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Hippisme : l’avenir des courses s’assombrit

La grosse foule était malgré tout présente lors de la journée de la Maiden Cup dimanche dernier.

Plusieurs facteurs poussent à croire que l’industrie des courses va tout droit vers le précipice. Les acteurs du monde hippique tirent la sonnette d’alarme avec les chiffres d’affaires des organisateurs de paris qui chutent, l’état de la piste qui se détériore et le nombre de chevaux restreint pour offrir un programme de courses alléchant et attirant aux turfistes. 

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Loin d’être alarmistes ou de crier au loup alors qu’il n’y a pas lieu, plusieurs acteurs de l’industrie hippique brossent un tableau très sombre de l’avenir des courses. Cette industrie, qui jadis rapportait presque Rs 700M aux caisses de l’État, est en train de suffoquer et se dirige vers une mort lente. 

L’entrée en jeu d’un deuxième organisateur de courses qu’est la People’s Turf PLC Ltd (PTP) devait, selon certains décideurs des autorités qui gèrent le dossier de l’industrie hippique, apporter un boost. Mais c’est l’effet contraire qui est constaté avec une perte de confiance accrue de la part du public dans les courses hippiques comme elles sont actuellement organisées. 

Les Mauriciens étaient étonnés et heureux de voir la grande foule présente pour assister à la Medine Maiden Cup dimanche dernier. Cela donne l’impression que les affaires reprennent, mais c’est loin d’être le cas. Le chiffre d’affaires d’une des deux compagnies de Tote a accusé une baisse de 30 % par rapport à la journée de la Maiden Cup de 2021. Tout en sachant que les courses étaient courues à huis clos l’an dernier à cause des restrictions sanitaires. 

Le président de l’Association des bookmakers, Bijaycoomar Greedharry, dit aussi que les chiffres d’affaires ne sont plus les mêmes. Il met le doigt sur un problème grave et récurrent qu’est la prolifération des bookmakers clandestins. Un business très lucratif, mais illégal qui fait un tort immense à l’industrie hippique privant les deux organisateurs de courses et l’État de revenus supplémentaires. Malgré les beaux discours, rien n’a été fait cette saison. A-t-on vu les autorités épingler au moins un bookmaker clandestin ?

Problèmes épineux

Deux autres problèmes épineux sont le nombre de journées et l’état de la piste du Champ de Mars. La Côte D'Or International Racecourse and Entertainment Complex (COIREC) Ltd, qui gère la piste du Champ de Mars depuis le mois d’avril, loue cette piste à un organisateur à tour de rôle chaque semaine contre un paiement de Rs 250 000 par journée de courses. 

40 journées ont été programmées de juin à décembre (étalées sur six mois seulement). Malgré les efforts des uns et des autres, cette piste est arrivée au bout du rouleau et ce sont les chevaux qui en payent les pots cassés avec bon nombre qui se blessent. Sans oublier que le renouvellement des effectifs se fait au compte-gouttes avec les propriétaires qui hésitent à investir dans la conjoncture actuelle, en sachant, par exemple, que la gagnant de la Maiden Cup a remporté Rs 600 000 contre Rs 1M il y a une dizaine d’années. 

Il y a eu l’annonce, en grande pompe, du projet de construction d’un hippodrome aux standards internationaux à Côte d’Or. On se demande comment les éventuels investisseurs comptent recouvrer leurs investissements si leurs premiers clients que sont les turfistes mauriciens n’ont plus confiance dans le produit que sont les courses hippiques mauriciennes version 2022 ? 

Jeenarain Soobagrah (ancien président du MTC): « On ne peut dissocier le betting des courses »

Jeenarain Soobagrah« Financièrement, la MTCSL est dans le rouge, alors que People's Turf PLC (PTP) semble avoir des sources de revenus conséquentes. L'avenir nous dira si PTP pourra tenir le coup surtout qu'elle récompense les chevaux non placés. Auparavant, on disait que c'était du 50-50 concernant le betting, soit la moitié dans la légalité et l'autre en provenance de paris clandestins. Maintenant, on note que le chiffre légal commence à baisser, alors que l'autre prend de plus en plus de l'ampleur. Cela aura un impact sur l'avenir des courses de chevaux, car les revenues y sont un facteur. Mais on ne peut dissocier le betting des courses ».

 

 

Jean-Philippe Lagane (chroniqueur hippique): « Nous sommes en train de vivre les derniers moments »

Jean PhilippeLagane« Déjà avec 36 journées, le MTC/MTCSL pouvait difficilement sortir la tête hors de l'eau, maintenant avec la moitié qui a été attribuée, je ne sais pas comment on va tenir. Dans cette optique, on a dû mettre en vente le Centre Guy Desmarais à Floréal. Logiquement, si la MTCSL est en difficulté financière, cela s'applique également à la PTP, car elle est plus généreuse avec des gains de Rs 15 000 qui sont allouées aux chevaux non placés. Cela pour motiver les entraîneurs à aligner leurs chevaux. Mais en ce faisant, on a tendance à « downgrade » le niveau des courses. On doit récompenser les meilleurs chevaux et non pas les derniers. Mais bon, c'est leur business modèle. Certaines personnes disent que l'avenir des courses est sombre, moi je dis qu'elle est obscure. Nous sommes en train de vivre les derniers moments et c'est peut-être le dernier Maiden ».

 

Bijaycoomar Greedharry (président de l'association des bookmakers) : « On se dirige vers la fin de nos courses »

Bijay Coomar Greedharry« Nos courses se dégradent. Je pense qu'on se dirige vers la fin des courses à Maurice. La chose hippique connaîtra le même sort que notre football avec un stade sans public. Le Maiden de cette année ressemble aux journées normales qu'on avait jadis. Il y a moins de turfistes. Ce n'était pas le Maiden d’avant-confinement avec une assistance moindre. Je le vois plus par rapport à mon business. J’ai une visibilité sur le nombre de personnes qui jouent et mon chiffre d'affaires n'est plus le même. Il y a plusieurs facteurs pour expliquer cela : la récession, la pandémie et surtout ces divergences entre les deux organisateurs. Le public est dégoûté et a perdu confiance. Sans oublier qu’il y a des bookmakers clandestins qui prolifèrent au nez et à la barbe des autorités concernées ».

 

 

Yahia Nazroo (avocat) : « On peut garder espoir que ce ne sera pas le dernier Maiden »

Yahia Nazroo« On se dirige vers la fin de nos courses, mais si on regarde ce public qui est venu au Champ de Mars, dimanche, on peut garder espoir que ce ne sera pas le dernier Maiden. La GRA, qui doit assumer l'entière responsabilité de ce qui arrive, ne fait rien. Je fais un appel au gouvernement, plus particulièrement au ministre des Finances. Si on ne veut pas la mort de nos courses, elle doit se ressaisir et faire ce qui est nécessaire afin de préserver ce qui fait partie de notre patrimoine et assurer la pérennité de nos courses ».

 

 

 

 

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