La thérapeute en psychoéducation, Deeya Seechurn, dresse un tableau sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur les élèves, les enseignants et le personnel des écoles. Elle observe qu’il y a plus de problèmes d’anxiété, de colère refoulée ou encore de mauvaise compréhension. La thérapeute propose certaines solutions, dans l’entretien ci-dessous.
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En tant que spécialiste en santé mentale, pouvez-vous nous dire quelles sont les principales difficultés rencontrées par les élèves en ce moment ?
Il y a beaucoup de pression sur les élèves depuis la pandémie de Covid-19. Cela génère très souvent un sentiment d’anxiété, de ne pas pouvoir bien travailler, ainsi que de peur d’échouer et de rater des années scolaires.
Comment évaluez-vous la santé mentale des élèves dans nos écoles ?
Les élèves semblent plus agités depuis la Covid. Cela se traduit par un sentiment de mal-être et des actions mal adaptées à ce genre de changement.
Un rapport déposé au Parlement récemment, révèle une augmentation de 440 % de cas d’indiscipline au sein des écoles. Comment expliquez-vous cette hausse?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse. Parmi, on peut citer la démission des parents face à leur rôle primaire de guide et d’instaurer la discipline envers leurs enfants. Ensuite, il y a une difficulté à montrer de l’empathie à des élèves qui passent par des moments difficiles, par les profs ainsi que l’administration de l’école, peut-être à cause d’une surcharge de tâches et des classes trop remplies. D’autres explications pourraient être l’exposition aux médias, dont les réseaux sociaux, et le peer pressure, qui influencent les élèves qui sont à la recherche de repères et de role models. Quand ces role models n’existent pas autour d’eux (parents, famille, figure ayant une influence positive), les jeunes se retournent souvent vers d’autres sources qui peuvent influencer leurs comportements.
Quels liens pouvez-vous faire entre les problèmes de santé mentale des élèves et les comportements d’indiscipline ?
On peut parler d’un sentiment d’incompréhension et de se sentir étouffé chez les élèves. Ces derniers sont suffoqués par le nombre de travaux scolaires à faire, de matières qui ne suscitent pas autant d’intérêt, le fait de ne pas être pris en considération lors de la prise de décisions. Ce sont des facteurs qui peuvent provoquer des sentiments de frustrations et de colère chez les adolescents. Le fait de ne pas avoir des outils et un exutoire sain pour laisser couler ces émotions font que les élèves deviennent indisciplinés.
Avez-vous observé des tendances spécifiques ou des causes récurrentes parmi les élèves indisciplinés ?
Oui, le fait de ne pas se sentir écoutés, compris, les émotions mal gérées, aussi du bullying de la part d’autres élèves, et même de certains enseignants et responsables d’écoles, le manque de moyens financiers, l’utilisation de substances, l’indifférence des parents sont autant de facteurs qui influencent la discipline des élèves à l’école.
Quelles sont les méthodes et les approches que vous utilisez pour aider les élèves à gérer leurs comportements ?
Des sessions d’écoute active, ponctuées d’empathie et d’une réelle envie de comprendre, aident beaucoup à faire bouger les choses. C’est sûr qu’on ne peut pas tout faire à l’école, mais au moins l’adolescent peut découvrir des outils et développer des capacités pour mieux se gérer et avoir d’autres recours que l’indiscipline sous différents angles.
Comment intégrez-vous les enseignants et le personnel administratif dans vos interventions ?
Les enseignants et le personnel administratif ont aussi besoin de soutien pour faire face à cette indiscipline accrue qui existe dans les écoles. Donc, l’écoute porte aussi vers eux, ainsi que le partage d’outils pour mieux gérer des situations difficiles. Des sessions de groupes avec les enseignants et l’administration se font souvent pour mieux comprendre les problématiques et trouver ensemble des solutions concrètes et applicables.
Quelles stratégies de prévention proposez-vous pour éviter les problèmes de comportements avant qu’ils ne surviennent ?
Déjà, au préalable, tisser une relation de confiance avec les élèves autant que possible. Ensuite, le renforcement positif est très important. On punit très facilement, mais ce n’est que très rarement qu’on dit aux élèves les bonnes choses qu’ils ont faites, alors que cela est très important. Aussi à appliquer : de réprimander en privé, mais de récompenser en public toute bonne action faite. Au final, rester solide sur les consignes, sans avoir recours à la colère et autres émotions afin de garder un équilibre dans ce cadre.
Comment les parents peuvent-ils contribuer au bien-être mental de leurs enfants et à la réduction de comportements indisciplinés ?
En étant plus à l’écoute de leurs enfants et en prodiguant des soins émotionnels. Beaucoup de parents parlent d’offrir le meilleur à leurs enfants en termes matériel, mais négligent l’aspect émotionnel et psychologique. Chaque enfant et adolescent a besoin du soutien de ses parents, et cela se traduit par la communication, l’écoute du parent envers son enfant, la compassion, le respect. À l’inverse, le fait d’être autoritaire et trop sévère empêche l’enfant de se confier à ses parents, et ainsi, il choisit d’exprimer ses émotions sous forme d’indiscipline. Il est aussi très important que les parents maintiennent une communication avec l’école pour être au courant du progrès de son enfant et des comportements de ce dernier.
Il y a beaucoup plus de cas d’angoisse, de colère refoulée, ainsi qu’un refus de certaines formes d’autorité depuis la fin des confinements
Quelles sont vos recommandations pour améliorer le soutien psychologique aux élèves dans nos écoles ?
Avoir des School counsellors, ou même des psychologues éducatifs, dans chaque école aiderait énormément. Il faudrait que les écoles prennent conscience de la nécessité d’un système de soutien autre que celui des éducateurs. Ces derniers ne sont pas responsables de la prise en charge psycho-socio-émotionnelle des enfants. Donc, une personne tierce devrait tenir ce rôle si important mais souvent mis à l’écart à Maurice. Aussi, privilégier moins d’élèves en classe autant que possible pour ne pas alourdir la tâche des enseignants, ainsi que prendre note des griefs des élèves et les impliquer dans la recherche de solutions pratiques.
Croyez-vous que la pandémie de Covid-19 a eu un impact sur la santé mentale des élèves et leurs comportements ?
Absolument ! La pandémie de Covid-19 a eu un impact sur la santé mentale des élèves, des enseignants et du personnel administratif de l’école. Le confinement a provoqué un changement rapide et imprévu sur la vie des élèves et pendant longtemps. Ils ne savaient pas comment gérer ces changements de vie, que ce soit ne plus aller en classe, ne plus voir ses amis et l’environnement scolaire. Cela équivaut à perdre ses repères. Les enfants qui vivent dans des situations difficiles se sont retrouvés seuls et coincés, et ils ne pouvaient plus bénéficier du soutien que l’école leur apporte au quotidien. Tout ce chamboulement a fait que les élèves se sont retrouvés dans des difficultés psycho-émotionnels non exprimées pour la plupart, ainsi qu’une grosse pression de bien faire à l’école alors que les infrastructures n’étaient pas bien définies.
Avez-vous remarqué des changements spécifiques dans les problèmes de comportement depuis la fin des confinements et le retour à l’école en présentiel ?
Oui, il y a beaucoup plus de cas d’angoisse, d’anxiété, de colère refoulée, ainsi qu’un refus de certaines formes d’autorité depuis la fin des confinements. C’est certain que les adolescents se sentent beaucoup plus perdus et sans repères depuis la Covid-19.
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