Faits Divers

Handicapé après un accident en 2012 - David Bathfield : «J’ai toujours voulu me surpasser»

David Bathfield dit croire aux miracles. David Bathfield dit croire aux miracles.

La sentence d’un mois de prison infligée à Dheeraj Takooree est très commentée sur les réseaux sociaux.

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Il était en état d’ébriété quand la voiture qu’il conduisait a heurté un groupe de cyclistes, à Nouvelle-France, le 10 mai 2012. Six ans après, David Bathfield revient sur cet accident qui a bouleversé sa vie.

Le jeudi 10 mai 2012 à 16 h 30, il était à vélo en direction du rond-point de Nouvelle-France avec des cyclistes plus jeunes que lui. Le circuit culminait au Midlands Dam. Il avait 58 ans. En une fraction de seconde, sa vie a basculé. Il n’en garde aucun souvenir, si ce n’est l’heure et l’endroit où il a été propulsé à 15 mètres du lieu de l’accident.

David Bathfield aura 65 ans le 25 novembre. Nous l’avons rencontré à son domicile à Curepipe. Immobile sur un lit dans sa chambre dont les murs témoignent de sa vie et de ses passions avant son accident, il nous reçoit avec le sourire. Ce même homme qui se surpassait pour le sport est aujourd’hui tétraplégique. Dans l’accident, il a eu la vertèbre cervicale fracturée.

« Je suis resté dans le coma pendant un mois à la clinique Darné. Je déteste les hôpitaux depuis. J’y vais uniquement lorsque c’est nécessaire », confie-t-il dans un froncement de sourcils. Il accepte de parler de son traumatisme même si c’est douloureux de ressasser cette étape de sa vie. Cependant, il fait preuve d’un fort état d’esprit. C’est émouvant ! C’est son tempérament, couplé au soutien indéfectible de sa femme, de ses enfants, de ses proches et de ses amis, qui donnent du courage à cet homme qui luttait entre la vie et la mort il y a six ans.

« À 50 ans, je me considérais comme étant toujours jeune, je ne voulais pas admettre que je vieillissais, j’ai toujours placé la barre haut », dit-il. Avec son vélo de course, il effectuait le circuit du sud de l’île : Mahébourg-Rivière des Créoles-Riche-en-Eau-Plaisance-Curepipe-Midlands Dam. Le jeudi 10 mai 2012, sa sortie sera brusquement interrompue à Nouvelle-France. C’est son ami qui a arrêté une voiture pour le transporter à la clinique Darné. Il était dans le coma à son arrivée.

Lorsqu’il en sort après un mois, son médecin l’accompagne en Afrique du Sud où il est admis dans un hôpital pour la rééducation. Il est accompagné de son épouse, Alexandra. Plongé dans un coma artificiel, il subit une chirurgie délicate. Il se retrouve avec des poids de huit kilos dont il ne ressent guère la lourdeur. « J’avais le visage enflé, dit-il. Depuis, j’en ai un peu ras-le-bol des cliniques car j’y ai passé six mois de ma vie. C’est une dure expérience ! »

Après des mois d’extrêmes souffrances, David Bathfield regagne son domicile. Il avoue que pendant deux ans, il a eu des crises de nerfs. « J’étais secoué par les gens autour de moi. J’ai cinq aides-soignants. Je suis devenu moi-même un psychologue pour gérer en même temps ces cinq adultes avec des façons de faire différentes. »

Toutefois, ce sont des personnes auxquelles il voue une extrême gratitude car elles lui brossent les dents, l’habillent et font tout pour lui, au quotidien. Paralysé des orteils aux épaules, David Bathfield fait des exercices trois fois par semaine. Chaque matin, il se réveille et prend son petit-déjeuner.

Ensuite, on lui fait sa toilette. Fatigué, il se remet au lit vers 11 heures. S’il ne dort pas, il regarde la télé ou fixe une croix en face de lui. Il remercie Dieu pour ses grâces, notamment de lui avoir permis de vivre pleinement sa vie avant son accident. Il croit au miracle, nous dit-il. « Dans l’accident, je n’ai pas eu une égratignure ni les côtes facturées, sauf le cou brisé. »

Sélection nationale de football

Membre de l’équipe Dodo, puis de Mahébourg United et de Fuel United, David Bathfield faisait partie de la sélection nationale de football de 1974 à 1984. Avec l’âge, il s’est consacré à la culture physique pendant cinq ans et il s’adonnait au cyclisme les samedis et jeudis. « En faisant du sport, j’ai toujours voulu me surpasser. J’avais toujours un but à atteindre et je me surpassais toujours. »

Le dimanche, il prenait le large avec ses amis pour des parties de pêche aux carangues ou il allait aller chasser. Il jouait de la guitare pendant 20 minutes lorsqu’il rentrait à la maison. C’était un moment de pur bonheur. Il faisait également de la peinture.

Depuis son accident, il se retrouve confiné dans sa chambre et sur un fauteuil roulant. Pourtant, David Bathfield exprime sa gratitude aux gens qu’il aime autant qu’il peut. C’est-à-dire sa famille, ses enfants et ses amis. Depuis son retour d’Afrique du Sud, il sent qu’il y a eu un changement radical en lui. « Je n’ai aucun regret. J’ai pu tout faire dans ma vie et je l’ai bien fait. »

Paysagiste de profession

David Bathfield est un ex-élève du collège St-Esprit. Après ses études secondaires, il fait ses preuves à l’établissement sucrier de Médine avant de bouger pour Ferney. Paysagiste de profession, il décide de voler de ses propres ailes à l’âge de 34 ans. Son amour pour la nature est inconditionnel. C’est Dame nature, qu’il contemple au quotidien, qui lui permet d’évacuer ses appréhensions et de se libérer l’esprit.

Il aime ses oiseaux, des cateaux verte, grise, bleue  et jaune, dans sa volière personnelle, qui le fascinent. Il cligne des yeux lorsqu’il parle d’elles. Sans doute parce que cela lui fait un bien fou et lui procure la sensation de voler mentalement. Il passe aussi du temps dans sa serre qui a été aménagée selon ses goûts et où on retrouve de belles orchidées. Il est paysagiste après tout et il sourit lorsqu’on le taquine.


Nando Bodha : « Le DPP va faire appel »

Lors des débats autour du Road Traffic (Amendment) Bill, le mardi 24 juillet, le ministre des Infrastructures publiques a évoqué le cas Dheeraj Takooree. Nando Bodha s’est dit « choqué » par le jugement rendu dans cette affaire. « J’ai parlé à l’Attorney General à ce sujet et il m’a informé que le Directeur des poursuites publiques (DPP) compte faire appel de la décision de la cour intermédiaire », a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale, mardi.


Permis suspendu

Dheeraj Takooree a été condamné, par la cour intermédiaire, à un mois de prison et à une amende de Rs 120 000. Sa compagne, Sabita Padaruth, 53 ans, a écopé d’une amende de Rs 10 000 pour ne pas avoir porté assistance aux blessés. Dheeraj Takooree répondait de cinq accusations : homicide involontaire par imprudence, ne pas avoir rapporté l’accident, conduite en état d'ivresse et deux accusations de ‘involuntary wounds and blows’. Ce soudeur de 45 ans avait plaidé coupable aux accusations retenues contre lui. Son permis de conduire a été suspendu pour une période de trois ans. Les deux accusés étaient défendus par Me Uttam Hurnauth. À l’issue du procès, ils ont présenté des excuses.


Trois vies brisées par un chauffeur saoul

L’accident fatal remonte au 10 mai 2012 à Nouvelle-France. Dheeraj Takooree conduisait sa voiture lorsqu’il a percuté de plein fouet les cyclistes, Jérôme Tennant, Philippe Colin et David Bathfield. Le conducteur, soudeur de son état, ne s’est pas rendu à la police car il était sous l’influence de l’alcool. Jérôme Tennant, alors âgé d’une trentaine d’années et tout juste père d’un enfant d’un mois, n’a pas survécu. Philippe Colin, la quarantaine, et David Bathfield, qui avait, lui, 54 ans, ont été grièvement blessés. Aujourd’hui tétraplégique, David Bathfield est condamné à une chaise roulante pour le restant de sa vie. Le Défi Quotidien a sollicité la veuve de Jérôme Tennant mais pour des raisons évidentes, elle n’a pas souhaité revenir sur cette douloureuse épreuve.


Gérard Chasteau de Balyon : « Une sentence d’enfant de chœur »

Gérard Chasteau de Balyon, le cousin de David Bathfield a réagi à travers une lettre adressée au Directeur des poursuites publiques. Il demande à ce dernier de faire appel de la sentence de Dheeraj Takooree.  

À l’heure où un débat bat son plein à l’Assemblée nationale concernant le taux d’alcool permissible dans l’organisme d’un conducteur, il s’insurge contre la sentence infligée « à celui qui est responsable de mort d’homme et qui a ruiné la vie de toute une famille en envoyant David Bathfield, un père de quatre enfants, en chaise roulante pour le restant de sa vie ».

« Pour des délits bien moindres, des accusés prennent six mois de prison, lance-t-il. Là, c’est un mois et quelques milliers de roupies d’amende ? (…) Comment voulez-vous que d’autres conducteurs imprudents réagissent à cette sentence d’enfant de chœur ? » martèle Gérard Chasteau de Balyon.  Pour tirer la sonnette d’alarme, il a ainsi publié sa lettre au DPP sur Facebook. En un rien de temps, des commentaires d’internautes, issus des quatre coins du monde, ont commencé à pleuvoir.  

 

 

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