La hausse spectaculaire du fret, amplifiée par la pandémie de la COVID-19, mais surtout le conflit russo-ukrainien ayant éclaté en 2022, continue de faire des ravages sur l’économie. Les importateurs, principaux acteurs de la chaîne d’approvisionnement, sonnent l’alarme et demandent une réunion urgente avec le Premier ministre pour discuter des mesures à prendre afin de contenir cette crise.
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L’augmentation des coûts de transport maritime, qui s’est répercutée directement sur le prix des produits de consommation courante, entraîne une inflation galopante. Les importateurs, qui se disent « conscients des difficultés croissantes que rencontrent les consommateurs mauriciens », estiment qu’il est urgent d’agir. Ils vont adresser une correspondance au Bureau du Premier ministre (PMO) en début de semaine, exprimant leurs préoccupations et proposant des solutions concrètes pour atténuer cette situation. « L’heure est grave. La voie diplomatique doit être exploitée afin de trouver une solution. On doit impérativement approcher les pays tels que le Japon, la Chine, ou encore Taiwan », fait-on comprendre.
Pour les importateurs, cette réunion avec le Premier ministre sera « cruciale », car elle représente « une occasion de discuter ouvertement des problèmes et de trouver des solutions adaptées ».
Parmi les demandes formulées, les importateurs insistent sur la nécessité de rétablir les anciennes lignes maritimes, qui desservaient efficacement les pays de la région. Selon eux, ces lignes, aujourd’hui supprimées ou réduites, assuraient un approvisionnement stable et à moindre coût. Le retour de ces routes maritimes pourrait contribuer à réduire les frais de transport, offrant une bouffée d’air aux importateurs et, par ricochet, aux consommateurs. Les importateurs envisagent aussi de formuler une demande pour que les avions cargo d’Air Mauritius soient mobilisés pour l’acheminement de produits pharmaceutiques en provenance de l’Inde. « Cette mesure viserait à garantir une livraison rapide et à moindre coût de médicaments essentiels. L’utilisation des avions cargo d’Air Mauritius pourrait non seulement réduire les délais de livraison mais aussi les coûts, en évitant les surcharges imposées par les compagnies maritimes », souligne un importateur sous le couvert de l’anonymat.
« Situation critique »
« La situation est critique. Nous subissons l’augmentation des frais locaux ainsi que du fret. Parfois, nous devons payer des prix exorbitants pour obtenir nos marchandises. Le fret a atteint un niveau inacceptable depuis environ deux ans. La situation rappelle l’époque de la COVID-19. Certains produits, soumis au ‘price fixing’, ne peuvent plus être importés », explique Faizal Bahemia, un importateur.
Selon lui, il est probable que les produits moins chers deviennent rares en raison du contrôle des prix imposé par le gouvernement depuis la pandémie. « En sus du fret, il y a les frais portuaires, les frais du courtier maritime et de la douane. L’addition est salée. Les plus grands gagnants sont les revendeurs », déplore-t-il.
Que propose-t-il pour remédier à la situation ? « Le gouvernement doit instaurer des points de vente spécifiques et améliorer les infrastructures portuaires afin d’attirer de nouvelles lignes maritimes, ce qui favoriserait la compétitivité », suggère Faizal Bahemia.
Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association pour la Protection des Consommateurs de l’île Maurice (Acim), tire la sonnette d’alarme face à l’inflation galopante qu’il juge « intenable ». « Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Les prix des produits de base augmentent chaque semaine, et les consommateurs en paient le prix fort. Il est temps que le gouvernement intervienne », clame-t-il.
Pour Jayen Chellum, il est impératif que le gouvernement institue rapidement un comité pour étudier toutes les solutions possibles. « Il faut développer un mécanisme visant à subventionner le fret », propose-t-il, soulignant la nécessité d’actions concrètes pour « alléger le fardeau financier des consommateurs ».
Diplomatie économique
Suttyhudeo Tengur, directeur de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (Apec), estime que le fret « ne baissera pas dans les mois à venir ». Il souligne que trois grandes compagnies dominent le transport maritime mondial. « Y a-t-il une collusion entre ces trois compagnies ? », demande-t-il.
Selon lui, « tout repose sur une bonne diplomatie économique. Si nous avions une diplomatie économique efficace, nous pourrions approcher nos partenaires pour affréter des compagnies maritimes capables d’importer des produits à Maurice ». Suttyhudeo Tengur se pose également des questions sur le coût financier de l’acheminement de produits par avions cargo, une solution envisagée par certains pour contrer la hausse du fret maritime.
Les importateurs de véhicules demandent des négociations avec d’autres compagnies maritimes
Face à l’augmentation constante des frais de fret, en particulier sur les conteneurs en provenance des pays asiatiques, la Dealers in Imported Vehicles Association (DIVA) appelle le gouvernement mauricien à négocier avec d’autres compagnies maritimes susceptibles de desservir notre port.
« La situation devient de plus en plus alarmante. Si la hausse du fret se poursuit de manière significative, le pays connaîtra une forte inflation », déclare Zaid Ameer, président de la DIVA. Il faudra, selon lui, compter une augmentation de 5 000 à 6 000 dollars par conteneur par rapport aux coûts pratiqués en début d’année. « Les compagnies maritimes desservant Maurice ont réduit la fréquence des bateaux connectant les ports, créant ainsi une pénurie artificielle. Elles imposent aussi un frais de ‘Peak Season’ de 2 000 dollars par conteneur. C’est exagéré », souligne notre interlocuteur.
Selon lui, il est grand temps de renégocier avec les compagnies maritimes qui desservaient auparavant Maurice pour les faire reprendre leurs opérations dans notre port. « On compte la grande entreprise de transport maritime taïwanaise Evergreen et la compagnie japonaise Mitsui parmi elles », indique le président de la DIVA. Il avance que Maurice et le Japon partagent des relations bilatérales et cordiales depuis de nombreuses années. « Mais c’est dommage que les bateaux Mitsui passent à côté de nous pour desservir le port de Durban. Or, il y a une forte possibilité d’accueillir cette ligne maritime dans notre territoire », soutient Zaid Ameer. Il avance qu’en attirant un plus grand nombre de compagnies maritimes à desservir notre port, il y aurait plus de compétition parmi ces compagnies. Par conséquent, le fret pourrait diminuer.
Zaid Ameer rappelle qu’une rencontre a récemment eu lieu avec le ministère du Commerce, la Cargo Handling Corporation, la Mauritius Ports Authority, la Competition Commission of Mauritius ainsi que les associations de consommateurs. « Nous avons également sollicité l’aide de la Competition Commission de la COMESA », affirme Zaid Ameer qui précise que d’autres discussions sont prévues avec les autorités pour trouver une solution à long terme concernant la hausse du fret.
Hausse du fret en juin
Enième coup de massue pour les importateurs au mois de juin. Le fret a connu une majoration qui oscille entre 8 % et 42 %. Cela, en fonction de la taille du conteneur et du pays d’embarquement. Le fret pour un conteneur de 20 pieds, en provenance d’Asie, qui coûtait 3 700 dollars en mai coûte maintenant entre 4 000 et 5 000 dollars. Le montant pour un conteneur de 40 pieds est passé de 5 600 à 7 000 dollarspour atteindre 8 000 dollars dollars en fonction du pays.
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