formulation de politiques de pointe pour les PME. En effet, les critères d’éligibilité pour les SME Schemes sont les suivants :
- L’entreprise doit être constituée en une petite société en vertu de la loi sur les compagnies, ou en société coopérative, ou avoir présenté une Business Registration Card à partir du 2 juin 2015 sous la SMEDA Act. À noter que la valeur du projet ne doit pas dépasser Rs 20 millions et le chiffre d’affaires annuel prévu ne doit pas excéder Rs 50 millions. Aucun des actionnaires de la compagnie/des membres de la société coopérative ne doit détenir des actions dans une autre entité dont le chiffre d’affaires annuel dépasse Rs 50 millions.
- La société/société coopérative ou le particulier doit être impliqué dans l’un des secteurs prioritaires : ICT et services d’exportation, aquaculture, artisanat - fabriqué localement, l’agriculture biologique et autres entreprises agroalimentaires, l’hydroponique, l’apiculture, l’élevage d’animaux de ferme et d’oiseaux, entre autres.
- Un SME Development Scheme Certificate est accordé à une société ou à une société coopérative ou à une personne répondant aux critères d’éligibilité. Les titulaires dudit certificat sont éligibles à plusieurs facilités telles que la réduction de taxes sur le revenu pour les huit premières années. L’entrepreneur bénéficie d’une subvention spéciale pour la formation, le conseil, la gestion financière, l’étude de faisabilité et l’assistance technique.
- La subvention sera de 10 % de la valeur du projet jusqu’à un maximum de Rs 150 000. Alors que le MauBank Programme de financement des PME leur permet de bénéficier d’un taux d’intérêt de 3 % et d’un maximum de 90 % de financement de projet avec une échéance pouvant aller jusqu’à dix ans. Toutefois, l’entrepreneur doit fournir des preuves de 10 % de ses propres fonds. Cela peut être sous forme d’encaisse ou en banque, en biens immobiliers. Aucune garantie personnelle ne sera demandée aux bénéficiaires.
- La sécurité sera limitée aux frais fixes et flottants sur les actifs de la société ou de la société coopérative ou individuelle. Dans le cadre de la subvention spéciale, un montant n’excédant pas Rs 10 000 peut être alloué à la préparation du plan d’activité ou à l’étude de faisabilité d’un projet proposé par une PME.
Témoignages
Rudy Tannoo : « La tendance locale prête à réfléchir »
Entrepreneur en menuiserie depuis plus de 15 ans, Rudy Tannoo constate que Maurice a accumulé du retard par rapport aux PME. Selon lui, le marché des PME émerge dans le monde entier, mais la tendance locale prête à réfléchir. « Il est malheureux de dire que les décideurs mettent l’accent sur la quantité au détriment de la qualité. Avoir plus d’entrepreneurs et donner des certificats pour lancer son business, ce n’est pas tout. Cela va au-delà de cette première étape, car il faut établir un suivi et voir si l’entrepreneur se débrouille ou s’il opère vraiment selon les normes. Par exemple, on ne peut pas se prétendre entrepreneur et vendre des produits importés.» Rudy Tannoo doit aujourd’hui opérer avec la moitié du personnel qu’il avait autrefois. « J’ai formé ces personnes et aujourd’hui, elles sont devenues des entrepreneurs et donc mes compétiteurs. C’est ainsi et je n’y peux rien. Maintenant, même si nous connaissons des difficultés financières, nous continuons à les payer pour les encourager. De plus, les prix des matériaux ont augmenté. Même si les coûts d’opération augmentent, nous ne pouvons revoir les prix de nos produits. »
D’autre part, Rudy Tannoo explique que les facilités telles que la baisse de la Company Licence et l’exemption de certaines patentes sont très motivantes. « Il faut protéger l’entrepreunariat et surtout la manufacture locale. Et surtout, ne pas politiser les institutions, car ce sont les entrepreneurs qui en sont affectés. Plusieurs d’entre eux ont dû mettre un terme à leur business, car il n’arrivaient plus à joindre les deux bouts.»
Eshana Goolamhossen : « Le financement un vrai obstacle »
Artisane depuis cinq ans, Eshana Goolam-hossen, mère de famille, nous confie que la situation est vraiment inquiétante depuis deux ans. Elle réalise des dessins, des peintures sur les vitres, les ‘frames’, etc. Sans l’aide de son mari, elle avoue qu’elle aurait abandonné depuis longtemps. « J’avais deux employés que j’ai dû licencier, car les choses allaient mal.
Désormais, ce sont les membres de ma famille qui m’aident pour compléter mes commandes à temps. Je suis membre de la fédération coopérative et cela me permet d’avoir les stands à un prix dérisoire. Par contre, je ne peux me permettre de travailler dans les grandes foires. J’ai un enfant qui va à l’école et j’ai déjà deux prêts bancaires à rembourser. Si mon mari n’était pas là, je ne sais pas comment je gérerai mon affaire.»
De nature fonceuse, Eshana Goolamhossen affirme qu’elle ne compte pas baisser les bras, mais elle sait que tous les entrepreneurs n’ont pas la même chance qu’elle. « Il y a plusieurs années de cela, je me tournais plus vers une clientèle étrangère, aujourd’hui je me suis mis au service des Mauriciens. Il aurait dû avoir plus de facilités pour les PME. Par exemple, les foires organisées par la SMEDA ne sont pas accessibles aux petits entrepreneurs. Ces derniers n’ont pas les moyens de payer les frais des stands. La volonté est là, mais le financement demeure un réel obstacle pour la progression, le développement des PME.»
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