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Impact des mesures budgétaires : 2 500 voitures reconditionnées vendues en trois semaines

Si l’objectif affiché vise à décongestionner les routes, la méthode, elle, laisse un goût amer auprès des automobilistes.

Course contre la montre dans les showrooms : près de 2 500 voitures reconditionnées ont été écoulées ces trois dernières semaines. À l’origine de cette ruée sans précédent : l’entrée en vigueur imminente de mesures budgétaires qui bouleversent le marché automobile. Entre pénuries, tensions logistiques et inquiétudes des clients, les concessionnaires tirent la sonnette d’alarme.

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Les concessionnaires n’ont jamais connu pareille affluence. Depuis l’annonce des nouvelles mesures budgétaires, une course contre la montre s’est engagée. Le résultat ? Près de 2 500 voitures reconditionnées vendues en seulement trois semaines. Les consommateurs se ruent chez les concessionnaires avant le 1er juillet 2025, date de l’entrée en vigueur des nouvelles mesures fiscales annoncées dans le Budget 2025-26. 

Zaid Ameer, président de la Dealers in Imported Vehicles Association (DIVA), ne mâche pas ses mots : « Du jamais vu ! Nous avons vendu près de 2 500 voitures en un temps record. » Mais ce n’est pas une bonne nouvelle, selon lui. Derrière ce succès apparent se cache une vérité alarmante : « Cela montre que les gens paniquent face aux augmentations annoncées. » 

Un problème logistique se pose toutefois. Selon Zaid Ameer, de nombreux clients risquent de ne pas recevoir leur véhicule à temps. « Les délais sont courts et tout le monde n’aura pas son véhicule avant le 1er juillet 2025. Certains devront payer l’enregistrement même s’ils avaient réservé avant », explique-t-il. 

Tension palpable 

La tension est palpable chez les concessionnaires. Plusieurs font face à une rupture de stock inédite. Dans certains cas, les véhicules commandés ne seront livrés qu’après le 1er juillet. Cela force les clients à supporter les frais d’enregistrement majorés ou à renoncer à leur achat. 

« Des personnes avaient réservé leur voiture avec enthousiasme. Elles pensaient pouvoir finaliser l’achat dans les délais », témoigne un repreneur de showroom sous couvert d’anonymat. « Malheureusement, les délais d’acheminement dépassent nos prévisions. Nous avons dû rembourser certains clients. » 

Un autre concessionnaire, toujours sous couvert d’anonymat, confirme cette situation. « Les stocks sont épuisés. Nous avons dû rembourser plusieurs clients car les véhicules ne seront disponibles que dans un mois.» 

Alors que les nouvelles mesures prennent effet le 1er juillet, une certitude s’impose : l’accès à la mobilité individuelle sera désormais un privilège plus qu’un choix. Si l’objectif affiché vise à décongestionner les routes, la méthode, elle, laisse un goût amer auprès de ceux qui n’ont ni les moyens de payer plus, ni les alternatives pour rouler moins.

Osman Mohamed : «C’est une décision impopulaire mais nécessaire»

Le ministre du Transport terrestre et du Metro Express, Osman Mohamed, justifie les nouvelles mesures. Il invoque des impératifs environnementaux et de gestion urbaine. « Le but est de réduire le nombre de véhicules sur nos routes. Le parc automobile est trop dense. Cela provoque une congestion chronique », explique-t-il. Il affirme que la qualité de l’air à Maurice s’est détériorée significativement. « En 10 ans, notre pays est passé de la deuxième à la sixième place. La pollution est en grande partie causée par les véhicules. Il fallait réagir. » En ce qui concerne les frais additionnels pour le transfert de véhicules, il estime que cette mesure découragera les achats impulsifs. Elle encouragera les citoyens à considérer des alternatives plus durables. « Ce n’est pas une décision populaire, mais elle est nécessaire pour penser à long terme. »

La transition verte freinée 

Zaid Ameer détaille l’ampleur du désastre. À partir du 6 juin 2025, les droits d’accise sur les véhicules hybrides et électriques seront réintroduits. « Une Yaris Cross hybride coûtera jusqu’à un million de roupies de plus. C’est une hausse de 75 % ! », dit-il.  Les taux de droits d’accise et de douane sur les véhicules thermiques augmenteront de 45 % à 100 %. Quant aux frais d’enregistrement pour la première immatriculation, ils subiront une hausse de 30 %. Ces véhicules, que les Mauriciens privilégiaient pour leurs économies à long terme, deviennent désormais inaccessibles pour beaucoup.  Plus grave encore : la suppression complète des incitations écologiques. « Il y avait des avantages pour les hybrides et les électriques. Maintenant, c’est terminé », regrette Zaid Ameer. Le Negative Excise Duty Scheme, c’est-à-dire le remboursement de Rs 200 000 par la Mauritius Revenue Authority aux particuliers ayant acheté une voiture électrique, sera supprimé. « Le message que l’on envoie est que l’écologie est devenue un luxe », constate le président de la DIVA. 

Routes délabrées, taxes en hausse 

Les citoyens s’interrogent

Pour Marwan Javed, observateur attentif aux questions d’infrastructure, le problème dépasse la simple question des prix. Il interpelle les autorités sur l’utilisation réelle des fonds récoltés via la Road Tax. « On nous dit que la hausse servira à entretenir les infrastructures. Mais quand on voit la réalité, on est en droit de douter. Nos routes sont en piteux état. Où va cet argent ? », s’interroge-t-il. Selon lui, la transparence fait défaut. « Le public a droit à un état des lieux clair. Si on augmente les contributions, il faut que cela se traduise par des améliorations visibles. » Or, dit-il, les projets d’entretien semblent rares ou financés par des prêts étrangers.

Yash Mohundin, entrepreneur dans la location : «Le marché se contractera»

Dans le secteur de la location, le choc est tout aussi palpable. Yash Mohundin, jeune entrepreneur, voit ses plans chamboulés. Il comptait agrandir sa flotte mais a dû tout mettre en pause. « J’avais prévu d’acheter deux nouvelles voitures mais c’est devenu impossible. » Les conséquences sur son activité sont immédiates : « Je devrai augmenter les tarifs de location d’environ Rs 500. Le marché se contractera et ma clientèle diminuera. »

Road Motor Vehicle Licence 

Les chauffeurs de taxi étranglés 

Naseer, chauffeur de taxi basé à Bel-Air, évoque une situation de plus en plus intenable. La nouvelle Road Motor Vehicle Licence – mesure visant à soulager les propriétaires de véhicules de 1300 à 2000cc – les frappe durement. L’augmentation varie entre Rs 300 et Rs 4 000 selon la puissance du moteur. 

« Autrefois, pour ma 1600cc, je payais Rs 900. Maintenant, c’est Rs 2 400. C’est énorme ! » lance-t-il. « Je dois revoir mes tarifs et une hausse de Rs 5 par course est envisagée. À la fin, c’est le consommateur qui trinque. Déjà que le métier était difficile avec la météo capricieuse, la concurrence féroce et l’entretien coûteux. Voilà que s’ajoutent des décisions qui compliquent davantage notre quotidien. »  Rajesh, un autre chauffeur de taxi opérant dans la région de Belle-Rive, dénonce une « décision sans consultation ». « Il aurait fallu discuter avec les acteurs concernés avant de nous imposer cela. Ce n’est pas qu’une affaire de taxis. C’est toute une population qui est concernée. »

Son indignation va plus loin. « Les jeunes ne pourront plus s’acheter de voiture comme avant. » Il remet en cause l’équité de la démarche : « Pourquoi devons-nous toujours faire des sacrifices ? Où est passée la justice sociale ? Ce n’est pas normal que les petites gens soient constamment celles qui paient. »

 

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