Live News

Heritage City: quel avenir pour Port-Louis ?

De Port-Louis à ébène. Le gouvernement ira bel et bien de l’avant avec le projet Heritage City, la future ville administrative. Le MMM compte contester ce projet si un appel d’offres n’est pas lancé. De grosses inquiétudes planent sur l’avenir de la capitale. Mercredi, le Conseil des ministres a pris la décision de matérialiser le projet Heritage City. Les services de Stree Consulting, une firme de Dubayy, ont été retenus pour la conception du « Master Plan ». Au coût de Rs 28,5 milliards, la nouvelle ville administrative s’étendra sur 336 arpents à ébène. Elle comprendra notamment l’Assemblée nationale, le Bureau du Premier ministre, des ministères, 1 000 résidences, dont 200 villas luxueuses, 400 « townhouses », 400 maisons, un complexe commercial, des restaurants, un « cinema complex » et un « Bollywood Entertainment Park ». Elle comptera aussi un hôtel 4-étoiles doté de 100 chambres, ainsi qu’un hôtel 3-étoiles de 150 chambres. Un « Heritage Square », incluant un parc d’attraction et des « entertainment facilities », sera aussi construit.

Transformation en huit phases

La délocalisation du cœur administratif fait craindre les Portlouisiens. Or, le gouvernement, à travers Gaëtan Siew, président de la State Land Development Company Ltd, a annoncé un plan de transformation de Port-Louis en huit phases. 1. Réaffirmer sa dimension capitale
  • Lui donner trois nouvelles icônes d’architecture qui affirmeront son rôle de capitale.
2. Reconnecter la ville à la mer
  • Après la relocalisation des gares du Nord et de Victoria, créer des plateformes aériennes connectant le Caudan et l’Aapravasi Ghat à la ville tout en permettant la circulation automobile. (Comme le High Line de New York ou la Coulée verte de Paris.)
 3. Connecter tout son patrimoine en continuité
  • Convertir la plateforme de la gare du Nord en un parking de 2 000 places.
  • Transformer la zone tampon de l’Aapravasi Ghat en un district culturel qui sera connecté aux quartiers de la Jummah Mosque et de Chinatown.
  • Le district culturel sera piétonnier avec des résidences d’artistes, des galeries d’art, des antiquaires et des lofts dans des vieux entrepôts – « godown » – en pierre.

4. Insuffler de la vie

  • Reconvertir les 300 000 m2 de bureaux du gouvernement en « middle-income affordable housings (4 000 appartements) ».
  • Doter la ville de nouveaux espaces verts en plantant, chaque année, 10 000 arbres à travers le programme « Un arbre un enfant » à l’occasion de la journée de l’Environnement.

5. Apprivoiser la mobilité

  • Diversifier les modes de transport – le « water taxi » de Baie-du-Tombeau arrivera au Grenier pour continuer jusqu’à Pointe-aux-Sables.
  • Les Portlouisiens pourront flâner à pied ou à bicyclette le long de pistes cyclables.
  • Ils pourront faire leur jogging du Champ de-Mars au Caudan, en passant par la Galerie d’Art le long des quais du Ruisseau du Pouce.

6. Doter la ville d’une nouvelle intelligence

  • Connecter tous les parkings de la ville via les smartphones (réduction de 40 % du trafic routier).
  • Organiser un système d’éclairage (-25 % de la consommation actuelle d’énergie) et la gestion de l’eau (-80 %).
  • Mise sur pied du « Deep Ocean Water Application Project » (DOWA – climatisation des bâtiments de Port-Louis avec de l’eau de mer)
  • Développer un « cloud » (une base de données virtuelle) pour faire de Port-Louis une vitrine de connectivité dans la région à travers le réseau Wi-Fi. Cette connectivité permettra aux citoyens de mieux s’orienter dans la ville (informations, horaires des bus, etc.)

7. Célébrer la ville

  • Célébrer la capitale chaque semaine, chaque mois et durant toute l’année, à travers une série d’événements dans des lieux de mémoire et des espaces liés au patrimoine historique et culturel : la Citadelle, le Grenier, les Casernes centrales, le Baz’art, le Théâtre, les anciennes prisons, la caserne des pompiers, le Champ de-Mars… autour des tap’az mauriciens.

8. Redynamiser l’économie

  • Intégrer la capitale à l’expansion en cours du port et des nouvelles activités maritimes.
  • Développer le potentiel touristique pour accueillir 60 000 visiteurs.
  • Créer 12 000 emplois.
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"12373","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-20254","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Heritage City"}}]]  
   

Lifting des deux gares routières

Les deux gares routières (Victoria et Immigration) seront rénovées pour devenir des complexes commerciaux. Elles devraient comprendre des « Shopping Malls », des cafétérias, des marchés, des places destinées aux taxis et un parking pour 1 000 voitures. Chacune des gares pourra aussi accueillir des marchands ambulants.

<
Publicité
/div>  
   

Vishal Rughoobur, économiste: « Attention à l’effet boule de neige avec la délocalisation »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3656","attributes":{"class":"media-image wp-image-5458","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"415","alt":"Vishal Ragoobur"}}]] Vishal Ragoobur

La survie des commerces existants à Port-Louis et le potentiel pour la création d’emplois dépendront énormément des développements que le gouvernement compte faire dans la capitale, une fois Heritage City construite et plusieurs ministères déplacés. C’est ce qu’estime l’économiste Vishal Rughoobur. Avec cette délocalisation, il y aura un afflux moins important de la population transitoire et de trafic vers Port-Louis. Ce qui influera sur la congestion routière, les commerces existants, le monde des affaires, l’immobilier et l’emploi. Congestion routière La congestion, précise Vishal Rughoobur, a un impact en termes de coûts et de productivité sur les activités économiques. Décongestionner un endroit est donc un point positif pour l’économie. « Mais nous savons aussi que la situation, concernant le trafic, est déjà difficile au niveau d’ébène et de Phœnix. Les questions que l’on se pose sont les suivantes : apportera-t-on une solution au problème de bouchons en délocalisant à ébène ? Ou ne fait-on que déplacer le problème de Port-Louis vers ébène ? Heritage City est une ville en devenir. Il y aura des centres commerciaux et des résidences. Il faut tenir compte de tous ces facteurs. » Commerces Moins de bureaux à Port-Louis implique une population transitoire en baisse, que ce soit en termes du nombre de fonctionnaires allant à Port-Louis ou de personnes qui s’y rendent pour des démarches. « Cela aura un impact sur les commerces existants, qui travaillent majoritairement avec cette population. Certains seront appelés à se déplacer, voire à disparaître. à moins que d’autres activités se développent davantage, comme le tourisme (on parle de ville culturelle, Port-Louis by Light, etc), ou le port (activité de transbordement ou bateaux de croisière). Cela permettra éventuellement de créer de nouveaux types de commerces pour s’adapter à de nouvelles demandes », explique-t-il. Affaires Vishal Rughoobur craint que la délocalisation crée un effet boule de neige, en incitant d’autres entreprises à se délocaliser. « Si elles sont plusieurs à avoir choisi d’installer leur quartier général à Port-Louis, c’est justement parce que c’est la capitale mais aussi le centre administratif. Cela représente donc un énorme avantage pour elles. Avec ce ‘shift’ vers ébène, ces firmes ressentiront-elles toujours ce besoin d’être à Port-Louis ou suivront-elles aussi le mouvement ? » se demande-t-il. Emploi Pour l’économiste, nous aurons assez rapidement un aperçu de l’impact de cette délocalisation sur les emplois à Port-Louis. « Si les commerces sont affectés, il y aura probablement des licenciements. Pour ce qui est de la création d’emplois, tout dépendra des développements que connaîtra Port-Louis, si développements il y a. Car cela favoriserait la création d’emplois. Encore faut-il que nous nous donnions les moyens d’apporter ces développements. » Immobilier Une baisse du prix des espaces bureaux est attendue avec cette délocalisation. « Une aubaine pour certaines sociétés qui ne pouvaient, jusqu’ici, se payer des bureaux à Port-Louis, la location ou le prix de vente étant jugés trop élevés. Encore faut-il qu’elles souhaitent toujours être à Port-Louis. D’un autre côté, la situation sera inquiétante pour les propriétaires de ces espaces. »  
   

Aadil Ameer Meea, député du mmm: « Heritage City va appauvrir les Portlouisiens »

 
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"4503","attributes":{"class":"media-image wp-image-7107","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"300","height":"413","alt":"Adil Ameer Meea"}}]] Adil Ameer Meea

« J’ai de la peine pour les Portlouisiens. Ils seront les premières victimes de ‘Heritage City’. » C’est le sentiment du député du MMM, Aadil Ameer Meea, qui s’oppose catégoriquement au projet « Heritage City ». Selon lui, une fois que le centre administratif de Maurice sera transféré à Highlands, Port-Louis fera face à un grave problème social provoqué par le chômage. « Bien que très peu de Portlouisiens travaillent dans les ministères et les corps parapublics, nombre d’entre eux arrivent à subvenir aux besoins de leurs familles à travers des emplois indirects. » Le député mauve est d’avis qu’en délocalisant les ministères et la Cour suprême, pas mal de magasins, de restaurants et d’hôtels de thé devront mettre la clé sous le paillasson. Sans compter, dit-il, les marchands de « dholl puri », de fruits, de « sawarmaa ». « Je n’exagère pas en prédisant un drame humain car le taux du chômage montera en flèche dans la capitale. En tant que Portlouisien, je n’ai pas le droit de me taire. » De plus, il doute fort que les 300 000 mètres carrés de bureaux, qui seront alors inoccupés, trouveront preneurs. « Qui osera acheter ou louer une maison dans une ville morte ? Le meilleur investissement immobilier sera à Highlands », dit-il. Il persiste ainsi à croire que Heritage City va appauvrir les Portlouisiens. Il ne croit pas que le développement portuaire pourra remédier à cette situation. « Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes. Combien d’emplois seront créés ? Et quel type d’emplois ? » se demande-t-il. Aadil Ameer Meea ajoute que certaines décisions prises par le gouvernement l’intriguent. « Celui-ci a annoncé la construction de deux nouvelles gares, le projet de climatisation des bureaux avec l’eau de mer, la poursuite de la Ring Road… à quoi servent ces projets dans une ville avec des activités réduites ? » Il dit ne pas comprendre comment le gouvernement peut se lancer dans un projet qui nécessitera des emprunts d’environ Rs 25 milliards alors que cette somme aurait pu être utilisée pour des projets économiques permettant de créer des emplois durables.  
   

Edouard Hart de Keating, directeur de square meters ltd: «De nombreux autres bureaux bougeront à ébène»

Edouard Hart de Keating, une grosse pointure de l’immobilier, prévoit que le transfert des ministères, du Parlement et de la Cour suprême vers ébene entraînera la délocalisation de bien d’autres prestataires. « Admettons que l’on décide, demain, de transférer le bureau du ‘Registrar General’ ailleurs. Il va de soi que les notaires, qui doivent presque tous les jours se rendre à ce bureau, devront suivre le flot. Idem pour les nombreuses entreprises qui travaillent directement avec ces ministères. Elles devront elles aussi être relocalisées, la proximité étant un élément fondamental pour elles », indique Edouard Hart de Keating, un des directeurs de Square Meters Ltd. Cela aura un impact sur l’immobilier de la capitale, en l’occurrence une baisse des prix de vente et de location d’espaces bureaux. « Lorsque ces ministères bougeront, cela libérera certainement des espaces. Sachant qu’il y a déjà pas mal de bureaux qui cherchent preneurs à Port-Louis, l’offre surpassera la demande, ce qui implique naturellement une baisse de prix de l’immobilier. De combien ? Difficile de dire à ce stade. Il faut voir comment cela évolue », poursuit-il. Edouard Hart de Keating se dit sceptique en ce qui concerne la conversion de 300 000 m2 de bureaux en espaces résidentielles . « Le climat chaud de Port-Louis, surtout en été, n’est pas le climat rêvé pour venir s’y installer. Je ne vois donc pas un gros mouvement de la population pour habiter la capitale. D’ailleurs, il y a eu des tentatives de développement de projets résidentiels à Port-Louis, comme à la rue St-Georges. Mais ils sont restés au placard. » Le directeur de Square Meters Ltd avance, cependant, que si le port se développe, comme le souhaite le gouvernement, on pourra alors espérer que les nouvelles activités portuaires remplaceront celles qui ont migré à ébène. « Je pense qu’il y aura plutôt un remplacement des bureaux par d’autres et non par des résidences. »
Related Article
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !