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Harcèlement en milieu scolaire - Emilie Duval-Rivet : «Un fléau possible à vaincre»

La docteure en psychologie, Emilie Duval-Rivet, affirme que selon les études, trois enfants sont victimes d’intimidation par classe.

Un nombre considérable d’enfants et d’adolescents font face à la violence à l’école, y compris le harcèlement et le cyberharcèlement. Ce qui a des répercussions néfastes sur leur santé, leur bien-être, et leur accès à l’éducation. L’UNESCO a ainsi instauré le premier jeudi de novembre en tant que Journée internationale de lutte contre la violence et le harcèlement à l’école, y compris le cyberharcèlement. La psychologue Emilie Rivet-Duval revient sur ce fléau qui est tout aussi présent à Maurice. 

En ce jeudi, on célèbre la Journée internationale contre la violence et le harcèlement en milieu scolaire, y compris le cyberharcèlement, comme préconisé par l’UNESCO. Cette reconnaissance souligne que toutes les formes de violence à l’école constituent une atteinte aux droits à l’éducation, à la santé et au bien-être des enfants et des adolescents.

Emilie Rivet-Duval, docteure en psychologie clinique, Manager d’Action for Integral Human Development, et membre de la commission pontificale pour la protection des mineurs et adultes vulnérables (Vatican, Rome), estime que cette problématique n’est pas impossible à vaincre. 

Moyenne de trois élèves victimes par classe 

« Les adolescent.e.s vivent en présence du groupe en classe 30 heures par semaine, et les occasions d’être moqués sont extrêmement nombreuses. À travers toutes les enquêtes (depuis les années 80), il y a une moyenne de trois élèves par classe qui serait victime d’une forme d’intimidation (Bellon, 2022) », explique notre interlocutrice. 

Elle poursuit que dans 30 pays, un jeune sur trois dit avoir été victime de harcèlement en ligne, un sur cinq déclarant ne pas être allé à l’école à cause du cyberharcèlement et de la violence (Unicef, 2018, 2021). La psychologue Emilie Rivet-Duval avance que le harcèlement scolaire est un « problème préoccupant » qui entraîne une dégradation de la qualité des relations au sein du groupe. 

Elle indique qu’il existe trois composantes clés dans les situations d’intimidation scolaire : un phénomène de groupe, une répétition des actes et actions négatives et la souffrance de la victime cible et sa difficulté à se défendre. 

Marie Quartier, psychologue, souligne que « c’est la dynamique du groupe qui fait que l’enfant se retrouve dans une place ou l’autre, car l’intimidateur peut devenir l’intimidé ». L’enfant qui intimide l’autre ou qui lui-même se fait intimider est en fait « pris au piège » dans un « effet de groupe » et qui agit par peur d’être exclu. 

S’agissant des réseaux sociaux, elle fait ressortir les dangers de ces plateformes qui, finalement, sont devenues « le pire des groupes et qui n’ont plus de contours. C’est pour cela que, souvent, les adolescents livrés à la pression du groupe se voient obligés d’être sur les réseaux », dit-elle.

Elle avance qu’il importe de ne pas percevoir les intimidateur.rice.s comme des « brutes, des méchant.e.s car souvent ils.elles sont conscient.e.s de la souffrance de l’élève cible, mais sont dans l’incapacité de se défaire de ces comportements en raison de la pression qu’ils.elles subissent. Il est nécessaire de distinguer l’élève de ces actes, et lui permettre de sortir de la pression du groupe et de le re-individualiser. 

Maurice n’est pas épargné avec plusieurs cas de harcèlement scolaire.
Maurice n’est pas épargné avec plusieurs cas de harcèlement scolaire.

Outil pour la gestion des situations d’intimidation en milieu scolaire

Face à ce phénomène grandissant, Action for Integral Human Development (AIHD) a sollicité les services du Centre de Ressources et D’Études Systémiques contre les Intimidations Scolaires (ReSIS) pour une formation sur la Méthode de Préoccupation Partagée (MPP). « Cette méthode facile à mettre en pratique a été évaluée et a démontré son efficacité dans de nombreux établissements scolaires en France (Harcèlement Scolaire : le vaincre, c’est possible. La méthode de la préoccupation partagée. Bellon, JP, Gardette, B. et Quartier, M. 2021. ESF. Sciences Humaines) », soutient Emilie Duval-Rivet. 

Elle précise qu’à Maurice, en distanciel, trois sessions de formation en ligne sur l’intimidation scolaire ont eu lieu le 24 janvier et 18 mars 2022 et le 3 mars 2023 avec Jean-Pierre Bellon et Marie Quartier. « Cette formation a été suivie par plus d’une centaine d’enseignant.e.s. et des professionnel.le.s de l’écoute/en psychologie, le but étant de pouvoir appliquer cette méthode dans les situations de harcèlement. Depuis, plusieurs sessions de sensibilisation sur cette méthode ont été menées par Mélanie Vigier de Latour-Berenger, consultante à l’AIHD, à l’intention des responsables d’établissements scolaires et membres du personnel dans l’objectif de sensibiliser sur la méthode et sa mise en application. À partir de janvier 2024, cette méthode sera appliquée dans certains collèges secondaires avec le soutien de l’équipe thérapeutique d’AIHD », fait-elle comprendre. 

C’est quoi la Méthode de Préoccupation Partagée (MPP) ?

La docteure en psychologie précise qu’il s’agit d’une méthode efficace pour gérer les situations d’intimidation scolaire. « La priorité de cette méthode consiste à mettre l’emphase sur les élèves qui souffrent, avec l’intervention des adultes qui jouent un rôle rassurant et incarnent une figure d’autorité ferme et déterminée », souligne-t-elle. 

Marie Quartier explique par ailleurs que la place de l’adulte est fondamentale. « L’erreur, c’est de considérer qu’il existe un monde des enfants qui devrait pouvoir s’autoréguler », ajoute-t-elle. C’est d’ailleurs pour cela que son équipe et elle prônent « un retour de l’adulte ». 

Cette approche n’est pas punitive, mais repose sur la compassion et la moralité. Elle induit un climat de vie scolaire où il existe une tolérance zéro envers les plus petites incivilités. « Elle est non accusatoire, le but étant en premier lieu de protéger l’élève cible des brimades en évitant les risques de représailles et lui démontrer le soutien sans réserve de l’école. En deuxième lieu, de placer l’intimidateur.rice en situation d’acteur.rice de la résolution du problème, de lui donner l’opportunité de se préoccuper de l’élève cible et d’apporter une réparation à celui.celle-ci. Il y a donc des entretiens individuels. Il s’agit d’une méthode éducative qui consiste à partager avec l’élève intimidateur une préoccupation pour son camarade qui ne va pas bien, et à l’amener à cesser les brimades pour faire quelque chose de positif envers lui, avec en parallèle un accompagnement de l’élève intimidé », évoque-t-elle.

Rôle des adultes 

Emilie Duval-Rivet affirme que l’intervention des adultes est décisive car les enfants, tant cibles que harceleurs à tout degré, doivent être encadrés par des adultes aussi attentifs et fermes que bienveillants et eux-mêmes portés à l’empathie. « En adoptant une approche basée sur la compassion, le respect et la confiance, il est possible de mettre un terme aux situations d’intimidation scolaire et de garantir un environnement d’apprentissage sûr, sécurisant et respectueux pour tous les élèves », conclut-elle. 

 

 

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