
Avec l’extension des services de santé et l’ouverture de nouvelles infrastructures, le manque de personnel soignant dans le secteur public se fait de plus en plus sentir. Le départ à la retraite de nombreux infirmiers, leur passage vers le privé ou leur émigration n’arrangent pas la situation. Pour répondre à cette crise, le ministère de la Santé a décidé de rappeler, à nouveau, des infirmiers retraités afin de renforcer temporairement les effectifs.
Publicité
Ce rappel vise à pallier l’urgence, en attendant l’arrivée de « sang neuf » par le recrutement et la formation de jeunes infirmiers. Toutefois, cette solution provisoire divise. Si certains y voient un moyen pragmatique de maintenir le système de santé à flot, d’autres considèrent qu’il s’agit d’un pis-aller qui retarde la mise en place d’une politique durable de recrutement.
Le Dr Meetheelesh Abeeluck, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), se montre sceptique. Il estime que la reprise de service des retraités doit être conditionnée à un bilan médical rigoureux. « Les infirmiers doivent être capables physiquement de prodiguer des soins et de prendre des décisions cliniques. Si un infirmier recruté présente lui-même des problèmes de santé, cela peut devenir dangereux pour les patients », prévient-il.
Le président du GMDOA insiste sur la nécessité d’un système de filtrage basé non seulement sur l’âge – pas plus de 70 ans – mais surtout sur les capacités physiques et mentales. Il s’interroge également sur l’affectation de ces infirmiers : dispensaires, services d’urgences ou départements moins exigeants. « Même dans un service léger, ils devront s’occuper de patients. Pourraient-ils, par exemple, assurer un massage cardiaque ? », demande-t-il.
Problèmes hiérarchiques
Un autre point sensible concerne leur statut à leur retour. Beaucoup de retraités ont quitté le service avec un grade élevé – Charge Nurse, Ward Manager ou encore Regional Nursing Supervisor. Les rappeler pour exercer à un niveau inférieur pourrait créer des tensions hiérarchiques. « Est-ce qu’un Senior nurse acceptera de prendre des instructions de celui qui a été son junior ? », s’interroge le Dr Abeeluck. Selon lui, si la mesure augmente le personnel sur le papier, la réalité du terrain pourrait être tout autre.
Un membre du Medical Records Power Union (MRPU) partage cette inquiétude. Selon lui, être rappelé pour travailler à un grade inférieur peut affecter la performance. Il plaide pour un investissement accru dans le recrutement de jeunes infirmiers, plutôt que de miser sur une solution temporaire. Il en est de même pour les autres catégories du service de santé, comme les médecins, qui soutiennent le Dr Abeeluck et le membre du syndicat du MRPU.
Encadrement nécessaire
Le Dr Abeeluck ne ferme pas totalement la porte au rappel des retraités, mais il réclame un encadrement strict. « Un Board médical doit être mis sur pied pour évaluer leur aptitude », affirme-t-il. Sans cela, le risque est de placer des infirmiers épuisés dans des situations cliniques qui dépassent leurs capacités.
Du côté des Records Officers, l’idée est perçue comme un « couteau à double tranchant ». Le représentant syndical explique : « Les retraités connaissent déjà le travail et n’ont pas besoin de formation. Mais leur performance ne sera probablement pas la même qu’auparavant », dit-il.
À l’inverse, Krist Dhurmah, ancien président du Nursing Council, soutient pleinement cette initiative de recrutement d’infirmiers à la retraite. Selon lui, c’est la seule réponse réaliste à la crise actuelle. « Former un infirmier prend au moins trois ans. On ne peut pas combler immédiatement le manque sans faire appel aux retraités », explique-t-il.
Il considère même ces derniers comme des « patriotes » : « Après avoir travaillé dans un système de santé difficile, certains veulent continuer à aider pendant un an ou deux, le temps que les jeunes soient formés. » Pour lui, nombreux sont ceux qui, même après 65 ans, sont encore en forme et capables d’assurer des soins.
Krist Dhurmah reconnaît cependant que tous ne sont pas aptes à reprendre du service. Certains, « usés » par de longues années de travail de jour comme de nuit, sont à bout de souffle. Mais d’autres disposent encore de l’énergie nécessaire pour contribuer. Il propose de les affecter à des départements adaptés à leurs capacités : dispensaires, services externes ou unités où les horaires sont fixes, de 8 heures à 16 heures, avec peu de travail de nuit.
Alors que le ministère de la Santé semble peiner à convaincre les retraités de revenir malgré plusieurs appels à recrutement, Krist Dhurmah appelle à davantage d’encouragements. Selon lui, ce type de recrutement pourrait même être étendu à d’autres catégories de personnel de santé, afin de mettre à profit leur expérience.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !