Censés symboliser l’ordre et la discipline, les murs de la prison de Beau-Bassin renferment un chaos près d’atteindre le point de rupture. Des gardiens affectés au département General Duties exhortent l’administration carcérale et le nouveau commissaire des prisons p. i., Raj Rughoobeer, à faire face à leurs responsabilités avant qu’il ne soit trop tard.
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La situation au sein du milieu carcéral est chaotique, apprend-on de sources fiables. Deux établissements sont particulièrement concernés : la prison centrale de Beau-Bassin et la prison des femmes. Certains parlent de véritables bombes à retardement sur le point d’exploser. « Entre des trafics en tous genres et un système corrompu, la situation s’est profondément détériorée. Les autorités semblent impuissantes. Des témoignages accablants de l’intérieur dressent le tableau d’établissements où règnent désordre, insécurité et impunité », fait comprendre notre informateur.
« Simik » : l’ennemi invisible
Les détenus saouls ne sont plus une exception, mais une norme inquiétante à la prison de Beau-Bassin. Que dire du trafic de stupéfiants… La prolifération de la drogue synthétique témoigne de l’incapacité de l’administration carcérale à lutter contre les activités illicites dans l’enceinte. Un surveillant explique, sous le couvert de l’anonymat, que ces substances, en abondance, circulent librement. « Elles alimentent un marché parallèle où l’alcool, les cigarettes, les téléphones portables et autres drogues se partagent le terrain », dit-il.
Système de sécurité à revoir
Pourtant, des dispositifs technologiques censés assurer le contrôle – scanners corporels, détecteurs de bagages et fouilles rigoureuses opérées par les équipes du Prison Security Service – sont disponibles. Mais rien n’y fait. Les trafics se multiplient. « Tout cela ne sert qu’à donner l’illusion que la prison est sous contrôle », déplore notre informateur.
En réalité, des détenus bien organisés et souvent protégés par des gardiens corrompus contrôlent une large part des opérations. Le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen en 2018, a mis au jour cette collusion. Quant aux agents honnêtes, ils sont contraints de travailler dans un climat de peur, redoutant des représailles, voire une overdose dans leur secteur de surveillance.
Des gardiens à bout de souffle
Le découragement est palpable chez de nombreux gardiens. « Nous faisons de notre mieux, mais c’est une guerre perdue d’avance », affirment-ils. La menace d’une overdose pèse constamment sur leurs épaules, les drogues continuant d’entrer sans être interceptées.
« Les agents qui tentent de maintenir l’ordre se heurtent à une administration qui préfère préserver les apparences plutôt que d’affronter les véritables racines du problème. Le mantra du soir, répété lors des rapports quotidiens à la hiérarchie : ‘All Correct Sir’. Cela reflète tristement la situation : une façade qui dissimule une vérité glaçante. Au fond, rien ne va à la prison centrale », déplorent-ils.
La situation n’est guère plus enviable à la prison des femmes de Beau-Bassin. Pas plus tard que le vendredi 24 janvier 2025, peu après 16 h 30, une violente altercation a éclaté entre des détenues. Au cœur de cette bagarre : un trafic de drogue.
Une gardienne, tentant de rétablir l’ordre, s’est interposée, mais sa bravoure lui a valu un passage à tabac. Elle a dû être transférée d’urgence à l’hôpital SSRN de Pamplemousses, où elle est actuellement sous observation médicale.
D’après des sources fiables, cet incident a eu lieu en présence de plusieurs autres gardiennes. « Pourtant, ces dernières, supposées assurer la sécurité et maintenir l’ordre, sont restées spectatrices, ne venant pas en aide à leur collègue. Cette inaction devient d’autant plus inquiétante quand on sait que ces mêmes agents avaient récemment été accusés d’humilier des détenues séropositives, nourrissant un climat de méfiance et des tensions au sein de l’établissement », explique un informateur.
Cet incident, un parmi tant d’autres, met en lumière le dysfonctionnement de l’administration pénitentiaire, accusée de négliger sa mission essentielle : garantir l’ordre et la sécurité dans les prisons du pays. « Les critiques se multiplient quant à l’incapacité des responsables à maîtriser la situation et à contenir la dégradation de la discipline et de l’autorité dans les établissements pénitentiaires », conclut l’informateur.
Les gardiens invités à exposer leurs griefs
Face à la situation, la Prison Officers Association (POA) a été sollicitée pour une prise de position. « Aucun cas ne nous a été signalé à ce jour. Nous encourageons les gardiens à nous contacter s’ils estiment que leurs droits sont violés ou qu’ils se sentent en danger. Toutes les doléances seront transmises à la direction, et si nécessaire, au bureau du Premier ministre », a répondu le syndicat.
Le bureau du commissaire des prisons sollicité
Contacté pour une déclaration, le bureau du commissaire des prisons par intérim, Raj Rughoobeer, a indiqué que ce dernier était retenu en réunion. « Il reviendra vers vous une fois disponible », a-t-on assuré. À ce jour, le commissaire n’a pas encore répondu aux sollicitations du Défi Quotidien.
L’administration pénitentiaire : « Nous prenons les mesures nécessaires »
« Le travail de gardien de prison est complexe et exigeant. Nous faisons face à des individus au comportement souvent imprévisible. Les officiers ont pleinement le droit de se plaindre de leurs conditions de travail. Du côté de l’administration, nous prenons les mesures nécessaires. Lors des fouilles générales ou des recherches surprises, nous saisissons des doses de drogue synthétique. Chaque incident est systématiquement rapporté à la police. Pas plus tard qu’il y a trois semaines, deux plants de gandia ont été retrouvés à la prison centrale de Beau-Bassin. Là encore, le cas a été signalé à la police », déclare l’administration pénitentiaire.
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