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Inflation, roupie, pétrole : la pression monte sur le pouvoir d’achat mauricien

Le conflit Iran-Israël ravive les tensions sur le pétrole et la logistique, alimentant l’inflation et pesant sur le pouvoir d’achat à Maurice.

Loin du théâtre des affrontements au Moyen-Orient, Maurice subit néanmoins les contrecoups d’un conflit géopolitique aux répercussions globales. L’embrasement entre l’Iran et Israël ravive les tensions sur les marchés pétroliers et logistiques, créant un climat d’incertitude qui se répercute sur l’économie locale. Dans ce contexte, l’inflation repart à la hausse, exerçant une pression directe sur le pouvoir d’achat des ménages. Entre hausse des prix à l’importation, volatilité des devises et fragilité de la roupie, les équilibres économiques du pays sont de nouveau mis à l’épreuve.

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Depuis la reprise des tensions armées entre l’Iran et Israël à la mi-juin, les projecteurs sont tournés vers le détroit d’Ormuz, carrefour maritime stratégique pour l’acheminement du pétrole mondial. Ce conflit géopolitique, bien que géographiquement éloigné de Maurice, suscite des préoccupations croissantes sur le plan économique local. En toile de fond : une inflation qui repart à la hausse, une roupie sous pression, et un pouvoir d’achat des ménages de plus en plus contraint.

L’inflation en glissement annuel a atteint 4,2 % en mai 2025, contre 2,9 % à la même période l’an dernier. Malgré un ralentissement observé ces derniers mois – avec un taux de 2,5 % en mars, le plus bas depuis juin 2021 – les projections de la Banque de Maurice (BoM) anticipent une remontée progressive d’ici à la fin de l’année. L’institution prévoit un taux d’inflation global avoisinant les 3,5 % pour l’année, révisé à la baisse par rapport à la projection précédente de 3,7 %.

Cette reprise de l’inflation intervient dans un contexte où les pressions externes sur les prix sont à nouveau d’actualité. Les tensions au Moyen-Orient, conjuguées à la volatilité du marché pétrolier et à l’appréciation de certaines devises étrangères, constituent des éléments clés de cette dynamique.

Pétrole, fret et chaînes d’approvisionnement 

Le détroit d’Ormuz, point névralgique reliant les pays producteurs du Golfe au reste du monde, voit transiter près d’un quart du pétrole échangé par voie maritime. Or, la reprise des hostilités entre l’Iran et Israël, survenue dans la nuit du 12 au 13 juin, remet en cause la fluidité de ce passage stratégique.

Les acteurs économiques mauriciens, bien que conscients de la distance géographique du conflit, expriment leur inquiétude quant aux effets indirects sur les circuits logistiques et les prix des produits. Pour Imrith Ramtohul, Senior Investment Consultant chez Aon Solutions Ltd, « si la guerre se prolonge, l’incertitude pèsera sur les marchés pétroliers et le coût du fret ». Le dollar, en tant que monnaie de référence pour les transactions pétrolières, pourrait également subir des variations influant sur les coûts d’importation.

Cette tendance se manifeste déjà. En mai 2025, malgré une baisse globale du prix du pétrole de 0,5 %, les perspectives de hausse restent bien présentes. Depuis le début de l’année, le prix du baril a chuté de 15,9 %, notamment en raison de la surproduction de l’OPEP+ et des effets indirects des barrières douanières américaines. Toutefois, la tension géopolitique ravive les craintes d’un renversement de cette tendance.

La roupie face à la pression des devises étrangères

En parallèle, la roupie mauricienne continue d’évoluer dans un environnement monétaire international instable. En mai, les trois principales devises – la livre sterling, le dollar américain et l’euro – ont toutes enregistré une appréciation par rapport à la monnaie locale, respectivement de 1,8 %, 1,2 % et 0,9 %. Toutefois, sur l’ensemble de l’année, le dollar américain affiche une dépréciation de 2,8 % face à la roupie.

Cette configuration pose un double enjeu pour Maurice. D’une part, un affaiblissement du billet vert peut alléger temporairement la facture d’importation libellée en dollars, à condition que les autres devises ne compensent pas cette tendance. D’autre part, une appréciation continue de l’euro et de la livre, devises également courantes dans les échanges commerciaux, peut rapidement annuler ces gains, surtout en contexte de volatilité.

Sonny Wong, Chief Operating Officer d’Innodis, rappelle que la dépréciation de la roupie a un effet direct sur les prix de revient des marchandises importées. « Si la roupie continue à s’affaiblir, il sera difficile de maintenir les prix actuels, surtout dans un contexte de pression sur le fret maritime », explique-t-il.

Le commerce local en état de veille

L’instabilité actuelle a déjà commencé à impacter les délais de livraison et les coûts logistiques. Dominique Filleul, président de la General Retailers Association, souligne que « les routes maritimes stratégiques dans la mer Rouge sont perturbées, ce qui se traduit par une hausse du coût du transport et des retards dans les livraisons ». Un constat partagé par Afzal Delbar, président de la Customs House Brokers Association, qui alerte également sur les conséquences pour le transport aérien. « Les itinéraires sont modifiés pour éviter les zones de conflit, ce qui augmente les coûts d’acheminement », note-t-il.

Ces ajustements logistiques se traduisent inévitablement par une répercussion sur les prix à la consommation. Les détaillants locaux se trouvent alors dans une situation délicate, entre la nécessité de préserver leur marge et la volonté de ne pas trop impacter les consommateurs. « Nous ferons tout notre possible pour contenir les hausses, mais certains ajustements seront probablement inévitables », affirme Dominique Filleul. Il appelle à un dialogue coordonné entre les acteurs économiques et les autorités pour limiter l’impact sur les ménages.

Une inflation à double origine : externe et interne

Lors du dernier comité de politique monétaire, le Dr Rama Sithanen rappelait que les perspectives inflationnistes à Maurice ne dépendent pas uniquement des variables internationales. Les facteurs internes, notamment les politiques fiscales et les révisions salariales dans certains secteurs, peuvent accentuer les tensions sur les prix. « La rigidité dans les prix des services, souvent liée aux ajustements salariaux, crée une pression inflationniste locale », avait-il précisé.

Par ailleurs, certaines mesures fiscales récentes pourraient amplifier cette pression. Afzal Delbar cite en exemple la taxe de 6 sous par gramme de sucre introduite dernièrement. « Cette mesure complexifie la libération des produits à base de lait ou de sucre, avec un coût moyen supplémentaire de Rs 6 000. Ce sont les consommateurs qui finiront par en payer le prix », affirme-t-il.

Des efforts de résilience à long terme

Dans un contexte aussi incertain, la question de la résilience économique de Maurice se pose. Des efforts ont été annoncés par le gouvernement dans le dernier budget, notamment pour encourager la production locale. Imrith Ramtohul estime que ces mesures vont dans la bonne direction, mais leur effet ne sera perceptible qu’à moyen ou long terme. « Les initiatives pour stimuler la production locale peuvent contribuer à réduire la dépendance aux importations, mais leur mise en œuvre prendra du temps », prévient-il.

Pour l’heure, la population demeure vulnérable face à l’inflation importée. L’impact du prix du pétrole et du fret sur le panier de consommation reste difficile à maîtriser, d’autant que la situation internationale évolue rapidement.

Pouvoir d’achat : un équilibre fragile

La question du pouvoir d’achat reste au cœur des préoccupations. Bien que le dollar se soit affaibli par rapport à d’autres devises en 2025, les effets bénéfiques de cette évolution ne sont pas toujours visibles. « Si les prix n’ont pas augmenté autant que dans le passé, c’est peut-être en partie grâce à la baisse du dollar », note Imrith Ramtohul. Toutefois, il souligne aussi que la volatilité actuelle ne permet pas de tirer de conclusions définitives.

De son côté, Afzal Delbar avertit que toute flambée des prix – qu’elle soit due à des facteurs internationaux ou locaux – finit toujours par peser sur les consommateurs. « À chaque maillon de la chaîne logistique, les coûts s’accumulent. Et à la fin, c’est le client qui paie plus cher », affirme-t-il.

alimentaire

L’indice des prix à la consommation

Mois 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025
Janvier 103,8 105,9 107 114,9 128,5 135,2 105
Février 104,4 106,6 107,9 117,6 130,5 138,6 105,7
Mars 104,4 107,4 108,5 120,1 131,1 137,6 106,8
Avril 104,4 108,8 109 121 131 103,2 107,1
Mai 104,4 107,3 109,8 121,6 131,2 102,9 107,2
Juin 103,4 105,2 111,4 122,1 131,7 102,6  
Juillet 103,4 104,9 111,7 124 131,3 102,8  
Août 103,7 105,3 111,6 124,4 131,7 103,2  
Septembre 103,3 106 111,7 125,0 131,6 103,4  
Octobre 102,8 106,1 112,3 125,7 131,5 103,7  
Novembre 103,1 106,3 113,1 126,8 131,9 104  
Décembre 103,3 106,1 113,3 127,1 132 103,5  

 

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  • Nou Lacaz

 

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