Société

Ils ont plus de 60 ans: still going strong

En juillet 2018, l’âge de la retraite passera à 65 ans. En attendant, ils sont nombreux à travailler après 60 ans, par plaisir ou par obligation. Rencontre avec des personnes âgées qui ont encore la force de gagner leur pain... Nous sommes à la rue Boulevard Rivaltz, à Port-Louis. Pas trop loin du brouhaha de la capitale, nous rencontrons dans une ruelle, Sheela M. et son époux devant leur étable. à 80 ans, on peut dire que Sheela est une dame de fer: pas physiquement certes, mais c’est une battante.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4400","attributes":{"class":"media-image wp-image-6840","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"795","alt":"Sheela\u2008M."}}]] Sheela M.

<
Publicité
/div> Les cheveux blancs, vêtue d’un saree, elle a l’apparence d’une femme frêle et exténuée. Cependant, tous les matins, elle se réveille très tôt et enfile ses bottes pour aller nourrir les quelques vaches et cabris qui lui restent. La plupart du temps, elle reste courbée et éprouve des difficultés à se relever. Son époux est aujourd’hui trop fragile et ne peut plus s’occuper des animaux. « Auparavant, il prenait sa charrette pour aller vendre le lait dans la capitale. Tout le monde ici avait du bétail, mais depuis une dizaine d’années, nous sommes les seuls dans les environs à en avoir », raconte Sheela. [blockquote]Elle dit avoir choisi ce métier: «Depi ki mo rapel, sa mem travay monn fer».[/blockquote] Elle a tout appris de ses parents et ensuite de son mari. Elle se rappelle aussi avoir remporté le prix de meilleure vachère dans le passé. Ses enfants, qui habitent dans les environs, l’aident de temps à temps à traire les vaches et surtout pour aller chercher de la nourriture, mais Sheela insiste pour s’occuper seule des animaux. « Ma mère a beaucoup de patience et aime son métier », confie sa fille. Quant à Sheela, elle avoue que c’est non seulement par passion qu’elle continue à travailler, mais surtout pour arrondir ses fins de mois. « Mon époux ne peut plus rien faire désormais et la pension que nous touchons ne suffit pas à couvrir toutes nos dépenses. Nous sommes donc obligés de travailler. » Sa fille Mala, âgée de 62 ans, s’occupe de la vente du lait frais. « Nous sommes une famille modeste qui a toujours travaillé très dur.  Auparavant, nous avions beaucoup plus de clients réguliers qui venaient nous acheter du lait, mais de plus en plus la clientèle se fait rare. Cet argent nous aide beaucoup ». Comme Sheela et Mala, ils sont nombreux à accomplir de petits travaux pour joindre les deux bouts. Certains travaillent à leur propre compte, alors que d’autres poursuivent leur carrière dans le secteur privé ou public.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4360","attributes":{"class":"media-image wp-image-6766","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"711","alt":"Mark"}}]] Mark

Un choix

Marc (prénom fictif), 63 ans, est fonctionnaire au sein d’un ministère. Pour lui, travailler jusqu’à l’âge de 65 ans est un choix. « Tout d’abord, je m’ennuie à la maison. Cela fait plus de 40 ans que je travaille et cesser toute activité professionnelle du jour au lendemain m’a paru très difficile. De plus, je termine la construction de la maison pour les enfants et cet argent me permet de continuer à payer mon emprunt bancaire, sans avoir à me serrer la ceinture. J’ai aussi la possibilité de faire quelques économies pour aider mes enfants et petits-enfants dans leurs projets. C’est une chose que je n’ai pas pu faire pendant une bonne partie de ma carrière », explique-t-il. Dans le secteur privé, on travaille soit par plaisir, soit par obligation après 60 ans. C’est un  phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur avec la population vieillissante, selon les statistiques du Digest of Demography 2014, le pays comptait 179 224 personnes âgées de plus de 60 ans. Maurice est classé dans le Top 10 africain (selon le Global Age Watch Index), en ce qui concerne la sécurité des revenus, en termes de pension de vieillesse universelle. Cependant, les personnes âgées estiment que la seule façon de s’en sortir est de continuer à travailler.  

L’âge de la retraite en 2018 passe à 65 ans

Selon l’Employment Rights Act de 2008, alors qu’actuellement l’âge de la retraite est de 60 ans, il passera à 65 en 2018, plus précisément en juillet 2018. À l’heure actuelle, cet exercice se fait de manière graduelle, par phases, et n’est pas obligatoire. Toute personne désirant prendre sa retraite à 60 ans peut encore le faire. Cependant, en 2018, cette pratique deviendra uniforme et tout le monde travaillera jusqu’à l’âge de 65 ans.

Témoignage - Amrith, 69 ans, tantôt jardinier tantôt mendiant

Jardinier de profession, Amrith Kumar Buldawoo fait partie de ces personnes âgées exploitées. Il jongle avec les petits métiers : maçon, gardien et jardinier. « Je fais du porte-à-porte à Albion pour demander du travail. Parfois, je travaille deux jours, puis je suis sans emploi. Je suis alors obligé de mendier. Heureusement que les gens m’aident un peu. Un habitant de la région m’a offert un endroit où dormir, alors que d’autres m’offrent le repas du soir très souvent. Je veux bien travailler “me parfwa dimoun fer dominer ar mwa” », dit-il.
Il raconte que certaines personnes le font travailler, mais ne le paient pas. « Zot dir mwa travay apre pou paye. apre kan mo al guet zot, zot pouss mwa ». Il lance un appel pour trouver un job. [row custom_class=""][/row]

La grogne chez les fonctionnaires

L’âge de la retraite au-delà de 60 ans représente des avantages pour la personne concernée. cependant, il comporte des inconvénients pour d’autres fonctionnaires. « Nos promotions sont retardées, parfois jusqu’à cinq ans plus tard, car les anciens sont toujours en poste. C’est injuste à notre égard, car nous attendons depuis très longtemps. Ils continuent à bénéficier des allocations de transport alors que dès l’âge de 60 ans, ils obtiennent leurs cartes d’autobus et bénéficient du transport gratuit. Les personnes que je connais ne viennent plus en voiture. Ils prennent l’autobus chaque matin et profitent de leur allocation de transport. Ce n’est pas pareil dans le secteur privé. On ne les paie pas pour le transport, sauf dans des cas exceptionnels. Je trouve que le gouvernement devrait revoir tout cela, car c’est du gaspillage », avance une employée de la section finances.


 

Jane Ragoo, de la CTSP: «Il faut maintenir l’âge de la retraite à 60 ans»

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"2736","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-3654","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"251","alt":"Jane Ragoo"}}]]La Confédération des travailleurs du secteur privé estime qu’il est important de maintenir l’âge de la retraite à 65 ans. « Si les gens continuent à travailler à cet âge, c’est parce qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Si la loi permet aux personnes de travailler, il faut règlementer la situation. On ne peut pas continuer à exploiter des gens, et c’est ce qui se passe, surtout dans le secteur privé. Ces personnes, pour la plupart, sont vulnérables. elles ne le font pas toutes pour le plaisir. Malheureusement, cela profite uniquement aux patrons. Le travail est fait sans qu’ils aient à payer de transport ou à contribuer à la Sécurité sociale. je parle surtout des agents de sécurité, qui travaillent pour des salaires de misère. Zot pez nene bwar dilwil, car leur pension ne suffit pas. Ils n’ont nulle part où s’en plaindre. Les patrons le savent très bien et en profitent », explique Jane Ragoo, syndicaliste.

Rashid Imrith, de la FSSP: «À 60 ans, les employés ont toujours des dettes»

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3370","attributes":{"class":"media-image wp-image-5008","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"382","alt":"Rashid Imrith"}}]] Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du secteur public (FSSP)

Le président de la Fédération des syndicats du secteur public (FSSP) estime, quant à lui, que la possibilité de travailler au-delà de 60 ans aide beaucoup les employés du secteur public. « Auparavant, les fonctionnaires commençaient leur carrière à 19 ans et continuaient leurs études par la suite. De nos jours, c’est après avoir terminé leurs études, vers l’âge de 27 ans, qu’ils sont employés. S’ils n’ont pas 38 ans de service, ils n’auront pas de pension complète, donc ils continuent à travailler. Comme dans tous les secteurs, à l’âge de 60 ans, ces employés ont toujours des dettes : emprunts bancaires ou enfants qui étudient. Certains prennent leur retraite à 60 ans et paient toutes leurs dettes, alors que d’autres profitent de ces cinq années supplémentaires pour payer les dettes. » Il reconnaît que cela cause des inconvénients « notamment au niveau des promotions », mais il n’est pas d’accord avec ceux qui protestent contre l’allocation de transport de ces employés. « La loi et le contrat de travail de l’employé stipulent qu’il a droit à un remboursement pour ses frais de transport. De la même manière, l’employeur ne rembourse pas plus, si l’employé décide de prendre un transport supplémentaire parce que le bus le dépose très loin de son domicile. Certains continuent à prendre leur voiture et doivent bénéficier de cette allocation », dit-il.
Related Article
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !