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IBA Act : le défilé maintenu malgré 22 conditions jugées «excessives»

Les membres de la Plateforme pour la Liberté d’Expression sont furieux. Et pour cause : les 22 conditions que la police leur impose pour le défilé du vendredi 10 décembre. Rajen Narsinghen, l’un des dirigeants de cette ONG, estime que les Casernes centrales veulent « mitiger le rendez-vous des citoyens », en le faisant paraître comme « une veillée mortuaire ».  Dev Sunnasy, cheville ouvrière de la plateforme, annonce qu’une rencontre a été sollicitée avec le Commissaire de Police par intérim pour que ces mesures « excessives et exagérées soient atténuées ».

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Rajen Narsinghen, juriste : « La police veut que le défilé soit comme une veillée mortuaire »

Il considère que cette « longue » liste de conditions de la police pour le défilé du vendredi 10 décembre a été imposée pour que le rassemblement ressemble à « une veillée mortuaire ». Mais Rajen Narsinghen a alerté le Commissaire de Police par intérim, lundi, au nom de la Plateforme pour la Liberté d’Expression, sur ce qu’il qualifie de « subterfuges » afin que des mesures correctives soient adoptées avant jeudi. Au cas contraire, l’ONG compte saisir la Cour suprême.

Le juriste, académicien et un des dirigeants de la Plateforme pour la Liberté d’Expression, dit ne pas comprendre « la rigidité » de ces restrictions policières relativement aux Consolidated Covid-19 Regulations 2021 et à la Public Gathering Act (PGA) de 1991. « La police n’a pas objecté en Cour suprême à notre demande pour l’organisation du défilé, mais elle profite pour nous imposer des mesures restrictives qui s’apparentent à de l’excès et à un abus des règlements régissant la Covid-19 et la PGA. On a sollicité une rencontre par voie de lettre afin de discuter de certains de ces obstacles qui sont pour nous des privations. La police limite notre champ d’action avec ces mesures excessives », avance-t-il.

Rajen Narsinghen ajoute que la série de mesures réduit le droit de se manifester drastiquement « comme on n’aura pas le droit d’utiliser des haut-parleurs, des porte-voix, encore moins de klaxonner. Si au niveau des organisateurs on veut, tout comme la police, que le défilé se passe dans l’ordre et la paix, il nous faudra au moins qu’on puisse s’adresser aux participants. Comment le faire si on nous empêche de sortir de nos véhicules pour guider et canaliser le rassemblement ? », demande le juriste.

Il avance que la Section 8 des restrictions lui pose un « immense » problème : « La police nous empêche de mettre des banderoles ou des écriteaux qui touchent directement à l’ordre public. Au final, on nous empêche de nous adresser à la foule et d’utiliser des banderoles, comment faire passer nos messages ? C’est comme si nous vivions dans une dictature… Puisque la Cour suprême nous a donné le feu vert quand la police n’a pas objecté à notre demande de nous rassembler, ne serait-ce pas là un Contempt of Court ? », poursuit Rajen Narsinghen.

Contradictions

Pour lui, il y a contradictions dans la démarche des Casernes centrales et « cela n’a pas de sens ». « Nous avons décidé de ne pas rassembler les Mauriciens devant une estrade et avons opté pour le défilé qui n’est pas un rassemblement classique, car nous allons rouler selon un trajet établi et accepté par les autorités policières. Mais, alors pourquoi toutes ces limitations qu’on nous impose ? Je suis convaincu que la police, derrière la Covid-19 et la PGA, veut que notre cortège ressemble à une veillée mortuaire », dit-il, pince-sans-rire.

S’attend-t-il à une présence massive vendredi de citoyens qui défendent la liberté d’expression ? À cette question, Rajen Narsinghen est catégorique : « la balle est dans le camp des Mauriciens ». « Le peuple a déjà  eu une victoire en Cour suprême, c’est maintenant à son tour de soutenir SA liberté et de s’exprimer en participant au défilé. Puis, c’est l’occasion pour le peuple mauricien de montrer au monde entier qu’il n’est pas une nation de moutons et qu’il ne cède pas aux caprices des gouvernants du jour. La manifestation se fera sous la thématique d’une phrase de notre hymne national, soit dans la paix et l’harmonie. Il faut que chaque citoyen prenne ses responsabilités ».

Un appel spécial aux membres du public pour ce défilé que certains qualifient déjà « d’Opération Escargot ? » « Ce ne sera pas une opération escargot, car nous n’aurons pas le droit de nous arrêter en cours de route, il faut rouler sans cesse. Ce sera une démonstration de force. Mon appel serait que des Mauriciens prennent une demi-journée de congé vendredi et participent au défilé pour forcer le gouvernement à revenir sur sa décision. De toute façon, si les ‘domestic remedies’, c’est-à-dire notre recours en Cour suprême, n’aboutissent pas, nous comptons internationaliser l’affaire au niveau des Nations-Unies, de l’Union européenne », conclut Rajen Narsinghen.

Les conditions imposées par la police

Dans une correspondance datée du samedi 4 décembre, adressée à Dev Sunnasy de la Plateforme 100% Citoyens et organisateur du défilé du vendredi 10 décembre, l’Acting Commissioner of Police, sous la plume du Deputy Commissioner of Police, R. I. Beekun, avance une série de directives que les participants à ce rassemblement devraient suivre à la lettre. 

La liste ci-dessus selon les Consolidated Covid-19 Regulations 2021: 

1.  Regulation GN 425 de 2021 : le port du masque est obligatoire

2. Regulation 5 du GN 245 de 2021 :  la distanciation sociale et physique doit être respectée

3. Part II para. 3 du Schedule du GN 245 de 2021 comme amendé par le GN 277 de 2021 : 
(i) pas plus de 50 personnes rassemblées en même temps ; 
(ii) distanciation physique d’au moins un mètre entre chaque participant ;
(iii) respect strict de l’itinéraire établi par la police ;
(iv) les passagers ne pourront descendre des véhicules ni s’engager dans une marche qui sera alors considérée comme illégale durant le déroulement du défilé ;
(v) les véhicules ne devront pas s’engager dans un ‘go slow’ et la vitesse devrait être raisonnable et d’un flot continu pour éviter toute obstruction au trafic ;
(vi) il faudra toujours garder le côté gauche de la route et laisser le côté droit totalement libre pour un permettre un  flot continu et le mouvement des autres usagers de la route ;
(vii) les provisions légales ci-dessous doivent être scrupuleusement respectées
sous la Section 9 : pas de port d’armes ;
sous la Section 10 : ne pas avoir un mauvais comportement dans un rassemblement public ; 
sous la Section 12 : ne pas encourager la violence lors d’un rassemblement public sous la Public Gathering Act 1991.
(viii) Les chauffeurs et passagers devraient agir strictement dans la légalité et de manière ordonnée et ils ne devront exhiber ni pancarte ni écriteau portant préjudice à la paix et à l’ordre public ;
(ix) il ne faudra pas utiliser les klaxons et hauts parleurs quand le cortège passera devant des institutions scolaires, hôpitaux ou lieux de culte ;
(x) les chauffeurs ne doivent à aucun moment s’arrêter, ce qui pourrait causer une obstruction. Si besoin est, tout véhicule devrait se mettre en bordure de route ou dans un lieu dédié pour des raisons de sécurité routière
(xi) personne ne doit s’asseoir sur la portière, sur le porte-bagages, sur les ailes, sur le toit, sur le marchepied, sur la barre de remorquage ou sur la borne ;
(xii) un véhicule de remorquage doit accompagner le défilé pour qu’il puisse intervenir au cas où un véhicule participant tombe en panne pour ne pas causer d’obstruction à la circulation ;
(xiii) l’Environment Protection Act et les Environmental Standards for Noise Regulations 1997 doivent être respectées de manière à ne pas perturber le voisinage ;
(xiv) les chauffeurs et leurs passagers ne peuvent descendre de leurs véhicules pour s’adresser à la foule ;
(xv) il faudra se disperser dans l’ordre immédiatement à la fin du rassemblement et ne pas se réunir en petits groups.

4. L’attention est attirée sur les Sections 5 (1), (2) & 11 de la Public Gathering Act de 1991 qui sont reproduites comme suit :

Section 5 : Putting an end to gathering

(1) Where, during the course of a public gathering, a Police Officer not below the rank of Inspector has reasonable ground to believe that the continuance of the gathering is prejudicial to public safety or public order, he may direct the organizers of the gathering to put an end to it.
(2) Any person who fails to comply with any direction given under this Section shall commit an offence
Section 11 : Breaking up public gathering

Any person who, at any public gathering, acts in a disorderly manner for the purpose of preventing the transaction of the business for  which the gathering was called or incites others so to act, shall commit an offence.

5. L’attention est également attirée sur la Regulation 40 B des Traffic Regulations 1964 qui se lit comme suit :
« It shall not be lawful  to attach to, or trail or hold out from any motor vehicle or trailer any streamer, flag, banner, or emblem which, by reason of its size, position or otherwise, or by reason the manner and circumstances in which it is used, is likely to cause danger to other users of the road or to cause distraction to the driver of the vehicle, or of any other vehicle on the road, or to other users ».


defile manifestation

 

Le défilé de la Plateforme pour la Liberté d’Expression démarrera à 14 heures à la rue Volcy Pougnet pour rallier les rues Orléans, Deschartres, Lord Kitchener, John Kennedy, la Place d’Armes et les rues Royale, Sir William Newton, SSR (ex-Desforges), en face de la mairie et Pope Hennessy jusqu’au Champ-de-Mars.


Réactions

Shiva Coothen : « Le CP a le droit d’imposer des conditions »

L’inspecteur Shiva Coothen du Police Press Office explique que le Commissaire de Police, sous la Public Gathering Act, a le droit d’imposer des conditions pour le bon déroulement d’un défilé et surtout pour la sécurité de la population. « C’est un exercice démocratique et c’est la raison pour laquelle il y a des conditions. Au cas contraire, certains pourraient ne pas respecter les règlements », dit-il. L’inspecteur Coothen indique qu’il ne faut pas faire du bruit à proximité d’un centre de santé ou encore devant le Parlement. « Il faut absolument respecter les mesures sanitaires » , dit-il. 

Me Ajay Daby : « Un événement démocratique s’organise »

Pour Me Ajay Daby, un événement démocratique s’organise. « Il faut avoir les moyens pour la facilitation et le monitoring. Les citoyens ne doivent pas se sentir menacés. Il ne faut pas y avoir d’actes de vandalisme », a-t-il affirmé. Il ne faut pas toucher au « free movement » des citoyens. « Tout doit se faire dans un cadre bien géré », fait comprendre l’avocat. Tout de même, Me Daby se pose la question quant à l’organisation d’un défilé durant cette période de Covid-19. « N’y a-t-il pas un risque de bloquer le passage d’une ambulance ? » demande l’homme de loi..

Me Razack Peeroo : « Les conditions ne doivent pas détruire la liberté de mobilisation »

L’homme de loi explique, qu’objectivement le Commissaire de Police a le droit d’imposer des conditions, même si elles sont jugées « excessives et contraignantes », mais cela ne doit pas détruire la liberté de mobilisation. « Aussi, il est connu que le klaxonnement est interdit à proximité de la Cour suprême, d’une cour de justice, d’une clinique ou d’un hôpital », précise-t-il. Me Peeroo indique que si quelqu’un veut tenir un meeting, « il doit faire une demande en bonne et due forme ». 

« C’est la liberté fondamentale pour tout Mauricien de circuler, de parler ou de se rassembler. Cependant, aucune liberté n’est absolue. Tout est conditionné selon les circonstances. Dans une société démocratique, il faut faire attention. Surtout quand il y a un rassemblement. Il faut s’assurer que rien ne vienne détruire l’objectif. Le contrôle doit aussi être raisonnable. Au cas contraire, on ira vers la dictature », dira Me Peeroo. 
Rama Valayden : « Malgré les ‘harsh measures’, on va défiler »

Rama Valayden, membre de la Plateforme pour la Liberté d’Expression, explique que « la plateforme va démontrer qu’un défilé peut se tenir malgré les ‘harsh measures’ imposées par la force policière. On aurait pu saisir la cour, mais l’affaire allait être à nouveau renvoyée. Le 10 décembre, c’est la Journée des droits de l’Homme. C’est un jour symbolique. Ce défilé se tiendra symboliquement ce jour-là. Par la suite, on va faire une nouvelle demande pour un autre défilé », fait comprendre Me Valayden.  

Dev Sunnasy : « Les restrictions sont excessives »

Pour le dirigeant de l’ONG 100% Citoyens, « les mesures restrictives imposées par la police sont excessives et exagérées. Nous attendons une rencontre avec le CP pour voir comment la police peut les atténuer, car le défilé est une démarche démocratique et pacifique et les gestes sanitaires liés à la Covid-19 y seront respectés ».

Il ajoute que les organisateurs ont fait comprendre à ceux qui viendront au défilé de ne pas le faire dans un bus spécial ou dans des vans de plusieurs places : « Il faut éviter qu’il y ait plusieurs personnes regroupées à cause de la Covid et des limites imposées par la police ».
Espère-t-il grapiller suffisamment de participants vendredi prochain ? « On sera sur tous les médias, comme la presse écrite, les radios privées, mais également les réseaux sociaux. On tiendra des rencontres avec la presse pour que le public puisse comprendre notre démarche », répond Dev Sunnasy.

Il profite pour faire un appel aux employeurs du secteur privé de permettre à leurs employés de finir plus tôt vendredi, soit à 14 heures, afin qu’ils puissent, s’ils le veulent, participer au défilé.

Participation des partis de l’Opposition

Les leaders de la Plateforme de l’Espoir vont se rencontrer, ce mardi, pour décider de leur participation à ce défilé. Quant au PTr, la décision a été déjà prise. « Nous sommes présents dans presque toutes les manifestations et le PTr sera là ce vendredi », annonce Patrick Assirvaden, le président des Rouges.



 

 

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