Unis dans la vie comme dans la mort. L’un est parti à 20 h et l’autre à 21 h 30. Renjitsingh et Kisnawtee Neermul sont restés soudés jusqu'aux derniers moments. D’une veillée nuptiale, les proches sont passés à une veillée funèbre. Voici l’histoire d’un couple hors du commun, parti le 18 août.
Renjitsingh Neermul (91 ans) a poussé son dernier souffle à 20 h, le samedi 18 août dernier. Une heure et demie après, sa femme Kisnawtee (79 ans) a rendu l’âme sans savoir que son mari n’était plus de ce monde. Amour à mort, le couple Neermul avait célébré son 63e anniversaire de mariage en juin dernier. Retour sur ce double décès à Montagne-Longue, alors que la famille Neermul célébrait un mariage.
En Inde, le ‘sati’ est le sacrifice rituel et public des veuves sur le bûcher funéraire de leur époux. Aujourd'hui révolue, cette coutume funéraire a été interdite en 1829 pendant la colonisation britannique. La famille endeuillée de confession hindoue associe le décès de Kisnawtee Neermul au rituel du ‘sati’. « Nou mama inn al ensam avec nou papa. Zot lamour ti inconditionnel. »
La crémation de Kisnawtee Neermul a été faite en même temps que celle de son mari Renjitsingh, le lundi 20 août à Montagne-Longue. Jagdish Neermul, le fils aîné du défunt couple, revient sur les circonstances des décès de ses parents, survenus lors de la célébration du mariage de son fils, Shavin.
Un mariage et deux enterrements
Ce n’est pas un film mais la triste réalité de la famille Neermul à Valton, Montagne-Longue.
« Mon père avait une insuffisance cardiaque. Son cœur battait à 20 %. Sur recommandation du médecin de la famille, mes frères l’ont admis dans une clinique à Moka. Car nous étions pris avec les cérémonies du mariage de mon fils », explique Jagdish Neermul. Ce dernier affirme que la famille était consciente que la santé du patriarche n’était pas stable. En ce qu’il s’agit de sa mère, cela a été un véritable choc tant pour lui que pour ses proches.
« Samedi, alors qu’on célébrait la cérémonie du ’haldi’, ma mère était en parfaite santé. Elle a même accueilli quelque 1 000 invités, venus assister au mariage de mon fils, au Crimson Banquet Hall à Salazie », explique Jagdish Neermul, qui est enquêteur de profession. C’est vers 20 h que son petit frère Boosun reçoit un appel de la clinique lui indiquant que son père est décédé.
Pris de panique, il informe ses frères et tous décident de garder cette triste nouvelle jusqu’à la fin de ce rituel nuptial. Maîtrisant leurs émotions, ils dînent avec tristesse aux côtés de leur mère. Cette dernière, fatiguée, leur a demandé de la conduire à sa chambre pour se reposer. Ce faisant, Kisnawtee s’est malheureusement écroulée à tout jamais.
Ses deux fils Soobeeraj et Omraj, qui sont infirmiers de profession, sollicitent le médecin familial venu assister au mariage de leur neveu pour réanimer leur mère. En vain ! Ce soudain décès crée évidemment la panique parmi les invités. Et les frères Neermul avouent également le décès de leur père.
« Pour des raisons évidentes, les dépouilles de mes parents ont été envoyées à la chapelle ardente d’Elie & Sons. On a décidé de faire le mariage religieux de mon fils en respect des coutumes. Mais on a décidé d’annuler la réception du lendemain », explique Jagdish.
Après la cérémonie nuptiale, les frères Neermul ont regagné leur domicile à la rue Valton à Montagne-Longue pour la veillée funèbre. Ce n’est que le lendemain, soit le lundi 20 août, qu’ont eu lieu les funérailles du couple Neermul.
Accablés par la soudaine disparition de leurs parents, les frères Neermul se serrent les coudes pour surmonter cette douloureuse étape. Tout comme les brus et les petits-enfants ainsi que les proches de Renjitsingh et Kiswantee Neermul. Ces derniers étaient très appréciés dans leur localité.
Tristesse, pleurs et repli sur soi… Perdre ses parents à une heure d’intervalle le même jour n’est pas chose facile. Gérer ses émotions devient alors un mal nécessaire pour surmonter cette douloureuse étape. La famille endeuillée observe actuellement dix jours de prières en hommage à leurs parents, à qui ils vouent une gratitude pour leur amour inconditionnel.
Retour dans le passé
Fille unique du couple Aulum, Kiswantee est née le 26 décembre 1939 à Bel-Air. Sa mère décède peu après sa naissance et elle perd ensuite son père à l’âge de 5 ans. Elle habite à Lallmatie avec son oncle paternel. Analphabète, elle se marie à l’âge de 15-16 ans avec Renjitsingh Neermul, fils d’un agriculteur à Montagne-Longue. De cette union sont nés six fils : Jagdish (60 ans), Prem (58 ans), Haymun (55 ans), Omraj (52 ans), Soobeeraj (46 ans) et Boosun (44 ans). Ces derniers racontent que lorsque leur grand-père Rampersadsingh est décédé, leur père n’avait que 20 ans.
« Linn repren bizness familial. Li ti pe cultive Kann, légim ek ti pe distribué dilé vass ziska Porlwi. »
À 55 ans, Renjitsingh Neermul perd sa mère, âgée de 93 ans. « Nou papa ti pe okup nou granmer. Li ti mem aprann fer injecsion ar enn dokter. Apre linn bien aid ban dimun malad dan lendrwa. » Mais encore, ils soutiennent que leur père a été un des premiers chauffeurs de Montagne-Longue, avec sa Morris Minor immatriculée 7346. « Linn montré bokou dimoun kondir dans lendrwa. »
Jagdish Neermul décrit son père comme quelqu’un qui aimait les voyages. Idem pour sa mère. Le couple Neermul a effectué plus de 10 voyages en Angleterre mais a aussi visité l’Inde, la France et la Suisse, entre autres.
D’ailleurs, en 2017, toute la famille Neermul s’est réunie à Londres pour la célébration des 90 ans de Renjitsingh Neermul. Ce dernier était un homme serviable qui aimait sa famille ainsi que ses enfants et petits-enfants, surtout le dernier nouveau-né qui se prénomme Mayur. « Papa ti contan lire zournal. » Renjitsingh était un fervent lecteur du Défi Plus. Le défunt couple était très actif dans les associations socio-culturelles.
La mésaventure de Soobeeraj Neermul
Deux bouteilles de whisky en sa possession lors d’un transit à Jeddah pour venir à Maurice ont fait que Soobeeraj, le fils du défunt couple Neermul, a raté son avion. Après des heures d’explications, il sollicite Saudi Airlines pour être sur un autre vol. Il est envoyé à Dubaï pour prendre un vol à destination de Maurice. Mais lorsqu’il arrive à l’aéroport, son nom ne figure pas sur la liste des passagers du vol d’Emirates à destination de Maurice. Fatigué de faire le va-et-vient, il met la main à la poche pour acheter un billet d’avion pour Maurice. Arrivé au pays le 3 août dernier, il n’a jamais reçu une de ses valises d’une valeur de 5 000 livres sterlings qui contenait ses habits pour le mariage, les cadeaux de sa mère et ses effets personnels. « Je voyage souvent. Je voulais découvrir Jeddah en voyageant sur Saudi Airlines. Mais plus jamais... » dit-il. Mais ce qui l’attriste davantage c’est qu’il a été pris par cette mésaventure et, ce faisant, il n’a pas pu profiter de ses parents à son arrivée au pays. « Ma mère m’a demandé un réveil en cadeau. Je n’ai pas pu lui donner son cadeau. Je pense que c’est du temps qu’elle voulait en cadeau », dit-il, les larmes aux yeux.
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