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Inflation : pas de grand changement dans les habitudes de consommation 

Malgré la vague inflationiste qui a déferlé sur le pays, le Mauricien, n’a pas dérogé à ses habitudes d’achat.

Dans le sillage des fêtes de fin d’année, de nombreux Mauriciens ont déambulé dans les centres commerciaux et magasins à travers l’île en toute liberté, après deux années difficiles en raison de la pandémie de COVID-19. Les Malls étaient bondés, tout comme les rues dans les villes et villages qui avaient été prises d’assaut par des Mauriciens partis faire leurs achats de Noël. Malgré la période inflationniste, les habitudes de consommation n’ont pas changé. 

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La fièvre acheteuse s’est emparée des consommateurs. C’est dans la culture mauricienne de vouloir faire plaisir à ses enfants et à ses proches pendant la période des fêtes de fin d’année. Il n’y a pas de doute que cette année, le mood festif est bien présent. Malgré la situation économique difficile, la hausse du coût de la vie et l’inflation, les Mauriciens n’ont pas manqué de dépenser tant sur les cadeaux, mais aussi sur les produits alimentaires. 

Pas de grand changement noté dans le comportement des consommateurs mauriciens. Yusuf Sambon, propriétaire de Lolo Hyper, affirme que, pour la période des fêtes, les Mauriciens continuent à acheter comme ils avaient l’habitude de le faire quelques années de cela. « Les consommateurs continuent à acheter.  En cette période, ils achètent des biscuits, du chocolat et de la viande fraîche. Dépendant des bourses, certains dépensent plus, d’autres moins », souligne-t-il. Toutefois, il affirme que la prudence est de mise dans les achats. « Les personnes achètent surtout avec modération. Au lieu de cinq boîtes de fromage de la marque Kraft, elles achètent en achètent trois et deux d’une marque qui coûte moins cher. Elles continuent à acheter les mêmes produits que d’habitude, tout en essayant de s’habituer à d’autres marques », dit Yusuf Sambon. Du côté de l’enseigne Intermart, Ignace Lam, Chief Executive Officer, déclare également qu’aucun changement n’a été noté dans le comportement des Mauriciens. « Les consommateurs achètent comme ils l’ont fait durant ces précédentes années marquées par la pandémie de COVID-19 et ont fait leurs achats durant cette période. Il n’y a pas eu cette baisse dans les ventes que certains redoutaient. C’est pareil, cette année », précise-t-il. 

Ignace Lam ajoute que pour Noël, les gens achètent des choses pour se faire plaisir et faire plaisir à leurs proches. C’est aussi dû au fait qu’ils ont obtenu leur boni de fin d’année et se permettent quelques folies. « Viande, canard, produits alcoolisés, biscuits et chocolats, ce sont là des produits très prisés. Certains achètent avec modération. Puis, il y a la flambée des prix à cause de l’inflation. Les gens dépensent la même somme d’argent, mais pour moins de produits », indique l’intervenant. Le gérant d’un magasin de jouets à Chemin-Grenier indique que les parents n’ont pas manqué de gâter leurs enfants. « Même si le coût de la vie a augmenté, ils veulent faire plaisir à leurs enfants. Certains achètent des cadeaux chers, alors que d’autres des babioles qui font plaisir, préférant économiser pour les temps durs ou pour l’achat de matériel scolaire avec la rentrée prévue bientôt », dit-il. 

Ceux qui peinent à joindre les deux

La vague inflationniste déferle sur le pays. Si ceux qui touchent un salaire décent arrivent à accuser le coup jusqu’ici, il y a ceux qui travaillent comme des « saisonniers » qui peinent à joindre les deux bouts et qui n’ont pu fêter Noël comme il se doit. C’est le cas de Deborah, une habitante du Morne. Cette maman n’a pu faire plaisir à ses deux enfants. « On a à peine quelque chose à nous mettre sous la dent. Kot pou kapav mazinn kado », dit-elle. M.E, une habitante d’un faubourg de la capitale, qui touche le salaire minimum, est aussi prudente dans ses dépenses. « On ne peut dépenser sans compter. Déjà, nos dépenses ont augmenté. On a acheté des cadeaux qui coûte Rs 100-Rs 200, juste pour faire plaisir aux enfants », dit-il.

Le paradoxe

« D’un côté, on lit les publications des cris du cœur des personnes sur les réseaux sociaux pour dénoncer la cherté de la vie à Maurice. De l’autre, il y a des actions citoyennes pour demander que notre pouvoir d’achat soit rétabli en cette période délicate avec un taux d’inflation supérieur à 10 % . Or, il est très paradoxal de voir en cette même période les Malls bondés, une frénésie d’achats de produits non prioritaires malgré les prix hautement élevés de certains », avance l’économiste Dr Takesh Luckho. 

Des observateurs économiques et travailleurs sociaux n’ont, selon lui, pas cessé de tirer la sonnette d’alarme sur « la nécessité d’adopter un nouveau modèle de consommation après deux années difficiles pour le citoyen lambda en raison de la COVID-19. Soit un modèle où le consommateur est préférablement modéré dans ses habitudes, appliquant un mode de dépense et de planning plus conservateur, se préparant à faire face à des jours plus difficiles vue la conjoncture économique mondiale incertaine en 2023, plombée par la guerre en Ukraine et un ralentissement économique dans certains de nos marchés principaux ». 

« C’est l’inverse qu’on observe à Maurice. Une frénésie d’achats des gens les plus vulnérables – ceux au bas de l’échelle sociale. C’est là que le bât blesse. Une poussée dans la demande globale causée par le phénomène de l’achat résultera à des pressions inflationnistes additionnelles qui vont encore faire gonfler les prix sur les différents marchés du pays au détriment des plus vulnérables. Cela va encourager les ménages, déjà fortement endettés, à acheter plus à crédit. C’est l’exemple typique de ce qu’on appelle en économie le cercle vicieux de la dette », déplore Dr Takesh Luckho. 

Cercle vicieux de la dette

Pour l’économiste, « on voit souvent les ménages les plus endettés qui consomment le plus, souvent sans planning, avec des risques élevés d’avoir des défauts de paiement, augmentant la probabilité de ces ménages de tomber dans les maux socioéconomiques comme la pauvreté et l’endettement chronique ». La solution n’est pas nécessairement d’ordre macroéconomique. « Il est connu que les ménages au bas de l’échelle ont une propension marginale à consommer de façon plus élevée que la classe moyenne. Je pense que les associations de consommateurs doivent jouer un rôle plus important dans la sensibilisation des ménages sur la nécessité de préparer un budget de dépenses mensuel, de savoir quelles sont les dépenses prioritaires et non prioritaires et de savoir mettre de l’argent de côté pour les jours plus compliqués ». 

Piège

Selon l’économiste Kevin Teeroovengadum, il y a une baisse du pouvoir d’achat et l’endettement gagne les ménages. « La dette est passée à Rs 150 milliards, soit une hausse de Rs 30 milliards. Des gens cumulent les dettes pour pouvoir consommer. Des magasins proposent l’achat à tempérament avec des promos alléchantes, comme payer après un an. Des consommateurs qui n’ont pas été éduqués à ce propos tombent souvent dans le piège. C’est quand il faut commencer à payer que l’effet sur leurs bourses se fait sentir », précise-t-il. 
Manisha Dookhony pense, elle, aussi que l’endettement est un gros problème en ce moment, avec le Repo Rate (Key rate) qui a connu une hausse. « La dette des ménages est une réalité pour ceux qui ont des loans. Il faut faire attention à la vente à tempérament. Si les gens ne font pas attention, ce sera un gros problème. Cela risque de peser lourd sur le portefeuille des Mauriciens », lance l’économiste.  

Pour elle, il faut cibler ceux qui ont un salaire moindre et venir avec des aides supplémentaires. « Par exemple, au cas où ces personnes qui sont au bas de l’échelle n’arrivent pas à payer leurs emprunts, il faut s’assurer qu’ils ne perdent pas leur maison », préconise-t-elle. 

Scepticisme 

Kevin Teeroovengadum affirme, lui, que l’inflation a certainement eu un impact sur les consommateurs. « Les gens ont réduit leurs dépenses sachant que le prix de l’électricité augmentera l’année prochaine et que cela va faire grimper d’autres prix. Avec le Repo Rate qui a augmenté, les emprunts et autres crédits sont aussi en hausse. Certes, les Malls sont remplis, les gens sortent, mais cela ne veut pas dire qu’ils achètent. Je pense qu’ils sont prudents sur ce qu’ils achètent », est d’avis l’éconimiste. 

Comme Kevin Teeroovengadum, Manisha Dookhony pense aussi que même les Malls sont bondés et les parkings remplis, cela ne signifie pas que les Mauriciens achètent. « J’ai observé des consommateurs dans un grand Mall. J’ai identifié ce qu’ils achètent. Les caddies ne sont pas aussi remplis. Les gens achètent surtout le matériel pour l’école », estime-t-elle.

 

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