Manque de main-d’œuvre locale : la MCIA à la recherche de 2 500 ouvriers étrangers
Par
Patrick Hilbert
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Patrick Hilbert
Face à une pénurie persistante de main-d’œuvre locale dans le secteur agricole, la Mauritius Cane Industry Authority (MCIA) a lancé, tout récemment, une invitation aux planteurs et agriculteurs pour s’inscrire et accéder aux services de recrutement de travailleurs étrangers. Cette initiative vise à assister les exploitants dans leurs opérations quotidiennes, en particulier dans les domaines de la canne à sucre, des cultures alimentaires et de l’élevage. En effet, il devient impératif de combler les lacunes structurelles qui menacent la viabilité du secteur.
Interrogé sur le sujet mardi, le ministre de l’Agro-industrie, Arvin Boolell, affirme que la MCIA peut recruter jusqu’à 2 500 travailleurs étrangers pour pallier le manque de main-d’œuvre dans ce secteur. « Le chiffre final dépend de la demande », souligne-t-il. « L’un des problèmes les plus épineux du secteur est le manque de main-d’œuvre. L’agriculture est l’une de ces industries qui fait face à une main-d’œuvre vieillissante », ajoute le ministre.
Des changements seront nécessaires dans la loi pour pouvoir passer au déploiement de ces ouvriers. Le State Law Office est en train d’avaliser des documents. La Workers’ Rights Act devra aussi être amendée, ainsi que certaines dispositions de la MCIA Act.
« Le souci ne concerne pas que la canne à sucre. Dans la culture vivrière, que ce soit sous serre ou en plein champ, nous éprouvons également des difficultés. Avec le concours du ministère du Travail et du Bureau du Premier ministre, les conditions pour recruter des travailleurs étrangers ont été assouplies. Nous voulons surtout faire venir de la main-d’œuvre de Madagascar et de l’Inde. Les travailleurs népalais ne sont pas très intéressés par le travail dans les champs », explique le ministre. Pas question cependant d’exploiter ces travailleurs. « Nous veillons à ce qu’ils soient logés dans des conditions optimales. Certains seront hébergés dans les logements à Petite-Rivière auparavant occupés par les ouvriers indiens qui ont contribué à la construction du Metro Express. J’espère que ce problème sera bientôt résolu », avance Arvin Boolell.
Et d’ajouter que « nous avons besoin de milliers de personnes dans l’agro-industrie, mais encore faut-il les trouver. Cela concerne la canne à sucre, les cultures vivrières et les cultures sous serre. Même au sein des stations du ministère de l’Agro-industrie, il existe un manque de main-d’œuvre pour certains travaux ».
Selon les informations publiées par la MCIA, le formulaire de demande s’adresse aux planteurs individuels ainsi qu’à ceux regroupés en coopératives. Il comprend plusieurs sections : les détails du demandeur (nom, date de naissance, numéro d’identification nationale, enregistrement à la Sugar Industry Workers’ Federation ou au Sugar Insurance Fund Board si applicable, contacts et adresse résidentielle), l’intention d’emploi divisée par secteurs, des informations complémentaires comme l’adresse de l’exploitation et l’historique de recours à la main-d’œuvre étrangère, ainsi qu’une déclaration sous serment affirmant l’exactitude des renseignements fournis. La MCIA précise que la soumission ne garantit pas l’approbation et que des documents supplémentaires pourraient être requis.
Dans le secteur de la canne à sucre, les demandeurs peuvent spécifier le type de main-d’œuvre recherchée – qualifiée, semi-qualifiée, non qualifiée ou autre – et indiquer le nombre de travailleurs nécessaires ainsi que la durée proposée pour des activités comme la récolte, l’entretien des champs (y compris le désherbage manuel et la réparation de routes), le transport et la logistique, ou la plantation. Des tableaux similaires sont prévus pour les cultures alimentaires (récolte et post-récolte, entretien, transport) et l’élevage (élevage animal, maintenance des bâtiments et des pâturages, transport).
Cette mesure s’inscrit dans un contexte de déclin marqué de la main-d’œuvre agricole, comme l’indiquent les données de Statistics Mauritius. En 2017, 5 300 ouvriers contribuaient à une production de 337 700 tonnes de sucre, représentant 45 % de la force agricole totale. Pour la récolte 2024-2025, estimée à 226 000 tonnes, seuls 2 100 travailleurs ont été mobilisés sur un total de 4 900 personnes dans le secteur. Les causes incluent des conditions de travail peu attractives, des salaires inférieurs à ceux d’autres industries et une inflation salariale de 60 % dans le sucre, entraînant l’abandon de la profession par de nombreux petits planteurs.
La concurrence avec des emplois mieux rémunérés dans des secteurs connexes amplifie cette désertion, tandis que le ministère pointe des « perspectives d’emploi plus séduisantes ailleurs ». Sur dix ans, la superficie cultivée en canne a chuté de 57 000 à 36 000 hectares, avec une production passant de 400 000 à 226 000 tonnes, en raison notamment de l’absence de politiques foncières claires.
Parallèlement au recrutement étranger, le ministère de l’Agro-industrie promeut la mécanisation pour réduire la dépendance au travail manuel. La Mauritius Cooperative Agricultural Federation Ltd fournit des services comme deux moissonneuses-batteuses avec tracteurs et remorques, capables de récolter et transporter 25 000 à 30 000 tonnes par saison. Des essais de drones pour les pulvérisations d’herbicides et de maturants, ainsi qu’un petit moissonneur adapté aux terrains irréguliers, complètent ces efforts.
Cette double approche – importation de main-d’œuvre et modernisation – vise à stabiliser un secteur clé de l’économie mauricienne, sans pour autant résoudre les défis sous-jacents de compétitivité et d’attractivité.