Militant pour la création d’un syndicat de police depuis des années, Hector Tuyau est engagé dans un bras de fer avec Jaylall Bhoojawon. Il s’explique sur cette bagarre et sur sa vision d’une police efficace et moderne.
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Le gouvernement va finalement permettre la création d’un syndicat de policiers. Qu’est-ce qui explique le bras de fer entre Jaylall Bhoojawon et vous-même ?
Après le vote à l’Assemblée nationale, Jaylall Bhoojawon s’est autoproclamé président du syndicat des policiers et a procédé à la création d’un comité exécutif sans élections. Bien évidemment, je n’adhère pas à cette façon de faire.
Est-ce qu’il y a aura des élections pour déterminer qui peut représenter les policiers ?
Cette décision ne m’appartient pas. Mais il faut que des élections soient organisées.
Le syndicat a-t-il été créé ?
Jaylall Bhoojawon a créé le sien et nous avons formé le nôtre. Les procédures quant à son enregistrement ont été enclenchées il y a deux semaines.
Quand cette bagarre a-t-elle éclaté ? Avant ou après la création du syndicat ?
Je vais d’abord apporter une précision. Je ne me suis jamais bagarré avec ce camarade. Ni n’avons eu de prise de bec. Il a coupé les ponts avec Me Rama Valayden et moi-même lorsqu’il a été rétabli dans ses fonctions en 2014. Il a alors commencé à fréquenter des membres de la fédération de la police et il a tiré la couverture sur lui, comme s’il avait mené bataille pour la création d’un syndicat de police. Le fédération de la police n’a rien d’un syndicat. C’est une branche de la police mise sur pied, en vertu de la Police Act de 1974, afin que les doléances des agents quant à leur bien-être soient rassemblées pour ensuite être soumises au commissaire. Les conditions de travail et la question salariale ne font pas partie de ses attributions.
La fédération est-elle utilisée comme tremplin pour représenter les policiers au niveau syndical ?
Je pense que oui. Il a fait une série de revendications au nom de la fédération, alors qu’il n’en est ni le président, ni le secrétaire. La fédération, je le répète, n’est pas un syndicat ! Je suis le requérant n° 1 (Ndlr : Applicant n° 1) dans le procès intenté au gouvernement pour la création d’un syndicat…
« Rendre à la police ses lettres de noblesse. Un policier doit opérer
dans un environnement sain et être bien payé. »
Jaylall Bhoojawon avait été le requérant n° 2 dans cette plainte. Comment avez-vous été amenés à travailler ensemble ?
C’était en 2012. Une policière avait formulé des allégations contre lui. Il est venu me rencontrer pour me demander si je pouvais lui trouver un avocat. Je lui ai présenté Me Rama Valayden qui a accepté de le défendre gratuitement. A l’époque, Me Valayden et moi-même nous nous apprêtions à saisir la Cour suprême. Il a demandé à être partie prenante de cette initiative, je n’y ai vu aucune objection. Puis, subitement lorsque le gouvernement a tenu sa promesse faite durant la dernière campagne électorale, il a pris ses distances. Il a commencé à faire les louanges d’un parti politique tout en remerciant le commissaire de police, sans un mot pour Rama Valayden et moi-même…
Quelle seront les priorités d’un syndicat de police ?
Rendre à la police ses lettres de noblesse. Un policier doit opérer dans un environnement sain et être bien payé. Il y a toujours un problème de transport et dans certaines divisions, au Nord par exemple, les conditions de travail sont exécrables : il y a un WC pour cinquante personnes. Il nous faut aussi en finir avec la corruption.
C’est un peu difficile non ? De nombreux policiers sont mouillés dans des affaires de drogue, notamment ?
Le nombre est relativement minime. La majorité des policiers font leur travail de manière efficace. Le policier de l’antidrogue récemment arrêté est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.
Le roi du Sud a été un sergent de l’Anti-Drug and Smuggling Unit…
Il l’a été. Lorsqu’il a été appréhendé, il faisait partie de l’Helicopter Squadron. Mis à part le dernier cas en date, il n’y a pas eu d’arrestation de membres de l’antidrogue dans une affaire de trafic de stupéfiants.
Le paiement de « Protection Money » a-t-il toujours cours ? Certains dossiers semblent avoir toujours les mêmes failles, afin que le suspect puisse s’en tirer…
C’est difficile de prouver le paiement de « Protection Money ». Jusqu’ici, la police criminelle ainsi que la brigade antidrogue font un travail formidable. S’il y a des failles dans un dossier, c’est toute l’équipe qui doit en prendre la responsabilité. Bien souvent, des affaires tombent sur un point de droit. Puis, chaque enquête est sous la responsabilité d’un officier supérieur qui agit en tant que superviseur. Je ne vois pas comment les dès peuvent être pipés. Avec la Police and Criminal Evidence Act, les enquêteurs seront mieux formés aux nouvelles techniques d’investigation, entre autres. Il serait peut-être temps que certains officiers occupant certaines responsabilités déclarent leurs avoirs. Je souhaite aussi que la bibliothèque des Casernes centrales soit mieux fournie en ouvrages qui permettent aux officiers de mieux comprendre la loi.
Une policière du Nord s’est affichée sur Facebook à un dîner avec un trafiquant de Subutex sans aucune représailles des Casernes centrales.
C’est aux autorités de sévir. Nous ne pouvons pas non plus nous baser uniquement sur des photos publiées sur les réseaux sociaux pour ouvrir une enquête. Il faut bien plus que cela. Je ne vais quand même pas vous dévoiler comment la police opère.
Faut-il demander aux nouvelles recrues une lettre de motivation avant qu’ils ne se joignent à la police ? Certains semblent avoir choisi l’uniforme rien que pour être dans la Fonction publique.
Dans le temps, il y a avait des entretiens lors des recrutements et pour les promotions.
Des cas de brutalités policières sont souvent décriés. Il y a eu la mort en détention d’Iqbal Toofany…
Je vais m’abstenir de tout commentaire sur ce cas malheureux. J’étais l’officier responsable de l’équipe de la CID de Rivière-Noire qui avait procédé à l’arrestation d’Iqbal Toofany. Je connais ces officiers. Ils sont des enquêteurs dévoués et Rivière-Noire a été une des régions où la majorité des enquêtes étaient résolues. J’ai personnellement arrêté des centaines de suspects. Je me suis toujours fait un devoir de respecter leur dignité.
Il y a souvent une grogne autour des promotions. Vous-même, vous avez dû attendre la veille pour prendre du galon. Est-ce acceptable ?
Une certaine injustice perdure au sein de la police. Les promotions en font partie. Ces exercices doivent être transparents. Je ne comprends toujours pas pourquoi une partie des promotions se fait de manière automatique alors que d’autres doivent concourir à des examens. Ces promotions créent la frustration au sein de la force policière. Il ne peut y avoir deux types de promotions.
La frustration, couplée à la mise au placard, ne favorise-t-elle pas le suicide ? Que va faire votre syndicat pour inverser la tendance?
Eviter la frustration, c’est éviter des problèmes sociaux. Il faut mieux encadrer les policiers, notamment au niveau psychologique. Ils doivent être suivis de manière régulière.
Nommer un haut-gradé de la police commissaire des prisons n’est-elle pas une autre forme de frustration pour les officiers de l’administration carcérale ?
L’expérience au sein de la police peut servir pour diriger la prison.
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