Le jour où il devait se marier de force avec Judy, en 1968, Genève Morel avait pris tout le monde par surprise. Alors qu’on le conduisait en voiture à l’église St-Patrick pour se faire passer la corde au cou, il a pu se sauver, déclenchant une véritable chasse à l’homme à Rose-Hill et à Candos. Retour sur cette histoire rocambolesque racontée par les principaux acteurs avec nostalgie, un brin d’humour et quelques larmes.
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« Je vais tout vous raconter et ce sera toute la vérité », dira d’emblée Marie-France. « J’avais 14 ans et je fréquentais le collège Mauritius à Curepipe lorsque Genève a commencé à me faire la cour. » Puis les années se sont écoulées et les choses sérieuses sont arrivées.
Genève a fait sa demande en mariage le jour de l’Indépendance, le 12 mars 1968. « Le parfait accord existait entre nos deux familles, surtout entre moi-même et la mère de Genève », confie Marie-France. Toutefois, les choses ont changé lorsqu’un projet de départ pour l’Australie a été mis sur le tapis par les deux jeunes gens.
Pour déjouer ce plan, la maman de Genève avait décidé qu’il fallait absolument marier Genève... mais avec une autre fille. C’est ainsi que les parents de Judy seront approchés. Ceux-ci donnèrent vite leur consentement. Malgré les réticences de Genève, les deux familles se sont liguées pour concrétiser leur projet : il fallait d’abord organiser le mariage civil.
Ce jour J, nous dit Marie-France, Genève s’était rendu chez des amis à Rose-Hill. Son frère est ensuite arrivé pour lui annoncer que sa présence était requise auprès de sa maman, tombée subitement malade. Genève a suivi son frère. En arrivant à la maison, il a noté avec surprise que tout le monde était sur leur trente-et-un et que sa mère était en parfaite santé. Il nota aussi la présence de Judy en compagnie de sa mère. Il est pris d’un étrange pressentiment.
L’arrivée d’un monsieur costumé portant un gros livre sous le bras était de mauvais augure. Il avait bien raison : c’était un officier de l’État civil. Genève s'est vite retrouvé marié civilement. Il a alors compris que son mariage religieux aurait lieu dans les huit jours qui suivraient.
En apprenant la surprenante nouvelle, Marie-France sera bouleversée, et alors qu’elle marchait dans la rue, les larmes aux yeux, elle ne verra pas arriver la voiture qui va la renverser.
Plan échafaudé
Alors que les préparatifs du mariage étaient en cours, Genève a eu tout le loisir de parler à Marie-France pour la rassurer que le mariage n’aurait pas lieu. Il a pu échafauder un plan pour éviter à tout prix ce mariage arrangé. «J’avais pris la décision de bien me rendre à l’église, mais qu’au moment de l’échange des consentements, je dirai « non.»
Genève partagea son idée « géniale » avec un prêtre. C’était un Français. Celui-ci connaissait toute l’histoire et s’était rangé du côté des deux jeunes gens. Cependant, il n’épousera pas la suggestion de Genève et le lui fit comprendre. Pourquoi ?« Si tu vas dire non à l’église, tu pourrais être malmené. Il vaut mieux que tu te sauves. »
Ces paroles ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Le jour du mariage fixé à 10 heures le matin, Genève s’est réveillé tôt. Il est allé se cacher dans une cabane, dans la région où habite sa bien-aimée et où il serait difficile de le trouver. Hélas, il est repéré par deux commères de la localité. Celles-ci ont aussitôt alerté la police. Comme il n’y avait rien à reprocher à Genève, les policiers se sont contentés de le ramener chez ses parents.
Et là, sans qu’il puisse se rendre compte de ce qui lui arrivait, Genève s’est retrouvé propre comme un sou neuf et vêtu d’un somptueux costume avec deux alliances dans la poche intérieure de sa veste. Départ ensuite pour l’église St-Patrick.
Comment faire pour fausser compagnie à ses « geôliers » qui l’emmenaient contre son gré à l’église ? Aucune issue ne se présentait à Genève. Subitement, il eut une idée lumineuse. « J’ai soif ! », dit-il à sa mère.« Tu boiras après !», lui répondit-elle. Genève se mit à insister et ôta sa veste qu’il tendit à sa mère en lui disant sur un ton rassurant : « Tiens, je reviens tout de suite. »
Fuite éperdue
On ordonna ainsi au chauffeur de s’arrêter. Genève ouvrit aussitôt la portière et fila vers la boutique du coin à proximité de l’église St-Patrick. Sa mère, savourait déjà sa victoire et était persuadée que Genève allait réapparaitre. Puis, après un court instant, son sang se glaça dans ses veines. Elle comprit que Genève leur avait faussé compagnie. Le jeune homme était bien entré dans la boutique, mais nul ne l’a vu ressortir par l’autre porte.
Genève avait pris ses jambes à son cou. Évitant la voie publique, il s’est faufilé à travers les propriétés privées. Les gens étaient intrigués par ce jeune homme élégamment vêtu qui courrait comme s’il avait le diable aux trousses.
Chez les parents de Genève, c’est une véritable chasse à l’homme qui s’était engagée. Genève a pu héler un taxi et s’est retrouvé auprès de Marie-France à l’hôpital. « Tu vois, comme promis, je ne me suis pas marié. »Il s’est alors débarrassé de sa cravate qu’il tendit à Marie-France. Leur reprise de contact a dû cependant être écourtée. C’était pour éviter de mauvaises surprises. En effet, une fois à l’extérieur, Genève, tous ses sens en éveil, ne tardera pas à remarquer les têtes qui ne lui disaient rien de bon. Il se glissa dans son taxi, en route pour la liberté, laissant ses poursuivants le chercher désespérément dans les couloirs de l’hôpital Victoria, à Candos.
Depuis cette mésaventure, Genève, technicien de profession et chercheur à succès dans les énergies renouvelables, a trouvé son âme-sœur en Marie-France qui est, elle, versée dans la peinture. Elle a été la première Miss Mamie de la République en remportant haut la main la Palme du concours organisé sous l’égide de la municipalité de Curepipe, il y a une dizaine d’années.
De l’union de Genève et Marie-France, sont nés cinq garçons et une fille. Ils ont aussi onze petits-enfants qui font leur joie de vivre.
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