Actualités

Hébergement des travailleurs étrangers : la plupart des dortoirs ne sont pas aux normes

020618_dortoir.jpg

Les conditions d’hébergement des travailleurs étrangers défraient à nouveau la chronique, après la descente des députés Shakeel Mohamed, Osman Mahomed et Aadil Ameer Meea dans des dortoirs à Jin Fei, dimanche dernier. Lors d’une tournée menée à travers l’île, Le Défi-Plus s’est rendu compte que plusieurs dortoirs ne respectent pas les normes légales. 

Publicité

 

Les dortoirs des travailleurs – locaux ou étrangers - sont régis par l’Occupational Safety and Health (Employees Lodging Accommodation) Regulations de 2011, soit le GN 27/2011, qui déclinent 26 conditions. De l’état du bâtiment aux mesures de sécurité, en passant par le type de lit, le nombre de robinets et de toilettes, la superficie de la cuisine sont définis. C’est le ministère du Travail, des Relations industrielles et de l'Emploi qui octroie le Lodging and Accomodation Permit.

Lors de notre visite menée la semaine écoulée à travers l’île, il est clair qu’il existe quatre types de dortoirs. Primo, les dortoirs de grandes firmes locales et quelques PME qui respectent toutes les normes. Leurs travailleurs sont bien lotis. Secundo, des dortoirs qui respectent la majorité des conditions, à l’exception de quelques-unes, comme l’espace entre les lits et le nombre de toilettes.

Tertio, des dortoirs quasi-hors-normes, comme aux basses Plaines-Wilhems où une cinquantaine de travailleurs sont entassés dans un bâtiment sans ouverture, à l’exception d’une grande porte. L’employeur a fourni un petit ventilateur à chaque employé. Quarto, certains employés étrangers sont logés dans des maisons qui ne sont pas enregistrées auprès du ministère. 

Faizal Ally Beegun, syndicaliste et porte-parole des travailleurs étrangers, soutient que « 90 % des dortoirs du pays sont dans un piteux état. » Pour remédier à la situation, précise-t-il, les Health and Safety Officiers du ministère de la Santé doivent y effectuer « des contrôles-surprise et réguliers ». 

« Les autorités doivent revoir les lois concernant les contrôles dans ces dortoirs. Il faut accroitre les pouvoirs des Health and Safety Officers pour qu’ils aient la capacité de mener des opérations dans ces dortoirs sans solliciter la permission de l’employeur et des propriétaires. En cas de non-respect des conditions d’hygiène et d’hébergement, les Health and Safety Officers doivent immédiatement sanctionner les employeurs», tonne Faizal Ally Beegun. Le syndicaliste estime qu’il faut augmenter le nombre de Health and Safety Officers et d’officiers basés à la Migrant Unit du ministère du Travail.

Faizal Ally Beegun souligne que « la situation est urgente » car « les étrangers qui viennent travailler au pays et produire des articles d’exportation ne peuvent plus vivre dans de telles conditions ».

Il précise que certaines maisonnettes des camps sucriers dans la région de Flacq et d’anciennes usines dans la zone industrielle de Coromandel, ont été reconverties en dortoirs et accueillent plus de 300 ouvriers étrangers. Le porte-parole des employés étrangers réclame l’intervention urgente du ministre Soodesh Callichurn. 

Notre demande de précisions sur les inspections des dortoirs adressée au ministère du Travail, est restée sans réponse. Le Défi Plus a voulu savoir si le ministère exerce un contrôle sur les dortoirs après l’octroi du Lodging and Accomodation Permit et la fréquence de ces inspections. Et aussi si des actions seront prises contre la compagnie chinoise de Jin Fei.

Une fiche d’inventaire 

GN 27/2011 : Chaque employeur doit fixer une fiche d’inventaire sur le mur de chaque chambre. Elle doit être mise à jour au fur et à mesure.

Constat : Lors de notre tournée des dortoirs, il est clair que cette règle n’est pas respectée par tous les employeurs. Dans certains dortoirs, cette fiche d’inventaire est inexistante. 

Effets personnels 

GN 27/2011 : Chaque travailleur étranger a droit à une armoire ou un casier pour mettre ses effets personnels. Constat : Les dortoirs sont tous pourvus d’une armoire en bois ou d’un casier en fer cadenassé. 

Les toilettes

GN 27/2011 :  

  • Chaque toilette doit : (a) contenir des ouvertures favorisant une ventilation ou être ventilée mécaniquement (b) ne pas avoir de contact avec la cuisine ou le réfectoire (mess room) (c) être recouverte (d) être cloisonnée lorsque les toilettes sont communes (e) être pourvue d’eau courante.
  • Les toilettes des femmes doivent contenir une poubelle destinée aux serviettes hygiéniques. 
  • L’utilisation des toilettes comme salle-de-bains doit être interdite. 

Constat : Les toilettes communes contiennent une seule ouverture pour la ventilation. Dans un dortoir à l’Ouest, les toilettes et les salles-de-bains sont situées entre le dortoir, la cuisine et le réfectoire 

Superficie du dortoir 

GN 27/2011 :

  • La dimension des lits simples ne doit pas être de moins de 4,6 mètres carrés, la dimension des lits superposés ne doit pas dépasser 5,2 mètres carrés.
  • Chaque employeur doit fournir des lits séparés avec des matelas pour chaque employé.
  • L’espace entre chaque lit simple ne doit pas être moins de 1,1 mètre et l’espace entre les lits superposés ne doit pas être moins de 1,2 mètre. 
  • Chaque employeur doit désinfecter les dortoirs à intervalle de trois mois et chaque fois que l’exercice est nécessaire.
  • Les employés doivent être admis 12 heures après que les dortoirs aient été vaporisés de désinfectant.
  • Les dortoirs des hommes doivent être séparés de ceux des femmes. 
  • Les lits ne doivent pas dépasser 2,5 mètres de haut.

Constat : Aucun dortoir visité par Le Défi Plus n’est doté de lits simples. Certains lits superposés contiennent des matelas, d’autres une simple feuille de 'plywood' recouverte d’un drap. L’espace entre les lits superposés est moins de 1,2 mètre. Une forte odeur de moisissure émane des dortoirs en raison d’un manque d’ouvertures. 

L’état du bâtiment 

GN 27/2011 :

  • Chaque dortoir doit être en bon état.
  • Le sol doit être proprement entretenu et ne doit pas contenir de résidus pouvant blesser les employés.
  • Les escaliers doivent être munis d’une main-courante.

Constat : Vu de l’extérieur, les dortoirs paraissent en bon état. Les murs sont peints. Les escaliers de certains dortoirs situés à l’étage sont pourvus de main-courante. Mais les images de l’intérieur sont invraisemblables. Des cuvettes, valises, effets personnels et autres conteneurs jonchent un sol quasi-humide. Le dortoir situé dans le centre (une maison transformée) abrite près de 110 travailleurs étrangers. Il est perçu comme un ‘eyesore’ par les résidents. Des couvertures sont mises à sécher sur la clôture et sur le toit. Des panneaux vitrés sont brisés. L’escalier de secours situé à l’arrière du bâtiment est dans un état délabré et le garage a été transformé en dortoir.

Hygiène

GN 27/2011 :

  • Chaque employeur doit maintenir la propreté des dortoirs de sorte que le système de drainage ne génère aucune source de maladie.
  • Les employeurs doivent s’assurer que la cour des dortoirs soit propre. 
  • Les dortoirs doivent être pourvus de poubelles.

Constat : Très peu de dortoirs visités par Le Défi Plus sont pourvus de poubelles ou de lieu de stockage de déchets ménagers. 

Les facilités sanitaires

GN 27/2011 :

  • Les facilités sanitaires doivent être : (a) toujours accessibles aux employés (b) être pourvues d’eau courante (c) être propres, lavées et désinfectées au quotidien.
  • Le sol des toilettes et salles-de-bains doit être imperméable et antidérapant. 
  • Les murs des salles-de-bains doivent contenir du marbre ou être peints avec une peinture imperméable jusqu’à une hauteur de deux mètres. 
  • Les déchets doivent être évacués régulièrement.
  • Des poubelles contenant des couvercles hermétiques doivent être fournies. 

Constat : Le sol des salles-de-bains et des toilettes ne possèdent ni antidérapant, ni marbre. Aucun déchet n’est visible dans la cour de deux dortoirs. Certains dortoirs ne sont pas pourvus de poubelles avec couvercles hermétiques.

Mesures de sécurité en cas d’incendie 

GN 27/2011 :

  • Chaque dortoir qui (a) n’excède pas 200 mètres carrés (b) où le dernier étage du bâtiment n’excède pas 9 mètres au-dessus du sol (c) qui ne peut accueillir plus de 60 personnes, doit être pourvu d’une issue de secours. La sortie doit pouvoir être atteinte à une distance maximale de 15 mètres. 
  • Chaque dortoir qui (a) excède 200 mètres carrés doit être pourvu d’une issue de secours alternative, lorsque la distance à franchir est de plus de 15 mètres (b) excède 200 mètres carrés et contient trois étages doit être pourvu d’un escalier de secours alternatif.
  • Chaque employeur doit fournir un extincteur (à poudre sèche de 4 kg) pour chaque surface de 100 mètres carrés ou plus.
  • Les dortoirs contenant plus de 60 personnes doivent être munis d’une 'fire warning system'.
  • Les issues de secours d’un dortoir doivent être adéquatement illuminées et détenir un 'emergency lighting system'.
  • Personne n’est autorisé à fumer, bouillir de l’eau, cuire à manger et repasser dans les chambres à coucher.
  • Excepté pour des raisons médicales, aucune substance inflammable ou dangereuse ne doit être conservée dans les chambres à coucher. 
  • Les substances inflammables et dangereuses doivent être placées dans des endroits résistants au feu.
  • Les installations électriques ne formant pas partie du circuit ne doivent pas être dans les dortoirs.
  • Chaque dortoir doit être équipé de signes d’indications adéquats.

Constat : Le Défi Plus a remarqué que la grosse majorité des dortoirs possède une issue de secours ainsi qu’une indication montrant une porte de sortie en cas de problème. Mais très peu d’entre eux disposent d’extincteurs à poudre sèche ou de signes d’indications adéquats. Dans certains dortoirs, des détergents et substances, utilisés pour la lessive, ont été aperçus sous des lits superposés.

Sécurité électrique 

GN 27/2011 :

  • Les installations doivent être divisées afin d’éviter tout danger.
  • Chaque installation et circuit doit être correctement isolé.
  • Des moyens efficaces doivent être placés afin de couper toute l’alimentation énergétique pour éviter tout danger. 
  • Aucune modification ne doit être apportée à l’installation électrique existante. 
  • Les joints et autres connexions électriques doivent être proprement isolés. 
  • Pas de multiprises dans les chambres à coucher. 

Constat : Les installations électriques des dortoirs sont correctement isolées. Les multiprises et autres ajustements électriques sont utilisés dans les chambres à coucher. Dans certains dortoirs dépourvus d’ouverture, une connexion électrique a été faite afin que des ventilateurs soient placés en face des lits pour procurer de l’air frais. 

Facilités de lessive et repassage 

GN ./2011 :

  • Chaque employeur doit s’assurer que les dortoirs soient pourvus de fourniture d’eau à un point accessible. 
  • Chaque employeur doit maintenir et garder les citernes à eau propre et désinfectées chaque six mois. 
  • Chaque employeur doit fournir les équipements nécessaires destinés à la lessive, au séchage et au repassage des vêtements.

Constat : Des jerricans et autres conteneurs (bassines) remplis d’eau ont été aperçus dans certains dortoirs. Le Défi Plus n’a remarqué aucun équipement destiné à la lessive et au séchage des vêtements dans certains dortoirs. Seul un fer à repasser posé sur une table artisanale a été aperçu dans un dortoir.

Cuisine et salle à manger 

GN 27/2011 :

  • Les cuisines des dortoirs doivent être pourvues : (a) de facilités de cuisine (b) d’un nombre suffisant de réfrigérateurs et de congélateurs qui doivent être proprement entretenus (c) un nombre suffisant d’extracteurs. 
  • Les produits de consommation doivent être préparés dans la cuisine.
  • Les ouvertures doivent à la fois être dotées d’écrans anti-insectes et conçues pour qu’il n’y ait pas de résidu de saleté.
  • Des mesures doivent être prises pour évacuer la fumée des aliments de la cuisine à travers l’extracteur pour n’importe quelle cuisson.
  • Chaque porte donnant accès à la cuisine doit avoir une porte lisse, propre et non absorbante, et doit être munie d’un dispositif de fermeture automatique conçu pour s’ouvrir de l’extérieur. 
  • Un endroit adéquat destiné au stockage des produits alimentaires. 
  • Le lieu de stockage doit être propre et en état de marche. 
  • Les denrées non-alimentaires doivent être stockées ailleurs.
  • Les produits périssables doivent être préservés à une température visant à protéger les aliments.
  • La nourriture sèche doit être stockée dans des conteneurs séparés d’une dimension adéquate et placée à 300 millimètres au-dessus du sol.
  • Les sacs, conteneurs, caisses et autres boîtes ne doivent être placés sur des supports à 300 millimètres au-dessus du sol et aucun aliment ne doit être placé sur le sol.
  • Il ne doit pas y avoir de tuyaux d’égout et de drains dans les lieux de stockage de nourriture.
  • La zone de stockage ne doit pas avoir de contact avec les chambres à coucher, toilettes ou encore des niches. 
  • Les déchets de cuisine doivent être mis dans des sacs-poubelles, puis évacués quotidiennement.
  • Les produits liquides générés par la cuisine doivent être déchargés à travers un conduit adéquat et nettoyé régulièrement.
  • Une buanderie pour le lavage des assiettes et des ustensiles de cuisine doivent être fournis séparément de la cuisine 
  • Les employeurs doivent fournir une salle-à-manger contenant des chaises adéquates. 
  • Chaque employeur doit s’assurer que les salles-à-manger ne contiennent pas de mouches, rongeurs et autres insectes.

Constat : Très peu de dortoirs sont pourvus d’une cuisine avec réfrigérateur, extracteur, salle-à-manger et même d’une zone pour le stockage de denrées alimentaires. Dans certains cas, la cuisine, tout comme la salle-à-manger, est située à côté des toilettes et de la salle de bains. Des ustensiles de cuisine, tels que des assiettes et autres conteneurs, sont éparpillés sur les lits des travailleurs. 

Trousse de premiers soins 

GN 27/2011 :

  • Chaque employeur doit (a) fournir et s’assurer qu’une trousse de premiers soins (first aid kit) soit mise dans les dortoirs (b) s’assurer qu’il y ait toujours, et suffisamment, de personnes qualifiées en matière de premiers soins (c) prodiguer des soins hospitaliers aux employés lorsqu’ils sont malades.
  • Chaque conteneur de premiers soins (first aid box) doit être conforme aux règlements de l’Occupational Safety, Health and Welfare (First-Aid) Regulations de 1989. 

Constat : La boîte de médicaments des premiers soins (first aid box) en cas de blessures a été aperçue dans peu de dortoirs. Le conteneur renfermait environ six médicaments alors qu’une liste d’une quinzaine de produits est prévue.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !