
L'indiscipline en milieu scolaire devient une problématique de plus en plus préoccupante, obligeant les autorités à prendre des mesures pour y remédier. Le ministre de l’Éducation, Dr Mahend Gungapersad, a annoncé une série d'initiatives pour contrer ce fléau, notamment l’installation de caméras de surveillance et la mise en place de gardes de sécurité dans les écoles. Ces mesures, bien que saluées par certains, suscitent des avis partagés parmi les enseignants et les syndicats.
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Le ministre de l’Éducation, le Dr Mahend Gungapersad, ne veut rien laisser au hasard. Lors de sa réponse à la PNQ du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, le mardi 19 mars dernier, il a énoncé 14 mesures pour décourager le mauvais comportement en milieu scolaire. Quatre d’entre elles sont particulièrement remarquées : s'assurer que les Disciplinary Committes examinent les mesures à prendre à l'encontre des élèves impliqués dans des cas d'indiscipline et de violence ; l’installation de caméras de surveillance (CCTV) dans la majorité des collèges ; le placement de gardes de sécurité en journée dans les écoles à risque ; la mise à disposition d'un gardien chargé de contrôler l'accès aux enceintes scolaires et des patrouilles régulières de la police et surveillance renforcée autour des écoles à risque et des gares d'autobus.
Parmi ces mesures, l’installation des caméras de surveillance suscite diverses réactions parmi le personnel éducatif. Si certains y voient une limite à leur liberté d’action et une surveillance intrusive de la manière dont ils gèrent la classe, d’autres considèrent cela comme une avancée positive. Selon eux, cela permettrait de mieux lutter contre le bullying et de renforcer l’autorité face à des élèves de plus en plus indisciplinés.
Un enseignant d’un collège d'État des Hautes Plaines-Wilhems se plaint : « Nous faisons face à pas mal de critiques en ce moment. On nous pointe du doigt pour les mauvais résultats des élèves, alors que nous faisons notre travail comme il se doit. Nous sommes blâmés du mauvais comportement des élèves, alors que nous subissons nous-mêmes des insultes en classe et nous n’avons pas les outils nécessaires pour les réprimander. Il est temps de nous écouter et valoriser notre travail… »
Au niveau du primaire, Vishal Baujeet, président de la Government Teachers’ Union (GTU), estime que la sensibilisation des élèves sur les comportements violents et de bullying ne porte pas suffisamment ses fruits. Selon lui, des mesures plus radicales sont nécessaires pour garantir la sécurité des élèves. « Afin de lutter contre ces problèmes, il convient de mettre en œuvre certaines mesures exceptionnelles. Ainsi, pour la sécurité de chaque élève, il faudrait avoir recours à l’utilisation de la technologie, afin de pouvoir dépister les élèves impliqués dans ces cas », dit-il.
Pour Vishal Baujeet, « l’introduction des caméras n’est pas pour surveiller les enseignants, mais plutôt pour protéger les élèves et garantir la sécurité dans les établissements ». Il insiste sur le fait que ces caméras peuvent avoir un impact dissuasif, mais qu’elles ne doivent pas remplacer une véritable éducation à la responsabilité et aux bonnes conduites. « Il y aura une assurance de sécurité. La situation agira comme un déterrant, donnant un impact positif qui fait peur aux autres. Nous pensons que les caméras de surveillance devront être dans tous les coins et recoins de l’école. »
Pour ce qui est des agents de sécurité et des gardiens à l’entrée de certaines écoles primaires, la GTU rappelle qu’il s’agit d’une demande formulée il y a déjà 10 ans. « Avec le temps, pour assurer la sécurité de la population estudiantine et le corps enseignant, on doit y avoir un gardien pour contrôler l’accès à tous les établissements scolaires », affirme Vishal Baujeet. Il préconise également une sensibilisation accrue des élèves et la tenue de réunions régulières avec les parents, à travers les associations de parents d’élèves, pour aborder ces questions de violence.
Sensibilisation
Le pédagogue et ancien recteur, Soondress Sawmynaden, souligne que la sensibilisation doit débuter dès le plus jeune âge. Il préconise que les recteurs jouent un rôle plus actif, en parcourant leur établissement et en intervenant dans les zones à risque, même en dehors des heures de classe. « Un recteur ne doit pas rester enfermé dans son bureau », affirme-t-il. Selon lui, la surveillance renforcée et les mesures restrictives peuvent s’avérer contre-productives, car les élèves risquent de contourner ces dispositifs. Pour lui, « une approche plus durable doit être mise en place, basée sur l’éducation et la responsabilité ».
Le pédagogue ajoute : « Les téléphones portables, omniprésents chez les élèves, pourraient être utilisés comme des outils éducatifs ». Il recommande ainsi la diffusion de vidéos et de messages abordant les dangers des comportements indisciplinés, notamment la consommation de drogue. Son objectif est d'encourager les enfants à prendre des décisions éclairées, de manière autonome.
Soondress Sawmynaden plaide aussi pour une réduction des transferts de recteurs et d’enseignants dans les établissements publics. Il estime que cette instabilité empêche la création d’une véritable culture scolaire et d’une cohésion entre le personnel. « Les collèges privés bénéficient d’une culture d’appartenance, grâce à un personnel permanent qui travaille en synergie. Dans les établissements publics, les transferts fréquents de recteurs et d’enseignants compliquent la création d’une atmosphère favorable », dit l’ancien recteur. Il plaide pour « un renforcement de cette identité scolaire dans le public, pour offrir aux élèves un environnement plus stable et propice à leur développement ».
De son côté, le président de la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU), Yugeshwur Kisto, reconnaît que la sécurité est « un enjeu crucial », notamment face aux incidents de harcèlement scolaire qui secouent de plus en plus les établissements. Toutefois, il émet des réserves sur l’efficacité de la surveillance électronique. « Les caméras représentent un outil de dissuasion contre les actes de violence ou de vandalisme. Elles peuvent fournir des preuves lors d'incidents graves, permettant ainsi une résolution plus équitable des conflits », déclare-t-il.
Cependant, il craint que l’introduction de ces caméras ne crée une atmosphère de méfiance dans les écoles, nuisant à l’autonomie et à la liberté des élèves. « Un environnement sous surveillance constante risque de créer une atmosphère de méfiance, peu propice à l'apprentissage et au développement de l'autonomie des élèves. La question de la vie privée se pose également », poursuit Yugeshwur Kisto. Il met en garde contre une réponse superficielle aux problèmes de violence en milieu scolaire, qui nécessitent une approche plus globale, centrée sur le dialogue, l’éducation, et des ressources humaines accrues, telles que les psychologues scolaires et les médiateurs.
Yugeshwur Kisto appelle donc à une concertation approfondie avec les acteurs éducatifs avant la généralisation des caméras. Il préconise que cette mesure s’intègre dans une politique globale de bien-être scolaire, qui dépasse le cadre de la sécurité pour inclure des initiatives de prévention, de formation des enseignants à la gestion des conflits, et de réduction des effectifs par classe pour un meilleur suivi des élèves. « Ce que nous préconisons en priorité, c'est l'investissement dans la formation des enseignants à la gestion des conflits et la réduction des effectifs par classe pour permettre un meilleur suivi des élèves », conclut-il.

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