L’assistant surintendant de police est affecté au à la cellule de renseignements de la commission d’enquête sur la drogue. Il s’exprime en tant que « citoyen menacé de mort » et évoque les affres des enquêtes antidrogue.
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En une décennie, vous avez fait l’objet de plusieurs menaces de mort. Elles vont du Gang des Jumeaux, des caïds de la drogue et, maintenant, des personnes véreuses qui intéressent la commission d’enquête sur la drogue. Comment expliquez-vous cette propension à vouloir vous taire ?
En tant qu’enquêteur, j’ai un objectif. Je fais de mon mieux our obtenir des résultats sur un dossier particulier. Dans l’enquête sur le Gang des Jumeaux, les frères Diop et Yannick Bhoyroo étaient sous le coup d’un mandat d’arrêt car ils étaient soupçonnés de meurtre. Ils étaient en cavale et étaient mécontents d’être recherchés. Concernant les autres dossiers, certaines personnes semblent ne pas être heureuses qu’elles soient démasquées pour leurs activités illicites.
Vous parlez de qui ? Des avocats mafieux, des policiers véreux, des gardiens de prison pourris ?
Comme je l’ai écrit dans mon post sur Facebook, ces avocats, ces policiers, ces gardiens et ces intermédiaires au service des trafiquants de drogue se reconnaîtront. Je sais qui ils sont et ils ont pleinement conscience que leurs activités seront mises au jour.
Que gagneront-ils en vous éliminant ?
Nous sommes en présence d’éléments troublants qui tendent à démontrer qu’ils veulent nous liquider, Paul Lam Shang Leen et moi. Je ne connais pas leurs motivations. Sans doute pensent-ils pouvoir nous intimider. En tout cas, nous avons pris toutes nos précautions. Ces menaces, je les prends au sérieux. La famille me soutient et le Central Criminal Investigation Department (CCID) a ouvert une enquête sur les autres menaces, dont j’ai eu vent il y a quelques mois.
Avez-vous songé à quitter Maurice face à cette prolifération de menaces ?
Moi ? J’aime trop mon pays pour l’abandonner. Cela ne m’a jamais effleuré l’esprit.
Ces personnes auxquelles vous faites référence sur Facebook, ont-elles déjà fait l’objet d’une enquête policière ?
Je ne peux me prononcer sur ces fonctionnaires. Quant aux autres personnes, si vous avez suivi un tant soit peu les travaux de la commission d’enquête sur la drogue, vous saurez qui elles sont.
Un caïd a souvent recours à des proches pour dissimuler ses biens mal acquis"
Sont-elles liées au dernier appel anonyme, ayant poussé l’Adsu à perquisitionner le domicile du témoin mystérieux ?
Je ne peux me prononcer là-dessus. Dans la logique des choses, il doit certainement y avoir un lien.
Ce que vous faites au niveau de la cellule de renseignements au sein de la Commission d’enquête sur la drogue, l’Adsu ne pouvait-elle pas le faire ?
Je ne suis pas habilité à parler des enquêtes de la commission d’enquête. Si je m’exprime, ici, c’est surtout à titre personnel, en tant qu’un citoyen menacé de mort. Vous devez savoir que les pouvoirs de la commission d’enquête sont bien plus étendus que ceux de l’Adsu, d’où certains résultats.
Comme celui consistant à vérifier les comptes en banques des suspects ?
En quelque sorte. Les prérogatives de la commission d’enquête sont vastes comparées à celles de l’Adsu.
Éclairez notre lanterne. Comment se fait-il que Nasera Vavra, aussi dit la Reine de Plaine-Verte, longtemps soupçonnée d’avoir repris le business de son époux Siddick Islam, alias Nerf, n’ait jamais été arrêtée par l’Adsu ?
Autant que je sache, plusieurs équipes de l’Adsu ont perquisitionné à de nombreuses reprises chez la Reine de Plaine-Verte. Mais aucun résultat compromettant. C’est encore l’Adsu qui a coincé son époux pour trafic de drogue. Certains aspects autour des activités de la Reine de Plaine-Verte ne peuvent néanmoins être soumis à des investigations selon le mode de fonctionnement de l’Adsu.
Faut-il donc revoir les méthodes d’enquêtes de l’Adsu ?
Certainement. Il faut lui accorder davantage de pouvoirs pour enquêter sur les avoirs d’un suspect et de ses proches. Un caïd a souvent recours à des proches pour dissimuler ses biens mal acquis.
Après quatre décennies d’expérience au sein de l’Adsu, comment reconnaît-on un trafiquant ? Mis à part de hauts murs d’enceinte recouverts de barbelés et la présence de rottweilers ?
Les signes extérieurs de richesse. Une personne normale qui gagne sa vie honnêtement mène une vie, somme toute, tranquille. Le trafiquant – ou ses proches – se la joue bling-bling, enchaîne les voyages, possède trois ou quatre maisons, ses enfants ont des comptes en banque bien garnis et roule dans des véhicules tape-à-l’œil, plus particulièrement de puissants bolides d’origine européenne.
Quelle est la meilleure couverture commerciale pour blanchir son argent ? Un supermarché ? Un fast-food ?
En tout cas, ce n’est pas le jeu de hasard. Différentes activités peuvent servir de paravent pour blanchir l’argent de la drogue.
Comment expliquez-vous qu’un policier suspendu et qui touche un salaire de misère possède une maison digne d’un CEO des plus grandes entreprises de Maurice ?
Le policier que vous mentionnez a été dénoncé ouvertement devant la commission d’enquête. Une enquête a été ouverte sur lui et cela a débouché sur son audition.
Des accusations ont été formulées contre une équipe de l’Adsu, notamment quant au fait que ses membres avertissaient des trafiquants des perquisitions…
Je ne peux dire que cette équipe ne faisait pas son boulot. Elle est à l'origine de l’arrestation de plusieurs gros trafiquants dans la région sous sa juridiction.
Toutefois, je ne peux me prononcer sur ceux qui ne sont pas tombés dans leur filet.
Les liens entre les bookmakers et les trafiquants de drogue ainsi que l’achat de tickets gagnants par ces derniers ne sont un secret pour personne. Pourquoi l’Adsu n’a jamais sévi à ce niveau ?
J’ai personnellement appréhendé plusieurs bookmakers pour blanchiment lorsque j’étais à la tête de la Brigade des Jeux. Certains roulaient pour des caïds de drogue et ils ont été appréhendés avec d'importantes sommes. Leurs procès doivent être instruits sous peu.
Lorsque la police enquête, il faut qu’il y ait l’élément de blanchiment pour pouvoir inculper un suspect sous la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA). Si elle se trouve en présence d’une dénonciation, mais qui n’est fondée sur aucune preuve, elle ne peut rien faire. C’est là que l’Independent Commission Against Corruption (Icac) entre en scène.
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