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«i rise 2021»  ou comment vit-on avec un handicap à Maurice

Ex-directrice de la MExA, Danielle Wong a fait une deuxième chute à cause du mauvais état des trottoirs à Port-Louis. Waren Valentin, grâce à sa moto adaptée, a repris gout à la vie.

La deuxième édition de « i rise 2021 », publiée par la Global Rainbow Foundation, rend compte du travail accompli presque dans l’anonymat de cette ONG en faveur des personnes à handicap. Grâce à l’engagement de l’ex-ministre de l’Éducation, Armoogum Parsuramen et de ses collaborateurs et collaboratrices, quelques 21 témoignages rendent compte de la persévérance et de la deuxième vie d’individus affectés par des handicaps divers.

Dans un paysage public local caractérisé par des obstacles les plus divers à la mobilité des personnes à handicap - trottoirs défoncés, bâtiments publics inaccessibles et chaussées impraticables pour les fauteuils roulants, entre autres -, la démarche de la Global Rainbow Foundation (GRF) tient lieu de lueur d’espoir. Les moyens financiers mobilisés pour soutenir les personnes à handicap seraient incomplets sans la compassion nécessaire de ceux qui apportent à ces derniers du baume au cœur, surtout si la société elle-même ne leur montre pas de l’empathie.

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« Comme des hors-castes »

Les témoignages recensés dans la 2e édition d’« i rise 2021 » font apparaitre une résilience admirable contre une certaine forme de fatalité à laquelle pourraient céder ces personnes parfois handicapées à la naissance, durant un accident de la route ou à cause de maladies. Il n’y a pas très longtemps, elles étaient frappées d’ostracisme au sein même de leurs propres familles et exclues de toutes les activités sociales. Dans certains pays, dont l’Inde  - et comme le rapporte le magazine, le témoignage de Nisthta Jain, une jeune fille née sans bras - la société elle-même rejette ces personnes au nom d’une interprétation dévoyée de la religion. « En Inde », raconte-t-elle, « les personnes à handicap sont considérées comme des hors-castes ».  Dans ces moments-là, la famille, se présente comme le seul milieu qui l’accepte, l’encourage et la protège. Le milieu scolaire jouera aussi un rôle déterminant. « Un jour, mes amies m’ont assignée le rôle de ‘runner’ durant un match de cricket. Elles voulaient tout simplement que je relève le défi et que je progresse », ajoute-t-elle.

Réapprendre à vivre

Dans son étude consacrée à la problématique du handicap, Marie-Claire Cagnolo observe que « l’infirmité est inhérente à la dimension humaine. Aussi, la généalogie permet de mettre en évidence ce que nous appelons des ‘logiques’, c’est-à-dire des comportements collectifs variés, déterminés par l’univers mental de chaque époque, en corrélation, soit avec des préceptes religieux soit avec des volontés politiques, générateurs de comportements de masse ». Ainsi, n’est-il pas surprenant que, dans les autobus à Maurice, personne ne se lève pour offrir sa place à une personne à handicap.

L’infirmité partielle, pourtant, peut arriver à tout âge. Le plus pénible est sans doute de devoir réapprendre à vivre avec des possibilités physiques amoindries. À ce titre, l’exemple d’Abdool Cassam Gheesa, originaire de D’Epinay, mérite qu’on s’y attarde.  Jusqu’à l’âge de 55 ans, il a eu une carrière professionnelle sans embuches dans le milieu éducatif. Jusqu’au jour où une petite craquelure sur son orteil mal soigné se termina en infection aggravée et nécessita l’amputation de sa jambe gauche. « Au départ, j’avais du mal à l’accepter, puis je me suis dit que c’était la volonté de Dieu », raconte-t-il. Et le soutien de la famille fera le reste. « Sans elle, je ne sais pas où je serai », avoue Abdool Cassam Gheesa. Ce dernier se rendra ensuite à Jaipur, en Inde, pour se faire poser une prothèse. De retour à Maurice, les experts de la GRF l’aideront à s’adapter à cette nouvelle situation. Aujourd’hui, à 64 ans, il dirige une école qui enseigne l’ourdou et l’arabe et où il s’y rend deux fois chaque jour. « Il ne faut pas se désespérer à cause d’une amputation. Une prothèse peut aider à retrouver certaines des fonctions perdues et réaliser certains de vos rêves », confie-t-il.

Surdité à la naissance

À Belle-Rose, James Ulric Ravina, atteint de surdité à la naissance, gère une petite entreprise de recyclage en produits mobiliers en compagnie de Julian Tarbox, un ressortissant australien. Sa compétence professionnelle, il la doit à la GRF, après son initiation au langage des signes au sein de l’Association des Parents de Déficients Auditifs. Les rédacteurs du magazine « i care » le décrivent comme un jeune homme très extroverti et au grand cœur. Malgré les clichés associés aux sourds, il est capable de s’exprimer avec une grande aisance. « C’est sans doute une personne qui exprime ses émotions mieux qu’une autre qui peut entendre », écrivent-ils. À sa dextérité manuelle, le jeune homme n’est pas peu fier d’avoir remporté d’innombrables médailles durant des courses de relais internationales.

En 2014, le destin de Waren Valentin bascule. Il rentrait chez lui à Grand-Gaube lorsqu’il fait un accident de moto à Roche-Terre. Alors qu’il se retrouve sur le sol, un autre véhicule roule sur sa jambe gauche. En dépit des soins intenses afin de sauver cette jambe et au bout de trois mois d’hospitalisation, les médecins n’eurent d’autre choix que de procéder à une amputation. Après deux ans et une vaine tentative d’obtenir une prothèse du ministère de la Santé, il réussira à en obtenir une grâce aux bons soins de la GRF qui avait organisé un camp médical à Petit-Raffray où étaient présents des médecins indiens.  

La bonne nouvelle ne venant pas seule, Waren Valentin se vit proposer un emploi par Armoogum Parsuramen dans l’atelier de montage des prothèses orthopédiques du GRF. Après une courte hésitation, il accepta de relever ce défi en mettant au service de l’association les mêmes soins qu’il avait lui-même reçus. Aujourd’hui, grâce à sa moto adaptée, Waren Valentin se rend partout à travers l’ile. Profondément croyant et catholique pratiquant, il n’hésite jamais à allumer lui-même les « diyas » dédiés au dieu Ganesh lorsque ses collègues Asha et Natasha sont absents. 

Danielle Wong

Le cas de Danielle Wong est sans aucun doute le plus illustratif du caractère, parfois accidentel du basculement dans une vie dépendante. Car Danielle Wong, de par ses fonctions comme directrice de la Mauritius Exports Association (MExA), a été sous les feux des projecteurs. Personnalité dynamique et toujours de bonne heure, c’est une chute malheureuse dans sa baignoire qui provoquera une dystrophie musculaire chez elle en 2001, l’obligeant à se servir d’un fauteuil motorisé. Puis, les choses s’empirèrent quelques années plus tard alors qu’elle se déplaçait dans les rues de la capitale. Toujours en fauteuil motorisé, elle fit une deuxième chute à cause du mauvais alignement des pavés des trottoirs. Animée d’une détermination exemplaire, impliquée dans les activités de sa paroisse et lectrice boulimique, Danielle Wong ne cesse de défendre la cause des personnes à handicap.

Si le magazine de la GRF n’ambitionne pas d’être exhaustif sur la réalité des personnes à handicap à Maurice, en revanche, il rend parfaitement compte de la ténacité des personnes rencontrées, de la solidarité familiale autour d’elles et aussi de l’engagement de l’association de l’ex-ministre de l’Éducation. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, les témoignages recueillis montrent des personnes qui apprennent à se réadapter tant moralement que physiquement.

‘i rise’, magazine de la Global Rainbow Foundation.
Imprimé par Regent Press

 

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