Hausse du tarif de l’eau: le pour et le contre

Le ministre Ivan Collendavelloo a été très clair : « Privatisation ou pas, les tarifs de la Central Water Authority augmenteront. » C’est ce qu’il a récemment déclaré à la presse. Cette hausse est-elle vraiment nécessaire ? Oui, clament ceux qui sont en faveur de la majoration de la facture d’eau. Les opposants, eux, ne voient pas les choses du même œil.

Pourquoi il faut augmenter le prix

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1. L’eau est à très bon marché

Prem Saddul, l’ancien directeur général de la Central Water Authority (CWA), est catégorique : « Les tarifs de l’eau que nous pratiquons à Maurice sont les moins élevés dans l’océan Indien et la région d’Afrique. » à titre de comparaison, poursuit-il, une bouteille d’eau minérale d’un litre se vend à Rs 20, alors qu’un litre d’eau de la CWA est à 4 sous seulement.

2. Pour éviter les gaspillages

Autre raison avancée par les partisans de la hausse des prix : cela permettrait de réduire les gaspillages. « Vu que l’eau est à bon marché à Maurice, les gens ont tendance à la gaspiller », souligne Prem Saddul. Avis partagé par l’économiste Pramode Jaddoo. « Nous ne pouvons pas continuer à avoir le même système traditionnel de distribution d’eau. Il faut éviter le gaspillage », fait-il ressortir. D’ailleurs, renchérit Prem Saddul, la consommation d’eau à Maurice est bien plus élevée qu’à Singapour. « Il faut compter une consommation de 170 litres par tête d’habitant par jour, contre 140 litres à Singapour. C’est un fait que certains Mauriciens utilisent l’eau selon leurs envies et non en fonction de leurs besoins », avance l’ex-directeur général de la CWA.

3. Pour aider la CWA à financer ses projets

« La CWA est déficitaire depuis de longues années (NdlR : la CWA a accumulé, à ce jour, des pertes de Rs 1,7 milliard). En fait, elle n’arrive pas à couvrir les frais qu’elle encourt au niveau du traitement et de la distribution d’eau. Car l’argent qu’elle reçoit de la vente est insuffisant », soutient Pramode Jaddoo. Raison pour laquelle l’économiste estime qu’une hausse des tarifs permettrait non seulement à la CWA de renverser la vapeur, mais aussi d’avoir le capital nécessaire pour financer ses projets. L’organisme s’est fixé l’objectif de remplacer une bonne partie de son réseau de 4 200 km de tuyaux. Ce qui comporte un coût. Les travaux sont estimés à environ Rs 5 milliards. « Cela permettrait à la CWA de fournir de l’eau à tout le monde, à travers l’île, 24 heures sur 24 et sept jours sur 7 », explique Pramode Jaddoo. C’est d’ailleurs l’argument que le ministre Ivan Collendavelloo a présenté à la presse. Pour lui, une hausse est inévitable si la CWA veut « offrir un meilleur service » tout en « épongeant ses dettes ». Combien coûte l’eau du robinet ? Le tarif minimal de l’eau est de Rs 45. Le tableau ci-dessous indique les frais que compte la CWA par mètre cube d’eau. [lptw_table id="20237" style="material-blue"] [NdlR : Ces tarifs sont en vigueur depuis le 1er janvier 2012 (Source : CWA)] [row custom_class=""][/row]

« Instaurer un barème d’augmentation »

Pour éviter que les consommateurs ne soient pénalisés par une hausse des prix de l’eau du robinet, Pramode Jaddoo recommande qu’un barème d’augmentation soit instauré en fonction des revenus qu’ils perçoivent. « Ceux qui ont un salaire élevé devraient payer plus », estime-t-il.  

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Pourquoi il ne faut pas augmenter le prix

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1. Cela affectera certains consommateurs

« Les consommateurs paieront les pots cassés s’il y a une hausse des tarifs », prévient le secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice. Ce qui ne fera, selon lui, que creuser l’écart entre les riches et les pauvres. « La classe moyenne est en train de rétrécir et de sombrer dans la pauvreté. Une augmentation des tarifs n’est pas conseillée par les temps qui courent », insiste-t-il.

2. Le service de la CWA « laisse à désirer »

Les coupures et l’insatisfaction au niveau de la distribution d’eau dans certaines régions. Ce sont les autres arguments avancés pour contester une éventuelle hausse des tarifs. « Les consommateurs ne sont pas 100 % satisfaits de la distribution d’eau. Pourquoi devraient-ils, dans ce cas, payer plus cher pour l’eau alors que le service laisse à désirer ? » s’interroge Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC).

3. Les Mauriciens financent déjà la CWA

Suttyhudeo Tengur est catégorique : « Les consommateurs financent déjà la CWA pour le remplacement des tuyaux défectueux, responsables de 50 % des pertes d’eau dans le pays. Et ce, à travers la taxe qui est perçue sur le prix du carburant sous l’item ‘Build Mauritius’. » D’autre part, ajoute-t-il, il est du devoir de l’État de financer tout développement infrastructurel à travers le budget de développement – « Capital Budget ». « On ne peut pas venir taxer les consommateurs pour le remplacement des tuyaux de la CWA », s’insurge Suttyhudeo Tengur. Jayen Chellum abonde dans son sens. Il estime que c’est le gouvernement qui doit aider financièrement la CWA à remplacer ses tuyaux défectueux, pas les consommateurs. « Les autorités feraient ainsi un investissement utile au lieu d’investir dans de gros projets dont le pays n’a pas besoin. »

4. La hausse, un appât pour attirer des partenaires stratégiques ?

L’augmentation ne serait-elle pas une subvention pour un éventuel partenaire stratégique ? C’est du moins ce que se demande Suttyhudeo Tengur. Le porte-parole de l’APEC se dit contre le fait « que les consommateurs paient plus cher leur eau pour que la CWA conclut, plus tard, un accord avec un partenaire stratégique ». Pour Jayen Chellum, ce qui est étonnant, c’est que la question d’augmentation des tarifs refasse surface à chaque fois qu’il y a des propositions pour la privatisation. « La hausse des tarifs ne serait-elle pas un appât lancé à ceux qui voudraient approcher le gouvernement en vue de faire privatiser l’eau ? » s’interroge-t-il. D’autant plus, dit-il, que la proposition visant à augmenter les tarifs a été proposée par la Banque mondiale afin de rendre la CWA attrayante aux yeux d’un partenaire stratégique.