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Guerre Israël/Palestine - Cassam Uteem : «Nous nous dirigeons vers une situation catastrophique»

L’ancien président de la République, Cassam Uteem, Nando Bodha, ancien ministre des Affaires étrangères et Rajah Ramdaursingh, ancien directeur de la Commonwealth Development Corporation.

La géopolitique et ses conséquences sur le monde, y compris Maurice. C’était le thème de l’émission « Au Cœur de l’Info », vendredi, sur Radio Plus. 

Dans un entretien téléphonique accordé à Nawaz Noorbux, l’ancien président de la République, Cassam Uteem, fait ressortir que les Palestiniens à Gaza vivent en état de siège depuis très longtemps. « Gaza est une prison à ciel ouvert depuis plus d’une quinzaine d’années », considère-t-il. Or, pour Cassam Uteem, il y a une limite à ce qu’un humain peut endurer. « Je ne suis pas en train de justifier quoi que ce soit, surtout lorsque des civils y laissent leur vie, mais je constate qu’un peuple ne peut être humilié pendant des décennies », indique Cassam Uteem. Il cite notamment des « check points » à travers lesquels des Palestiniens doivent régulièrement passer pour aller d’un endroit à un autre, l’expulsion de leurs terres pour permettra la construction de colonies pour des Israéliens ou encore les attaques répétées dans et autour de la mosquée Al Aqsa. « Personn pa kondann sa ! » dit-il.

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La réplique d’Israël aux attaques du Hamas est qualifiée de « disproportionnée et inacceptable » par Cassam Uteem qui, craint-il, pourrait décimer tout un peuple. « La riposte a fait plus de 2500 morts, quelque 350 000 déplacés, un millier de foyers rasés, des centaines de milliers de personnes privées d’eau, d’électricité, de nourriture, de carburant et de système de ‘sewerage’ où des matières fécales se retrouvent dans les rues. C’est plus qu’un Naqba (catastrophe). C’est tout un peuple qui est sur le point de disparaître et nous y assistons les bras croisés », déplore-t-il.

Pour Cassam Uteem, c’est certes aussi « inacceptable » que des innocents perdent la vie [côté israélien]. Mais d’un autre côté, il parle d’« humiliations quotidiennes » du peuple palestinien avec des femmes et des enfants qui perdent la vie également chez les Palestiniens. « Israel inn viv sa enn ou de zour. Palestinien pe viv sa toulezour de lane. Toulezour zot fer lapriyer mortuer. Kouma kapav aksepte enn sityasyon koumsa ? » se demande-t-il. 

« Double standard »

Cassam Uteem considère que l’Occident et la presse occidentale seraient en train de « jouer un vilain rôle ». « Lorsque l’Ukraine « mène la guerre pour se libérer d’envahisseur russe », il n’y a aucun problème. Mais lorsqu’un expatrié palestinien cherche, ne serait-ce, qu’à regagner son pays natal, il est étiqueté de terroriste. Come on ! Pa kav ena sa kalite ‘double standard’ la », dit-il. 

L’ensemble des pays à travers le monde sera affecté, craint Cassam Uteem. « Le prix du baril du pétrole ainsi que le coût du fret pourraient monter en flèche, ce qui occasionnera une escalade des prix [des produits] », appréhende-t-il. « Les pays les plus pauvres vont s’appauvrir. (…) Ce qui fait que nous nous dirigeons vers une situation catastrophique », est-il d’avis. 

Pour empêcher cela, Cassam Uteem estime que la communauté internationale devrait mettre au pas les protagonistes concernés. « Il faut avant tout instaurer un cessez-le-feu immédiat. Les États Unis auront un rôle important à jouer, étant le seul pays à pouvoir exercer une influence sur Israël », croit-il savoir. Ensuite, l’ancien président de la République est d’avis que les droits internationaux doivent être acceptés et respectés par tous. « Il ne peut y avoir une loi pour un groupe de personnes et une loi différente pour un autre groupe. Il faut le respect des résolutions des Nations Unies », dit-il. Et enfin, Cassam Uteem recommande un dialogue entre l’État de la Palestine et celui d’Israël « avec en vue un État palestinien avec une frontière reconnue et où sa population peut vivre en paix ». 

Netanyahu et Hamas « gagnants »

Rajah Ramdaursingh, ancien directeur de la Commonwealth Development Corporation, considère que cette situation fait le jeu du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. « Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a autorisé cette attaque, mais le gagnant aujourd’hui, c’est Netanyahu. Li ti dan dife. Il est accusé de corruption et il reste un personnage très controversé. Mais dans une crise comme celle-là, tout le monde se rassemble. D’ailleurs, ils ont mis sur pied un National Emergency Government », dit-il. 

Le Hamas, pour autant, n’est pas perdant, à en croire l’ancien directeur de la Commonwealth Development Corporation. « Le Hamas était en perte de popularité. Li pa pe kapav deliver », dit-il. Mais surtout, Rajah Ramdaursingh est d’avis que l’accord que l’Arabie saoudite allait signer avec Israël pour le reconnaître et bénéficier des contreparties des États-Unis n’allait pas faire les affaires du Hamas. « Mais maintenant, même si l’Arabie saoudite souhaite signer le traité, vis-à-vis de ces confrères arabes, il ne va pas pouvoir le faire. Le Hamas n’a toutefois que retardé l’échéance », estime-t-il. 

Les intérêts en jeu

Pour Nando Bodha, leader du Rassemblement Mauricien et ancien ministre des Affaires étrangères, au Proche Orient, le pétrole reste indéniablement l’enjeu principal et que c’est dans cette partie du monde où sont concentrés les pays producteurs principaux, citant l’Arabie saoudite, l’Iran, le Qatar et les Émirats Arabes Unis, etc. Il précise que les États-Unis préfèrent en importer bien qu’ils disposent de réserves stratégiques. « C’est le pétrole qui est au centre de l’intérêt de tous car, tout le monde en a besoin. Ce qui fait que cette partie du monde est comme une poudrière », dit-il. 

Ajouté à cela, Nando Bodha considère que tous les grands pays trouvent leur compte à ce que la sécurité règne dans cette partie du monde. Il cite le Canal de Suez, où transitent quotidiennement une soixantaine de navires ainsi que le Détroit d’Hormuz où les grands pétroliers sortent pour se rendre dans d’autres parties du monde. « Au sud du Proche Orient il y a l’océan indien, qui représente 25 % du commerce international et 50 % du trafic des pétroliers. Il y a donc tout intérêt, surtout pour des pays comme la Chine, l’Inde et le Japon, etc., que cette région reste sécurisée afin que le trafic maritime ne soit pas perturbé  », avance-t-il. Et pour amener la stabilité dans cette région du globe, Nando Bodha considère que la « Two-State Solution » doit être implémentée.  

Sécurité mondiale

Rajah Ramdaursingh dit ne pas croire dans une guerre mettant à mal la sécurité mondiale. Selon lui, il y trois scénarios possibles. Primo, que la guerre soit contenue, le Hamas et Israël estimant avoir tous les deux atteint leur but. Secundo, qu’il y ait une « proxy war » avec des protagonistes plus régionaux. Et tertio, une guerre entre l’Iran et Israël, que Rajah Ramdaursingh considère d’improbable, car cela pourrait affecter grandement le cours du baril  du pétrole dans le monde et ne ferait ainsi pas les affaires de nombreux pays, dont les États-Unis où des élections sont prévues en 2024.

Un avis que partage également Nando Bodha. « Je vois difficilement les États-Unis, des pays d’Europe, l’Arabie saoudite, l’Iran, le Qatar, être favorables à une guerre », dit-il, estimant que cela va entraîner une instabilité sur le prix du baril du pétrole. Cela dit, le leader du Rassemblement Mauricien est d’avis qu’Israël a un impératif, donner une correction au Hamas. « C’est inévitable. La communauté internationale doit donc offrir un encadrement humanitaire car l’État d’Israël fait tout ce qu’il peut pour amener la perte de ce peuple », estime-t-il. 

Marche à suivre

Nando Bodha considère que Maurice peut intervenir sur plusieurs plans. « À travers la diplomatie multilatérale, il n’y a pas de petits ou de grands pays. Maurice peut s’exprimer en mettant l’accent sur un arrêt des hostilités », dit-il. Aussi, l’ancien ministre des Affaires étrangères estime qu’il faut une action de grande envergure en faveur des Palestiniens par rapport à la situation actuelle mais également pour les jours à venir. « Nous ne pouvons permettre l’oppression d’Israël sur ce peuple », soutient-il.

 

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