Dans l’attente du second round des discussions tripartites sur la compensation salariale de 2026, Haniff Peerun remet en cause la fiabilité des chiffres officiels de l’inflation et réclame un minimum de Rs 1 000 pour tous. Le président du Mauritius Labour Congress appelle à une approche plus juste.
Statistics Mauritius a fourni ses explications concernant le taux d’inflation de 3,7 %, contesté par les syndicats. Êtes-vous satisfait de ces réponses ?
Non. Beaucoup de réponses sont restées évasives, et nous restons sur notre faim concernant plusieurs questions soulevées. La compensation salariale doit être envisagée dans sa globalité, en tenant compte notamment de la pauvreté, afin que les travailleurs soient compensés de manière juste et adéquate.
Le gouvernement, qui nomme les membres du board de Statistics Mauritius, doit aussi assumer ses responsabilités. Comment expliquer qu’un représentant du patronat siège au board de Statistics Mauritius, alors qu’aucun représentant des travailleurs n’y est présent ?
Par ailleurs, nous avons le sentiment que Business Mauritius soutient davantage le taux d’inflation communiqué par Statistics Mauritius que tous les autres partenaires. Cela alimente la méfiance parmi les travailleurs et dans les rangs syndicaux.
Nous nous interrogeons également sur la fiabilité des chiffres de Statistics Mauritius. Il y a trois ans, Gilbert Gnany avait démissionné du board, dénonçant la manipulation des données pour embellir la situation du pays. Ironie du sort : il est aujourd’hui conseiller au bureau du Premier ministre. Et la directrice de Statistics Mauritius à l’époque de sa démission est désormais présidente du board de l’organisme. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les travailleurs et les syndicats fassent confiance à ces chiffres ?
Si l’on se base sur ce taux de 3,7 %, à quel montant de compensation faut-il s’attendre ?
Très souvent, le gouvernement accorde une compensation salariale inférieure au taux d’inflation publié par Statistics Mauritius. Parfois, il arrive qu’un montant supérieur soit octroyé. Le quantum variera en fonction du salaire perçu : 3,7 % sur un salaire de Rs 20 000 ou de Rs 40 000 ne représente évidemment pas la même chose.
Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est que le gouvernement évoque de nouveau la situation économique, que le Premier ministre juge détériorée. Cela soulève une question : est-ce à dire qu’en un an, le gouvernement n’a pas été en mesure de redresser l’économie ? Qu’il publie un « State of the Economy Report » pour que l’on puisse évaluer objectivement si la situation est restée inchangée ou si elle a empiré. Le public pourra alors tirer ses propres conclusions.
Par ailleurs, le gouvernement agite souvent la menace d’une dégradation par Moody’s. Or, l’essentiel de la dette publique provient d’emprunts contractés sur le marché domestique ou auprès de pays amis. De plus, les travailleurs ne connaissent pas Moody’s. Ce n’est pas cette agence qui détermine la politique économique du pays, ni elle qui vote aux élections.
Chaque année, les syndicats proposent chacun leur propre montant. Cette dispersion ne joue-t-elle pas en votre défaveur ?
Il est vrai que les syndicats arrivent avec des chiffres différents, mais dans le fond, les écarts entre les propositions ne sont pas si importants. Certains se basent sur le coût de la vie, d’autres réalisent leurs propres études parallèlement à celles de Statistics Mauritius. Les résultats divergent, car si Statistics Mauritius affirme suivre des normes internationales, les syndicats, eux, s’appuient sur les réalités mauriciennes et les spécificités locales.
Nous n’avons pas le même mode de vie que les Européens : ils mangent des sandwichs, nous avons notre propre culture alimentaire et nos propres dépenses. Nos chiffres reflètent ce que nous observons concrètement sur le terrain. Nous prenons aussi en compte le taux de pauvreté publié par Statistics Mauritius lui-même, ou encore l’endettement croissant des ménages. Aujourd’hui, certains foyers doivent même s’endetter pour faire leurs courses.
Plusieurs facteurs doivent donc être pris en compte, en priorité le contexte local, et non uniquement une lecture basée sur des standards internationaux, comme le fait Statistics Mauritius avec sa méthodologie.
Il avait été annoncé que le second round des négociations est prévu cette semaine. Quelles sont vos attentes ?
Le ministre du Travail nous a laissé entendre que ce second round sera présidé par le Premier ministre lui-même. C’est un réel avantage d’avoir le chef du gouvernement en face à nous pour ce type de discussion. Cela dit, nous espérons que la réunion se tiendra bel et bien cette semaine, car on ne peut pas repousser davantage cet exercice si l’on veut que la compensation soit effectivement versée dès janvier. Nous insistons également pour que ce soit le Premier ministre – et non le Junior Minister – qui préside cette séance.
De notre côté, nous avons demandé une compensation minimale de Rs 1 000 « across the board ». La classe moyenne souffre : elle n’a bénéficié ni du 14e mois ni de la compensation salariale, alors que ses dépenses sont plus élevées. Car c’est bien cette classe qui fait tourner l’économie du pays.
Christina Vilbrin-Le Bon
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