Le cas de Hans Margueritte, ancien maire de Curepipe, récemment nommé à la tête de la National Empowerment Foundation, suscite de nouvelles interrogations concernant la pratique des nominations au sein des institutions gouvernementales.
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Les révélations concernant le salaire mensuel de l’ancien maire de Curepipe, Hans Margueritte, évalué à un minimum de Rs 223 075, suscitent une vive indignation. Titulaire d’un School Certificate, Hans Margueritte a été nommé Chief Executive Officer (CEO) de la National Empowerment Foundation (NEF) en octobre dernier, en remplacement d’Alain Aliphon, ancien candidat du Mouvement socialiste militant (MSM) dans la circonscription Beau-Bassin/Petite-Rivière (20).
Ce n’est pas la première fois qu’un nominé politique sous-qualifié du MSM se retrouve à la tête d’une institution gouvernementale. En cette année 2023, deux cas ont mis en lumière des préoccupations croissantes concernant les procédures de nomination et les qualifications académiques des candidats.
Les cas de Zaid Heera et Presley Paul ont été au cœur de polémiques. Zaid Heera, nommé à la tête de la Mauritius Meat Authority (MMA) au début de 2023, a dû démissionner en juillet en raison d’irrégularités entourant ses qualifications académiques. Une enquête menée par le ministère de l’Agro-industrie a révélé que Zaid Heera avait fourni des informations inexactes sur son parcours académique.
De même, Presley Paul a été contraint de quitter son poste de directeur général de la Mauritius Ports Authority (MPA) suite à la déclaration du Premier ministre, Pravind Jugnauth, au Parlement, selon laquelle il ne possédait pas les qualifications requises pour occuper ce poste.
Ces deux cas récents mettent en lumière les graves lacunes dans la nomination des dirigeants des institutions gouvernementales. Malgré les promesses du MSM en 2014 de réformer les nominations politiques en introduisant des appels à candidature, notamment pour les postes de CEO, cette promesse n’a pas été pleinement tenue neuf ans plus tard. Les nominations politiques continuent d’être effectuées sans une vérification adéquate des qualifications académiques.
Prompte réaction
Si le gouvernement a promptement réagi dans les deux premiers cas en poussant les intéressés à démissionner, la nomination de Hans Margueritte a suscité une tout autre réaction. En effet, sa nomination à la tête de la National Empowerment Foundation (NEF) a été vivement soutenue par la direction de la NEF ainsi que par le ministère de tutelle, la Sécurité sociale. La ministre, Fazila Jeewa-Daureeawoo, a déclaré au Défi Quotidien que Hans Margueritte était en possession d’un certificat de moralité irréprochable et qu’il avait accumulé plus d’une décennie d’expérience dans le domaine social.
Cependant, ces explications ne semblent pas suffisantes pour convaincre l’opinion publique. Transparency Mauritius prend une position catégorique à cet égard. Lovania Pertab, Chairperson de cette organisation non gouvernementale (ONG), avance que « Transparency Mauritius a toujours plaidé en faveur de la nécessité de séparer la politique partisane du processus de recrutement des dirigeants d’institutions ».
Ces nominations, selon elle, révèlent « un manque de transparence et de partialité », ce qui devient d’autant « plus préoccupant » lorsque les personnes nommées ne possèdent pas les diplômes requis pour diriger une institution. « Nous avons déjà eu quelques exemples de cette situation par le passé, et malheureusement, un nouvel exemple se présente aujourd’hui. Il est impératif de mettre un terme au népotisme dans tous les domaines de la vie publique à Maurice », ajoute-elle.
En sus, selon Lovania Pertab que, dans tous les cas où le népotisme prévaut, l’efficacité fait défaut et c’est inacceptable. « C’est au détriment des citoyens ». Elle souligne que le fait que des amis ou des proches soient nommés à des postes rémunérés par des fonds publics rend nos gouvernants responsables de l’utilisation appropriée de ces ressources. De telles pratiques, ajoute la Chairperson de Transparency Mauritius, ont également de graves implications sur la motivation de la jeunesse mauricienne. « Ce phénomène de népotisme décourage nos jeunes talents, incitant beaucoup d’entre eux à quitter le pays pour trouver des opportunités ailleurs, car le népotisme les décourage et envoie le message qu’il n’y pas d’équité dans les affaires publiques. Un jeune diplômé n’aura jamais la possibilité d’aspirer à un salaire similaire, ce qui crée un sentiment d’injustice et d’inégalité », déplore-t-elle.
L’importance des Schemes of Service
Krish Poonoosamy, ancien haut fonctionnaire, souligne qu’au moment de créer un poste, il est impératif de mettre en place un ‘Scheme of service’, un document fondamental pour les institutions gouvernementales. Ce ‘Scheme of service’, selon lui, va bien au-delà de la simple création d’un poste, car il définit le profil du candidat idéal pour occuper ce poste. « Il englobe l’intitulé du poste, les qualifications académiques requises, ainsi que d’autres critères essentiels comme l’expérience nécessaire pour assumer un rôle au sein d’une institution gouvernementale ».
Il insiste sur le fait que l’application rigoureuse de telles méthodes de travail aurait permis de sélectionner des candidats de meilleure qualité. « Cependant, le non-respect de ces pratiques de base a des conséquences majeures sur le bon fonctionnement des institutions gouvernementales », met en garde l’ancien haut fonctionnaire. Il estime que les nominations politiques actuelles manquent souvent de profilage et sont largement influencées par des considérations politiques partisanes, ce qui compromet la compétence et l’intégrité des personnes nommées.
Politisation délibérée des institutions
L’observateur politique, Faizal Jeerooburkhan, abonde dans le même sens. Il constate qu’au fil des années, un laisser-aller, voire une politisation délibérée, a conduit des individus non qualifiés à occuper des postes de responsabilité. Il estime que « la population partage une part de responsabilité » dans cette situation, soulignant « le besoin d’une mobilisation et de protestations plus importantes ».
Faizal Jeerooburkhan met en garde contre les risques d’avoir des individus non qualifiés à la tête d’organismes gouvernementaux, soulignant l’importance de combiner qualifications, expérience et compétence pour prendre des décisions appropriées. Il insiste également sur l’intégrité et la priorité donnée au bien-être du pays en tant que valeurs fondamentales pour les nominés politiques.
« Ces récents cas mettent en lumière la nécessité d’une réforme sérieuse du processus de nomination aux postes gouvernementaux, afin de garantir la compétence et l’intégrité des personnes nommées et, par extension, la santé des institutions du pays », dit-il.
Raffick Sorefan, Chairman de la NEF: « Bill Gates non plus n’avait pas de grands diplômes »
Le président du conseil d’administration de la NEF, Raffick Sorefan, se dit pleinement satisfait du nouveau CEO de l’organisme. « Je l’ai rencontré et je peux vous dire qu’il « mean business ». Il comprend le dossier de la pauvreté et je vais aussi l’épauler », déclare-t-il. Interrogé sur le fait que Hans Margueritte est uniquement détenteur d’un School Certificate (SC), Raffick Sorefan soutient que « Bill Gates non plus n’avait pas de grands diplômes. Cela ne l’a pas empêché d’accomplir de grandes choses ».
Rajesh Bhagwan: « Un avocat du Parquet pleinement qualifié touche moins de Rs 50 000”
C’est à la suite d’une question au parlement du député Rajesh Bhagwan (MMM) que le salaire de Hans Margueritte ainsi que ses qualifications académiques ont pu être révélés. Joint au téléphone, il affirme que sa question « ne se limite pas qu’à Hans Margueritte, mais concerne tous les amis proches et membres de Conseils d’administration, directeurs, présidents de Conseils d’institutions gouvernementales où des fonds publics sont en jeu. »
« De nombreuses familles s’endettent pour envoyer leurs enfants à l’étranger pour poursuivre des études. Cependant, à leur retour à Maurice, ils se retrouvent sans emploi et sans opportunités égales, surtout avec le MSM au pouvoir. C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux jeunes préfèrent partir à l’étranger », soutient-il. Tajesh Bhagwan fait ressortir « qu’un avocat du Parquet pleinement qualifié doit se contenter d’un salaire de moins de Rs 50 000, alors que pour un membre du MSM, c’est le jackpot ».
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