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Hospitalisation de mineurs sous influence : l’Oiseau du Paradis secoué par une nouvelle crise

Le shelter L’Oiseau du Paradis a été le théâtre de plusieurs incidents graves, révélant de profondes failles dans la protection des enfants vulnérables.
  • Arianne Navarre-Marie : « Nou pa kapav met an peril lavi zanfan »
  • Le manque de formation du personnel montré du doigt

Trois enfants du shelter L’Oiseau du paradis à Cap-Malheureux ont été hospitalisés après avoir consommé de la « drogue synthétique ». Une situation qui révèle de graves manquements en matière de sécurité et de supervision, suscitant une vive indignation des autorités et acteurs sociaux.

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« Nou pa kapav met an peril lavi zanfan, mo pa pou aksepte sa ! » Colère d’Arianne Navarre-Marie, ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille, ce lundi 2 juin. Elle réagissait après l’hospitalisation d’urgence de trois mineurs, âgés de 10 à 13 ans, du shelter L’Oiseau du Paradis à Cap-Malheureux, retrouvés sous l’emprise de drogues de synthèse.

La ministre se dit « très en colère » face à cet incident. « C’est regrettable que des adultes mettent en danger la vie des enfants dans ce shelter », a-t-elle déclaré. Une décision immédiate a été prise, lundi matin, en consultation avec la Secrétaire permanente de son ministère : tout le personnel de service dimanche soir a été suspendu. Parallèlement, une enquête interne a été lancée, sous la présidence de la Secrétaire permanente.

La ministre Navarre-Marie regrette que certaines personnes « ne vont pas dans la même direction que le ministère » malgré les efforts entrepris pour réformer les shelters. « Ils devront expliquer leur comportement et leur attitude devant le comité d’enquête », prévient-elle. 

Elle affirme avoir déjà réclamé une enquête sur le comportement de certains résidents, notamment sur la facilité avec laquelle ils quittent régulièrement les lieux. « Depuis un certain temps, j’ai reçu des informations troublantes concernant l’utilisation de substances illicites. C’est pourquoi j’ai demandé un suivi rapproché », précise-t-elle. Arianne Navarre-Marie critique également le National Children’s Council (NCC), qu’elle accuse d’avoir traité le dossier « avec beaucoup de légèreté ».

Le centre L’Oiseau du Paradis est ainsi de nouveau au cœur d’une controverse (voir encadré). Bien que celui-ci soit clôturé par des barbelés, les enfants auraient profité d’un moment d’inattention pour quitter discrètement l’enceinte à la tombée de la nuit et se rendre dans un quartier de Cap-Malheureux. Découverts dans un état second par les « caregivers », ils ont été transportés d’urgence à l’hôpital SSRN à Pamplemousses. Un « rapid test » a été réalisé pour confirmer la présence de drogue synthétique. Ces jeunes, considérés comme des « cas difficiles », auraient déjà été impliqués dans des vols d’argent et la revente de nourriture fournie par le centre.

Responsabilité collective 

Face à cette défaillance manifeste du personnel, Rita Venkatasawmy, ancienne Ombudsperson for Children, ne cache pas son inquiétude. Elle estime que le manque de formation du personnel est un facteur aggravant. « La formation est essentielle dans tous les shelters. L’amour ne suffit pas pour accompagner des enfants qui ont des problèmes de comportement. Il faut des professionnels formés », fait-elle remarquer Rita Venkatasawmy. 

Elle ajoute que si les informations selon lesquelles les enfants ont pu quitter le centre se confirment, « le personnel en est responsable en raison du manque de surveillance ».

Cette critique rejoint celle d’Edley Maurer, manager de l’ONG Safire, qui se dit profondément choqué par la situation. « C’est très grave que des enfants supposés protégés aient pu établir des connexions pour se procurer des substances illicites. Cela remet en question la sécurité dans ces abris et la responsabilité des adultes censés les encadrer », dit-il. 

Selon lui, « les adultes responsables ont failli à leur tâche ». Il va plus loin en qualifiant de « criminels » ceux qui fournissent de la drogue à des mineurs.

Rita Venkatasawmy replace cependant cette défaillance dans un contexte plus large. Elle reconnaît que « depuis un certain temps, la situation des enfants devient de plus en plus complexe, car les familles sont très fragilisées ». L’encadrement varie fortement selon le milieu social et le lieu de résidence. « Les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes, notamment après l’école. L’impact est plus fort dans les zones de pauvreté. »

Edley Maurer poursuit dans cette même logique systémique. « Si à cet âge un enfant commence à chercher du « plaisir » dans la drogue, cela révèle un énorme problème au niveau de son éducation », souligne-t-il. 

Il insiste sur l’importance d’activités saines, comme le sport, pour redonner goût à la vie aux jeunes. « Nous ne pouvons pas vendre notre conscience pour détruire l’enfance innocente. Si tel est le cas, notre société est tombée bien bas. Nous sommes à un virage dangereux. » Il appelle à une mobilisation nationale, à des plans d’action concrets et à des réunions de quartier impliquant les parents. L’absence d’encadrement en dehors des heures scolaires serait, selon lui, une cause majeure de déviance.

La députée Stéphanie Anquetil, aujourd’hui membre du gouvernement, se dit « extrêmement bouleversée, choquée et révoltée » par cet incident. « C’est grave. Il faut revoir ce shelter de fond en comble », lance-t-elle. 

Longtemps critique à l’encontre de l’ancienne ministre Kalpana Koonjoo-Shah alors q’elle était dans l’opposition, Stéphanie Anquetil se dit aujourd’hui confiante que l’actuelle ministre prendra les mesures qui s’imposent : « Je compte sur elle pour le faire. »

Enchaînement de controverses

Le shelter L’Oiseau du Paradis, situé à Cap-Malheureux, a été au centre de plusieurs controverses et incidents graves depuis ces dernières années, mettant en lumière des défaillances systémiques dans la prise en charge des enfants vulnérables.

En octobre 2022, une fillette de trois mois, prise en charge par le shelter depuis le 9 septembre après avoir été abandonnée à la naissance, a été admise en soins intensifs à l’hôpital du Nord en raison de difficultés respiratoires. Son état s’est rapidement détérioré, nécessitant une assistance respiratoire. 

Dans le cadre de l’enquête sur l’état critique du nourrisson, quatre « caregivers » du shelter ont été arrêtés le 14 novembre 2022 pour maltraitance d’enfants. La mère a également été arrêtée le 7 novembre pour abandon d’enfant. L’une des soignantes arrêtées a nié toute implication, affirmant qu’elle n’était pas présente lors de l’incident et a évoqué une possible « machination politique ». 

Le 21 janvier 2025, la ministre Arianne Navarre-Marie a effectué une visite inopinée au shelter et a constaté de graves manquements : infrastructures délabrées, cuisine sous-équipée, alimentation inadéquate pour les enfants, et absence de gestionnaire désigné. Elle a souligné l’urgence de nommer un nouveau Conseil d’administration pour le National Children’s Council et de recruter un gestionnaire pour le centre.

Ces incidents ont suscité de vives inquiétudes au sein de la société mauricienne. Des appels ont été lancés pour une réforme en profondeur des structures d’accueil pour enfants, une meilleure formation du personnel, et une surveillance accrue des conditions de vie dans les shelters. Les autorités ont promis des mesures correctives, mais la situation reste préoccupante.

 

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