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Ils gagnent leur vie dans la rue: le cri du cœur des marchands ambulants pour être régularisés

Ces derniers jours, les marchands ambulants sont sous les feux de projecteurs. L’occasion pour le Défi Plus d’évoquer leur quotidien, leur cache-cache perpétuel avec les autorités ou encore leur colère face aux « faux » marchands de rue. Confessions de trois d’entre eux.

Alain Jean Marie, marchand ambulant depuis 28 ans: « Qu’on nous donne un espace où travailler »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5598","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-11857","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1920","height":"1080","alt":"Alain Jean Marie"}}]]Alain Jean Marie, 51 ans, a travaillé dans plusieurs rues de la capitale (rue John Kennedy, rue l’Église,…) avant de prendre ses quartiers depuis 15 ans tout près du supermarché Winners. Cette année, cela fait 28 ans qu’il exerce le métier de marchand ambulant. Une activité qui est devenue sienne quand cet ancien machiniste a commencé à voir des usines de textile fermer leurs portes pour se délocaliser vers Madagascar. « À mes débuts, j’achetais des produits avec les usines et je les revendais en marchant dans diverses rues », relate Alain Jean Marie.Petit à petit, il s’approvisionne chez les magasins en gros. Toutefois, depuis 2010, il se rend, chaque année, deux fois en Inde pour constituer son stock. « Il y a cette perception que les marchands ambulants se font beaucoup d’argent. C’est loin d’être le cas ! Nous n’exerçons pas un métier facile. Nous devons rester debout toute la journée sous un soleil de plomb ou sous la pluie. Si parfois nous rentrons chez nous avec Rs 300 ou Rs 400, il y a aussi des fois où nous n’effectuons aucune vente », explique Alain Jean Marie, qui vend des vêtements pour les femmes. Commentant les derniers incidents, Alain Jean Marie n’y va pas avec le dos de la cuillère. « C’est un problème qui est devenu un cancer. Chaque année, à pareille époque, on voit des gens venir envahir les rues. Ce qui porte préjudice aux vrais marchands quand les autorités veulent y mettre de l’ordre. Ce n’est pas normal que nous soyons punis pour leur faute », martèle-t-il. Parmi ces « faux marchands », indique-t-il, on retrouve des gens du bureau qui écoulent des produits rapportés par leurs proches de l’étranger, des personnes employées par des magasins ou encore des fonctionnaires qui sont en congé. « Cela fait des années que divers gouvernements tentent de trouver des solutions, mais en vain. La classe politique se mêle trop de nos activités. Il faut qu’il y ait une réelle volonté pour régulariser la situation de vrais marchands ambulants. Qu’on nous donne un espace où travailler car c’est à travers ce moyen que nous gagnons notre vie. Nous n’aurons ainsi pas de problème avec les autorités policières », fait-il ressortir.  
   

Fouad Carrimbacus, marchand ambulant depuis qu’il a 11 ans: « Nous n’aspirons qu’à être régularisés »

[padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1] [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5599","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-11858","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"480","alt":"Fouad Carrimbacus"}}]]À 65 ans, Fouad Carrimbacus exerce toujours le métier de colporteur. « Je n’ai pas vraiment le choix. Il faut joindre les deux bouts », indique ce père de quatre enfants. C’est à l’âge de 11 ans que Fouad Carrimbacus est tombé dans ce métier. « Mon père était décédé à cette époque-là », relate-t-il. Et c’est ainsi qu’il se retrouve à vendre des ballons et autres articles divers dans les rues de Rose-Hill. Cet habitant de Trèfles finit, toutefois, par exercer son métier dans les rues de la capitale à partir de 2001. Aujourd’hui, il est installé à Cassam Lane, la rue se situant entre le bâtiment d’Air Mauritius et Winners. Ainsi, chaque matin, de lundi à samedi, il va prendre son chariot, récupérer ses marchandises (Ndlr : il vend des vêtements pour homme) chez une personne qui les stocke pas loin avant d’installer ses produits et ainsi commencer sa journée. Les récents incidents lui rappellent l’année 2012 quand les policiers ont détruit son stand. Une année durant laquelle il a dû constamment remballer vite fait ses articles pour échapper à la police. « Heureusement qu’aujourd’hui, les autorités nous ont laissé travailler de nouveau. Nous avons eu peur à un moment donné que ce ne soit pas le cas surtout que c’est au mois de décembre que nous réalisons nos meilleures ventes », fait-il ressortir. Pour Fouad Carrimbacus, il est important que les autorités trouvent une solution permanente pour éviter ce genre de situation l’an prochain. « Il faut loger les vrais marchands ambulants dans un endroit spécifique. Nous n’aspirons qu’à être régularisé », insiste-t-il.  
   

Vima, colporteur depuis 20 ans: « Nous ne voulons plus jouer à cache-cache avec les policiers »

Travailler dans la rue est une épreuve constante pour Vima (nom fictif car elle souhaite parler sous l’anonymat). Cette habitante de la capitale, âgée de 43 ans et qui élève seule son fils, a dû affronter à maintes reprises la force policière. « On a déjà saisi mes produits et j’ai dû payer récemment deux contraventions. J’ai dû emprunter de l’argent pour rembourser les magasins en gros où je m’approvisionne », indique-t-elle. Elle est donc constamment sur le qui-vive de peur que les policiers ne viennent saisir ses produits. « Cette année a été particulièrement difficile. Ine bisin galoupe beaucoup. Vu le nombre grandissant de marchands, les ventes ont chuté. Comme je travaille sur des petites marges de profits, je suis doublement affectée. Nous comptons beaucoup sur ce mois de décembre pour nous remettre à flot et les derniers incidents n’ont pas arrangé la situation », souligne notre interlocutrice. Toutefois, pour Vima, il n’est pas question de changer de métier. « C’est le seul métier que je connais et qui me permet de joindre les deux bouts. D’ailleurs, mes parents et plusieurs autres proches sont marchands ambulants », indique Vima, qui vend des vêtements à la gare Victoria, sept jours sur sept. Pour Vima, ce sont les marchands qui font surface qu’en période festive qui est le véritable problème. « Tous les mois on se ronge les os et quand il faut manger de la viande, on vient nous l’arracher des mains », s’insurge Vima. D’où la nécessité, indique-t-elle, de faire un recensement dès le mois de janvier pour savoir qui sont les vrais marchands ambulants. « Ce qui éviterait qu’on ait des problèmes chaque décembre », fait-elle ressortir. Elle recommande aussi aux autorités de trouver un endroit où placer les marchands ambulants. « Cela fait des années qu’on nous le promet. Il est temps d’apporter des solutions. Nous sommes, à notre niveau, prêts à payer une location. Nous n’aurons ainsi pas à jouer à cache-cache avec les policiers », conclut-elle.  
   

Quatre catégories de marchands ambulants

  1. Des PME. Elles fabriquent leurs produits (vêtements, objets divers,…) à domicile qu’elles écoulent dans la rue.
  2. Des marchands qui s’approvisionnent dans des magasins en gros à la rue La Corderie, la rue Pasteur, la rue La Reine, entre autres, notamment dans le magasin Rawat, le magasin Allymeeah, chez Lindsay Trading, le magasin Hassen, entre autres. On compte plus d’une cinquantaine de magasins en gros où les marchands de rue s’approvisionnent.
  3. Une partie de marchands ambulants partent en Chine ou en Inde deux fois l’an pour constituer leur stock de produits. Ils partent notamment au mois de février et de septembre.
  4. Des marchands saisonniers qui font leur apparition pendant la période festive.

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Hyder Raman, président de la Street Vendors’ Association: « Nous sommes prêts à faire face à n’importe quelle éventualité »

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[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"5600","attributes":{"class":"media-image wp-image-11859","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"480","alt":"Hyder Raman"}}]] Hyder Raman, président de la Street Vendors’ Association

Le ministre Anwar Husnoo a déclaré à la presse cette semaine qu’il n’y aura plus aucun marchand de rue en janvier. Comment les marchands ambulants accueillent-ils cette intention ? Cela fait un quart de siècle que certains marchands ambulants travaillent dans la capitale. Nous sommes encore sous le choc de la pression, la persécution et la façon d’agir des forces de l’ordre ces derniers temps. Nous vivons un vrai traumatisme et nous sommes encore dans l’incertitude en ce qu’il s’agit de notre avenir. Nous sommes surtout inquiets pour ces mères et pères qui exercent ce métier pour subvenir aux besoins de leur famille. Entre-temps, la Street Vendors’ Association continue à faire des revendications afin que les 1 500 vrais marchands ambulants de la capitale soient régularisés et légalisés. Nous souhaitons que notre appel ne tombe pas dans les oreilles de sourds. En tant que membre du gouvernement, le ministre a la liberté de s’exprimer. Quant aux 1500 marchands ambulants, nous gardons la tête sur les épaules et nous sommes prêts à faire face à n’importe quelle éventualité aujourd’hui, demain ou plus tard. Quelle serait la solution pour résoudre l’épineux problème des marchands ambulants ? Il faut absolument mettre sur pied un comité d’urgence composé de ministres compétents, des opérateurs économiques et de la Street Vendors’ Association. Ce comité doit faire des recommandations afin que les 1 500 vrais marchands ambulants sortent de l’illégalité et soient inclus dans le secteur formel. Il faut nous trouver un endroit où nous loger afin que nous puissions travailler en toute sérénité. Il faudrait par ailleurs que les politiciens cessent d’utiliser les marchands ambulants et de jouer avec leur avenir. Selon vous, il n’y a que 1 500 vrais marchands ambulants. Or, c’est un nombre bien plus important qu’on retrouve dans les rues de la capitale en décembre… En effet ! Il faut compter entre 2 500 et 3 000 marchands en cette période. Ils débarquent uniquement en période festive. Parmi, il y a des fonctionnaires en congé, des jeunes en vacances, des gens employés par des gros importateurs ou autres gros commerçants. Si plusieurs marchands de rue vivent de leur métier, il y a aussi cette perception que les marchands ambulants sont des gens riches… Le commerce est un métier noble. Si des marchands qui travaillent honnêtement et avec conviction prospèrent, il n’y a aucun mal à ce qu’ils prospèrent et fassent des profits comme le font tous les business. Toutefois, il faut faire ressortir que ce n’est pas facile d’opérer en tant que marchand de rue. Nous devons faire face au climat, mais aussi aux pressions de la force policière, des opérateurs économiques et du grand public car certains n’aiment pas notre présence dans la capitale. Toutefois, nous sommes dans un pays de droits et le métier que nous pratiquons n’est pas légal. D’où nos revendications pour être régularisés. Pour les commerçants, les marchands ambulants nuisent à leur business et leur font de la concurrence déloyale… Ce n’est pas les marchands ambulants qui sont le fond du problème. C’est la clientèle qui s’est éparpillée à travers l’île qui en est la cause. La capitale a en effet perdu 30 à 40 % de sa clientèle qui transite par Port-Louis. Ces clients font leurs achats dans les centres commerciaux, les foires régionales et autres commerces qui s’est proliférée à travers l’île. Ce n’est donc pas totalement juste de nous attribuer la baisse de la clientèle.
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